Toggle Menu
#agissons #agissons

DROIT DES SURETES

CAUTIONNEMENT

25 Octobre 2016

Cour d’appel de Ouagadougou - Articles 19 et 21 AUS – Article 30 AUS Révisé

Présentations des faits1

Monsieur S. est directeur de l'entreprise X. Cette entreprise s’est vue attribuer un marché de l’Agence Faso Baara, ce qui lui a permis d’obtenir auprès de ladite agence le paiement d’une somme de 4.192.895 francs, à titre d’avance pour le démarrage des travaux. Pour garantir cette créance, la SGBB s’est portée caution personnelle et solidaire de Monsieur S.

L'exécution des travaux n'a pas connu la diligence convenue, ce qui a valu la résiliation du marché et l'appel de la caution, la SGBB, pour le remboursement de l'avance reçue par Monsieur S. 

Suite à l'ordonnance d'injonction de payer n° 256/05 rendue le 12 août 2005 par le président du Tribunal de grande instance de Ouagadougou, la SGBB a fait signifier à Monsieur S. l'injonction de lui payer la somme de 4.192.895 francs en principal le 19 septembre 2005.

Par acte d'huissier de justice en date du 26 septembre 2005, Monsieur S. a formé opposition contre cette ordonnance.

Par jugement du 1er mars 2006, le Tribunal a condamné Monsieur S. à payer à la SGBB la somme de 3.197.895 francs en principal, outre les intérêts de droit à compter du prononcé du jugement et a débouté la SGBB du surplus de ses réclamations.

Le 7 mars 2006, Monsieur S. a interjeté appel dudit jugement.

Monsieur S. expose que par courrier daté du 1er avril 1998 adressé à la SGBB, le directeur général de l'Agence Faso Baara a fait état de la résiliation du marché qui a été concédé, et a demandé paiement de la caution consentie par la SGBB, laquelle s'est acquittée de ladite caution sans que Monsieur S. ne soit avisé.

Après une première ordonnance d'injonction de payer la somme de 3.197.895 francs annulée le 15 juin 2005 par le Tribunal de grande instance de Ouagadougou pour violation de l'article 4 de l'Acte uniforme portant organisation de PSRVE, il recevait à nouveau le 19 septembre 2005, une autre ordonnance d'injonction de payer portant sur la somme de 4.192.895 francs dont 1.000.000 de francs à titre de dommages-intérêts ;

Monsieur s. soutient que ladite ordonnance doit être annulée, aux motifs qu'il y a violation des articles 1 et 2 AUPSRVE, en ce que la créance réclamée est incertaine du fait qu'il a été inclus des dommages-intérêts, qui ne peuvent être recouvrés par la procédure d'injonction de payer. Il fait valoir, par ailleurs, que la SGBB a aussi violé l'article 19 de l'Acte uniforme portant organisation des sûretés, qui fait obligation à la caution d'aviser le débiteur avant tout paiement sous peine de perdre son droit de recours contre lui. Il s'en suit que le jugement mérite annulation et la condamnation de la SGBB à lui payer la somme de 700.000 francs au titre des frais non compris dans les dépens.

En réplique, la SGBB sollicite la confirmation du jugement attaqué.

Décision de la Cour d’appel de Ouagadougou

La Cour d’appel de Ouagadougou rappelle tout d’abord qu’il est fait grief au jugement attaqué d'avoir reçu la demande de paiement de dommages intérêts dans une procédure d'injonction de payer et ce, sur le fondement de l'article 21 de l’AUS, alors même que l'injonction de payer est une procédure spéciale régie par les articles 1 et 2 de l’AUPSRVE, aux termes desquels seules les créances d'origine contractuelle qui sont certaines, liquides et exigibles peuvent y être recouvrées. Ainsi les dommages-intérêts n'ayant pas été prévus et déterminés dans la convention des parties ne peuvent être réclamés dans une procédure d'injonction de payer.

Il ressort des pièces du dossier que la SGBB s'est portée caution personnelle et solidaire de Monsieur S., directeur de l'entreprise X., qui a été attributaire d'un marché de l'Agence Faso Baara. L'exécution des travaux n'a toutefois pas connu la diligence convenue, ce qui a valu la résiliation du marché et l'appel de la caution, la SGBB, pour le remboursement de l'avance reçue par Monsieur S. Il ne peut être contesté de bonne foi que la créance réclamée par la SGBB ne satisfait pas aux conditions prescrites aux articles suscités. Il convient aussi de relever que les dommages-intérêts réclamés par la SGBB entrent dans le champ contractuel des parties suite à la non-exécution des engagements de Monsieur S., ayant conduit à l'appel de la SGBB, en tant que caution.

