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DROIT DES SOCIETES

SOCIETE ANONYME SA

25 Octobre 2016

Cour d’Appel d’Abidjan - Article 200 AUSCGIE (Révisé)

Présentation des faits1

Monsieur D. est directeur technique associé et administrateur de la société SI Flor Tropiques. Celui-ci est détenteur de 20% du capital, soit 5000 actions en raison de 10.000 francs l'action, contribuant ainsi à la création de la société à hauteur de 30 millions de francs.

Malgré son dévouement et le travail considérable qu'il a fourni pour que la société prospère, il a vu se développer de la part de la Direction générale de l'entreprise, une animosité surprenante qui s'est traduite par des vexations multiples en le privant de salaires, de véhicule, de téléphone et d'électricité. 

Finalement, il a été licencié pour des « raisons économiques sans règlement des arriérés de solde de tout compte avec obligation déménager sous quarante huit heures ». 

Dans le même temps, le contrat de tâcheronnage qui liait la société SI FLOR TROPIQUES et son épouse a été rompu sans aucun préavis et sans recèlement dès arriérés de 1997.

Cette mésentente doublée d'une mauvaise gestion de la direction de la société, la situation comptable négative de SI FLOR (son actif étant inférieur au passif) et la perte au moins des trois quarts de son capital, sont autant de raisons qui ont poussé Monsieur D. a initié une action en dissolution de la société.

Par exploit d’huissier du 17 Juin 1999, Monsieur D. a ainsi saisi le tribunal de première instance d’Abidjan en vue d’ordonner la dissolution anticipée pour justes motifs de la société, sur base des articles 47 des statuts de la société et 200, 5° de l’AUSGIE.

Par jugement n°255 du 10 mai 2000, le tribunal de première instance d’Abidjan s’est déclaré compétent pour connaître de l’affaire et a prononcé sa dissolution pour justes motifs.

Par exploit d’huissier en date du 22 février 2001, la société SI FROR TROPIQUES a interjeté appel dudit jugement.

La Société SI FLOR fait grief au tribunal d'avoir rejeté l'exception d'incompétence et prononcé sa dissolution. En effet, son unique exploitation se trouve à Agboville. Dès lors, le premier juge aurait dû décliner sa compétence et renvoyer le demandeur à se pourvoir devant le tribunal d'Agboville statuant en matière commerciale. 

Par ailleurs, les conditions de sa dissolution ne sont, selon elle, pas réunies dans la mesure où il n’existe aucune mésentente entre les associés. C'est uniquement un associé qui, arguant, de sa révocation en tant que Directeur général pour incurie, souhaite mettre fin au contrat de société. La Société SI FLOR éprouve certes des difficultés économiques du fait de l'incurie de « Monsieur D., mais elle est à même d'accomplir les actes de la vie juridique par le truchement de ses organes de gestion ; tant il est vrai qu'au sein d'une société anonyme, 1'affectatio societatis n'est pas un élément déterminant du contrat de société.

Estimant qu'il n'y a aucune entrave au bon fonctionnement de l'entreprise, la Société SI FLOR conclut à 1'infirmation du jugement, en ce qu'il prononce sa dissolution.

Décision de la Cour d’Appel d’Abidjan

Sur la compétence

La Cour d’appel d’Abidjan observe tout d’abord que dans une procédure par elle engagée contre Madame P., la société SI FLOR a indiqué dans l'assignation servie à cette dernière et versée aux débats que son siège social de trouve à Abidjan-Vridi.

La Cour constate ensuite que l'assignation en dissolution anticipée, objet de la présente instance, notifiée à SIFOR à Vridi, a été reçue par le comptable de cette société en la personne de Monsieur A.

Il s'ensuit que c'est à bon droit que le tribunal d'Abidjan s'est déclaré compétent pour connaître du différend.

Sur la dissolution de la société

La Cour d’appel d’Abidjan constate tout d’abord que pour solliciter la dissolution anticipée de la Société SI FLOR, Monsieur D. se contente d'affirmer qu'il y a mésentente entre les associés empêchant le fonctionnement de l'entreprise.

La Cour d’appel observe ensuite que la Société SIFLOR a perdu au moins trois quarts de son capital social. Cependant, Monsieur D. ne produit aucune pièce justifiant ses allégations.

Ainsi, les conditions de dissolution anticipée, telles que prévues par les articles 47 des statuts de la Société SI FLOR et 200-5 de l’Acte uniforme relatif aux sociétés commerciales et au groupement d’intérêt économique, ne sont pas réunies.

La Cour estime que c’est donc à tort que le premier juge a prononcé la dissolution de SIFLOR, la demande de Monsieur D. étant sans fondement.

Par conséquent, il convient, compte tenu de ce qui précède, de reformer le jugement querellé.

Bon à savoir

La société anonyme est soumise aux causes de dissolution communes à toutes les sociétés commerciales2. Ainsi, elle prend fin par dissolution anticipée prononcée par la juridiction compétente, à la demande d’un associé pour justes motifs3, notamment de mésentente entre associés empêchant le fonctionnement de la société4.

Pour que la dissolution soit prononcée, il faut encore que l’activité économique de la société soit paralysée en raison de la mésentente des associés et que la mésentente ne soit pas imputable à celui qui s’en prévaut en justice5.  

À côté de ces causes de dissolution communes à toutes les sociétés, il existe des causes de dissolution spécifiques à la société anonyme.

L’une d’elles est celle tirée de la perte partielle du capital social6. Cette perte, pour entrainer la dissolution de la société, doit être au moins de moitié.

Lorsqu’un associé invoque la dissolution anticipée de la société pour mésentente entre les associées et perte des 3⁄4 du capital social, il doit apporter la preuve de ses allégations pour que son action aboutisse7.

 

Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.

________________

1. Cour d’Appel d’Abidjan, arrêt n° 1048 du 20 juillet 2001, SOCIETE S.I. FLOR TROPIQUES c/ Mr. JEAN LUC DELAUNEY, Ohadata J-04-103, www.ohada.com

2. Article 736 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique, renvoyant aux articles 200 à 202 de l’Acte.

3. Article 200, 5° de l’Acte uniforme révisé relatif au droit des sociétés commerciales et au groupement d’intérêt économique.

4. Cour d'Appel de Bobo-Dioulasso, arrêt du 10 juin 2009, arrêt n° 10/09, UNION DES TRANSPORTEURS IVOIRO-BURKINABÈ, SAWADOGO K. ISSAKA, SAWADOGO HADA, SOKOTO HAOUDOU, SAWADOGO DJIBRIL C/ BOKOUM S. AMADOU, Ohadata J-12-116, www.ohada.com

5. Cour d'appel de Bobo-Dioulasso, arrêt n°11 du 25 juin 2008, Korbeogo Barthélemy c/ Ouedraogo R. Fulbert, Ohadata J-12-110, www.ohada.com

6. Tribunal de commerce de Pointe-Noire, Jugement du 18 juin 2008, Jugement n° 76, MESSIEURS ANDRÉ NESTOR FRANCK, VINCENT FRANCK ET NETO FRANCK, MESDAMES DORIS C. MAYANI ET LYDIA BRIGITTE MFOUTIKA-KOLI C/ SOCIÉTÉ COMINT S.A., Ohadata J-13-110, www.ohada.com  

7. Cour d’Appel d’Abidjan, arrêt n° 1048 du 20 juillet 2001, SOCIETE S.I. FLOR TROPIQUES c/ Mr. JEAN LUC DELAUNEY, Ohadata J-04-103, www.ohada.com