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DROIT DES SOCIETES

SOCIETE ANONYME SA

25 Octobre 2016

Cour d'appel d'Abidjan - Articles 388 et 389 de l’AUSCGIE Révisé

Présentation des faits1

K., en accord avec des partenaires ivoiriens et italiens, a décidé de constituer une société anonyme, dénommée SA CIES, dont l'objet social était de procéder à l'exploitation de carrières de sable.

Le capital social convenu entre les parties était de 110.000.000 F.

Un litige est, toutefois, survenue quant à la libération par certains associés, de leurs apports.

Par exploit en date du 04 octobre 1996, K. en personne et agissant en outre, au nom et pour le compte de ses deux enfants mineurs, ainsi que Madame Y., a assigné en justice A, Z. et T., en vue de de les condamner solidairement à leur payer la somme de 20 millions à titre de dommages et intérêts et de prononcer nullité de la société CIES ou, à tout le moins, la dissolution judiciaire de ladite société.

A l’appui de sa demande, Monsieur K a expliqué qu’il a entièrement libéré ses parts à hauteur de la somme de 40 millions de francs, alors que ses coassociés ne se sont pas exécutés, de sorte qu'ils ont, par leur inaction, violé les dispositions légales régissant le droit des sociétés.

Les consorts A, Z et T  ont rétorqué qu’ils ont bel et bien libéré leurs parts sociales, comme pouvaient à ce titre le justifier les déclarations de souscription et de versements établies par le Notaire S.B. Lesdits documents faisaient foi jusqu'à inscription de faux, de sorte que la société CIES a été régulièrement constituée.

Par ailleurs, les consorts A, Z et T ont sollicité, à titre reconventionnel, la condamnation de monsieur K., à leur payer la somme de 225.000.000 F, ainsi qu'obtenir la restitution du matériel d'exploitation détenu abusivement, et ce, sous astreinte de 1 million par jour de retard. Subsidiairement, ils ont sollicité une expertise judiciaire, pour évaluer le coût du matériel et des pertes liées à sa rétention.

Face aux moyens de défense présentés par les consorts A, Z et T, Monsieur K a invoqué le faux incident civil, en application de l'article 92 du code de procédure civile, afin de prouver que les documents produits étaient des faux.

Le premier juge, dans son jugement du 1er juillet 1999, déboute monsieur K. en personne, agissant pour le compte de ses deux enfants mineurs ainsi que de madame Y. et le condamne à payer la somme de 225.000.000 F.

Monsieur K. a alors interjeté appel du jugement civil n° 61/CIV I du 1er juillet 1999.

Décision de la Cour

La Cour d’appel Abidjan rappelle tout d’abord que la constitution d'une société anonyme passe par la souscription et la libération du quart des actions en cause, par chaque associé.

Il apparait en l’espèce que K. a souscrit et a libéré l'ensemble des parts sociales qu'il a acquises au sein de la société CIES. Du reste, l'acte notarié de déclaration de souscription et de versement, aux termes duquel les parts sociales litigieuses auraient été libérées par les coassociés, ne saurait avoir la force probante attachée aux actes authentiques de droit commun. En effet, ledit acte notarié n'a fait que rapporter les déclarations des associés de la CIES, suivant lesquelles la libération des parts sociales de société CIES avait été entreprise. A aucun moment, le notaire n'a constaté ladite libération effective, ce qui aurait conféré à l'acte authentique concerné une validité jusqu'à inscription de faux.

Par ailleurs, la Cour d’appel constate que les consorts A. n'ont été en mesure de produire une quelconque preuve de la libération des parts sociales qu'ils avaient souscrites.

Elle précise ensuite que la non-libération des parts sociales dans les normes exigées par la loi affecte l’existence même de la société anonyme.

Dès lors, la cour d’appel d’Abidjan considère qu’il y a lieu de faire droit à la demande en nullité de la SA CIES et d’infirmer le jugement attaqué sur ce point.

Bon à savoir

Pour être valablement constituée, la société anonyme doit être dotée d’un capital d’au moins 10.000.000 francs CFA, divisé en actions dont la valeur nominale est de 10.000 francs CFA au moins2. Toutefois, si la société fait appel public à l’épargne ou si ses titres sont inscrits à la bourse de valeurs, le capital minimum est porté à 100 millions de francs CFA3. L’exigence de ce capital social minimum est réaliste, étant donné qu’elle restaure à la société anonyme sa vocation originelle, à savoir une technique de gestion adaptée aux grandes entreprises4.

La souscription du capital social doit être intégrale et doit intervenir avant la date de la signature des statuts ou de la tenue de l’assemblée générale constitutive5.

Par contre, sa libération peut être progressive. En effet, les actions correspondant à des apports en numéraire doivent être libérées, au moment de la souscription d’un quart au moins de leur valeur nominale6. La libération du surplus doit intervenir dans un délai de trois ans à dater de l'immatriculation de la société au registre du commerce et du crédit mobilier (RCCM). Les actions représentant des apports en numéraire non intégralement libérées doivent rester sous la forme nominative. Tant que la libération intégrale du capital n’est pas intervenue, la société ne peut procéder à une augmentation de capital, excepté le cas où cette augmentation est réalisée par des apports en nature, ni à l’émission d’obligations7.

 

Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.

_________________

1. Cour d'Appel d'Abidjan, arrêt du 1er décembre 2000, arrêt n° 1060/2000, K. C/ Z. ET T., Le Juris-Ohada, n° 3/2003, juillet-septembre 2003, p. 43

2. Article 387 de l’Acte uniforme révisé relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique ; M. DOBILL, Comptabilité Ohada. Tome III – Comptabilité des sociétés, Douala-Cameroun, Karthala et AECC, 2013, p. 27.

3. Article 824 de l’Acte uniforme révisé relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique.

4. Y. GUYON, Droit des affaires. Tome I : Droit commercial général et sociétés, 7ème édition, Paris, Economica, 199§6, n°278, p. 271.

5. Article 388 de l’Acte uniforme révisé relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique.

6. Cour d'Appel d'Abidjan, arrêt du 1er décembre 2000, arrêt n° 1060/2000, K. C/ Z. ET T., Le Juris-Ohada, n° 3/2003, juillet-septembre 2003, p. 43.

7. Article 389 de l’Acte uniforme révisé relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique ; B. Le Bars, Droit des sociétés et de l’arbitrage international. Pratique en droit de l’Ohada, Joly, Paris, 2011, p. 156.