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DROIT DES SURETES

CAUTIONNEMENT

25 Octobre 2016

Cour d'Appel de Bobo-Dioulasso - Articles 3 et 4 AUS - Articles 8, alinéa 1 et 142, alinéa 1 AUS - Articles 13 et 219 AUS Révisé

Présentation des faits1

Monsieur B. est propriétaire d’un immeuble situé dans la ville de Bobo-Dioulasso. Une hypothèque judiciaire provisoire a été prise sur ce bien par une banque.

Un acte de cautionnement a été conclu entre la banque et Monsieur D. en vue de faciliter la procédure d’emprunt introduite par son fils.

Il est à souligner que Monsieur D. s’étant porté caution ne sait ni lire ni écrire.

Selon la caution, l’acte de cautionnement fourni par la banque était frauduleux, en ce que la caution n’a pas pu mesurer l’ampleur de sa signature au jour de la constitution du cautionnement. S’il s’agit certes de sa signature, la caution soutient que son consentement a été vicié et n’a pas pu être parfait. En effet, d’une part,  la banque lui a fait croire que le document à signer allait faciliter la procédure d’emprunt de son fils. D’autre part, l’acte ne mentionnait nulle part les conditions d’exécution de l’obligation principale dont la caution devait pourtant avoir connaissance. 

Par jugement du 18 avril 2007, le Tribunal de Grande Instance de Bobo-Dioulasso a rejeté les allégations susmentionnées de Monsieur D. et a déclaré que l’hypothèque provisoire prise par la banque sur l’immeuble querellé est bonne et valable. De fait, le Tribunal a converti l’hypothèque provisoire en hypothèque définitive, estimant par-là que l’acte de cautionnement est valable.

Le 6 juin 2007, Monsieur D. a alors interjeté appel de ce jugement.

Décision de la Cour d’appel de Bobo-Dioulasso

La Cour d’appel de Bobo-Dioulasso constate que les mentions prescrites à l’article 4, alinéa 2 de l’Acte uniforme portant organisation des sûretés n’ont pas été respectées en l’espèce.

En effet, en vertu de cette disposition, le cautionnement doit faire l’objet d’un écrit pour une somme déterminée en toutes lettres et en chiffres de la main de la caution. Cet acte doit en outre comporter les signatures de la caution et du créancier, sous peine de nullité.2 Or, il s’avère qu’en l’espèce, la caution ne sait ni lire ni écrire, de sorte que c’est la banque, qui a inscrit les mentions requises susmentionnées. Cela a pour effet de rendre irrégulier le cautionnement et d’en entraîner la nullité.

Par ailleurs, la caution demande la mainlevée de l’hypothèque judiciaire prise sur l’immeuble dont elle est la propriétaire, conformément à l’article 142 de l’Acte uniforme. La Cour d’appel fait droit à cette requête en raison du défaut de consentement valablement passé entre les parties. Dès lors, l’hypothèque étant irrégulière, la mainlevée de l’hypothèque est justifiée et doit être effectuée. 

La Cour d’appel infirme donc sur ces deux points le jugement rendu en première instance.

Bon à savoir

En vertu de l’article 3 de l’ancien Acte uniforme portant organisation des sûretés, le cautionnement est un contrat par lequel la caution s'engage, envers le créancier qui accepte, à exécuter l'obligation du débiteur si celui-ci n'y satisfait pas lui-même.3

Aussi, il convient de s’assurer que son engagement a été librement et expressément consenti, à peine de nullité. D’ailleurs, il ne peut se présumer, indépendamment de la nature de l’obligation garantie.4

Conformément à l’article 45, alinéa 2 du présent Acte uniforme, le cautionnement doit être constaté dans un acte comportant la signature des deux parties et la mention, écrite de la main de la caution, de la somme maximale garantie, en toutes lettres et en chiffres.

L’alinéa suivant de cette même disposition prévoit que si la caution ne sait pas ou ne peut pas écrire, elle doit se faire assister de deux témoins qui certifient, dans l'acte de cautionnement son identité et sa présence. De plus, ces témoins attestent que la nature et les effets de l'acte ont été spécifiés de la caution. La présence des témoins certificateurs dispense la caution de l'accomplissement des formalités prévues par l'alinéa précédent6.

Or, dans la décision analysée, la caution ne sait ni lire ni écrire et les dispositions légales prescrites dans une telle hypothèse n’ont pas été respectées. La banque, détentrice de l’hypothèque grevant l’immeuble appartenant à la caution, a inscrit elle-même les mentions légales exigées, en lieu et place de la caution. Ainsi, le cautionnement est irrégulier et par voie de conséquence, est nul.7 La mainlevée de l’hypothèque judiciaire, prévue à l’article 142 de l’Acte uniforme portant organisation des sûretés8, est donc justifiée eu égard aux circonstances de l’espèce et doit être accomplie.

 

Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.

______________

1. Cour d'Appel de Bobo-Dioulasso, arrêt n° 67 du 18 août 2008, EL Hadji BALIMA Lamoussa c/ BOA, Ohadata J-10-123, www.ohada.com

2. Article 4, al. 2 de l’Acte uniforme portant organisation des sûretés.

3. L’article 13 de l’Acte uniforme révisé portant organisation des sûretés contient la même définition si ce n’est qu’il précise que l’obligation du débiteur est présente ou future.

4. Article 4 de l’Acte uniforme portant organisation des sûretés.

5. L’Acte uniforme révisé portant organisation des sûretés reprend les mêmes principes à quelques différences près en son article 14. Pour un examen de cette disposition, voy. L. BLACK YONDO et autres, Le nouvel acte uniforme portant organisation des sûretés. La réforme du droit des sûretés de l’OHADA, coll. Lamy Axe Droit, pp. 79-80. Notons toutefois qu’a disparu l’exigence reprise à l’alinéa 1er de l’article 4 de l’ancien Acte uniforme, suivant laquelle le cautionnement doit être convenu expressément entre la caution et le créancier. Ainsi, l'écrit constitue désormais une condition de preuve du cautionnement et non plus une condition de sa validité

6. A ce sujet, voy. B. AKPOUE, « La protection de la caution illettrée », Projet de constitution des organes scientifiques et administratifs de la Revue du Cames en sciences juridiques et politiques, n° 001/2015, pp. 95-117.

7. Sur l’extinction du cautionnement, voy. L. BLACK YONDO et autres, Le nouvel acte uniforme portant organisation des sûretés. La réforme du droit des sûretés de l’OHADA, coll. Lamy Axe Droit, pp. 103-105.

8. Voy. l’article 219 de l’Acte uniforme révisé portant organisation des sûretés.