La Cour d’appel rappelle également que de la lecture combinée des dispositions de l'article 8 de l’AUPSRVE et de l'article 21 de l’AUS, il ressort que la caution qui a payé a, outre le recours personnel contre le débiteur principal pour ce qu'elle a payé en principal, en intérêts de cette somme et en frais engagés, la possibilité de réclamer des dommages-intérêts.

Ainsi, c'est à bon droit que les premiers juges ont reçu la demande en paiement de dommages-intérêts de la SGBB, tout en l'ayant débouté, aux motifs qu'elle n'a pas rapporté la preuve du préjudice subi par elle.

Il est reproché, par ailleurs, au jugement attaqué d'avoir violé les dispositions de l'article 19, alinéa 2 de l'Acte uniforme portant organisation des sûretés qui fait obligation à la caution d'aviser le débiteur avant tout paiement sous peine de perdre son droit de recours contre lui.

La Cour d’appel estime qu’en relevant que le simple fait pour la caution de ne pas avertir ou mettre en cause le débiteur avant de payer ne suffit pour autant à la priver de son droit de recours entre celui-ci, à moins que le débiteur ne rapporte la preuve qu'au moment du paiement ou postérieurement au paiement, il avait le moyen de faire déclarer la dette éteinte, ou qu'il avait payé dans l'ignorance du paiement de la caution, les premiers juges méritent d'être soutenus en cette motivation. Ne l'ayant pas fait, Monsieur S. se trouve mal fondé à invoquer la violation de l'article 19, alinéa 2 de l’Acte uniforme portant organisation des sûretés

La Cour précise que s’il est établi tel qu'il ressort des dispositions de l'article 21 de l'Acte uniforme portant organisation de sûretés que la caution a un recours personnel contre le débiteur principal en ce qui concerne le principal, intérêts et frais payés par elle, et qu'elle peut également réclamer des dommages-intérêts pour le préjudice par elle subi du fait des poursuites engagés contre elle, encore faut-il rapporter la preuve de ce préjudice.

En l'espèce, ladite preuve n'a pas été rapportée par la SGBB, de même que celle des frais exposés.

Au vu de ce qui précède, la Cour d’appel de Ouagadougou considère qu’il y a lieu de confirmer le jugement attaqué et de rejeter la demande de frais exposés par Monsieur S., celui-ci ayant succombé.

Bon à savoir

Il arrive que la caution paie la dette du débiteur principal. Il incombe cependant à la caution d’informer le débiteur principal préalablement à son exécution2. Cette formalité légale reflète le caractère accessoire de l’engagement pris par la caution3. En cas de manquement à ce devoir d’information, la caution ne disposera plus de recours contre le débiteur principal, si, au moment du paiement par elle ou postérieurement à ce paiement, le débiteur avait le moyen de faire déclarer la dette éteinte ou s'il avait payé dans l'ignorance du paiement de la caution. Toutefois, la caution pourra toujours agir en répétition de l’indu à l’encontre du créancier4

Pour sa part, le créancier a pour obligation d’informer la caution de la défaillance du débiteur principal, comme exposé ci-avant. S’il ne respecte pas ce devoir, la caution ne devra pas payer certaines pénalités ou intérêts de retard conformément à l’article 24, alinéa 2 de l’AUS révisé.

 

Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.  

_______________

1. Cour d’appel de Ouagadougou, Chambre commerciale (BURKINA FASO), Arrêt n° 102 du 18 mai 2007, SANOU Mesmin c/ SGBB, Ohadata J-09-51, www.ohada.com

2. Article 30, al. 1er de l’Acte uniforme révisé portant organisation des sûretés ; Cour d'Appel de Ouagadougou, arrêt n°84 du 7 avril 2006, TAMBOURA Hamadoum c/ OUEDRAOGO Sibiri Joseph, www.ohada.com, Ohadata J-09-23.

3. L. BLACK YONDO et autres, Le nouvel acte uniforme portant organisation des sûretés. La réforme du droit des sûretés de l’OHADA, coll. Lamy Axe Droit, Rueil-Malmaison Cedex, Lamy, 2014, p. 95.

4. Article 30, al. 2 de l’Acte uniforme révisé portant organisation des sûretés