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DROIT DES SURETES

CAUTIONNEMENT

25 Octobre 2016

Tribunal de grande instance de Bobo-Dioulasso (Burkina Faso) - Articles 4, 128 et 150 AUS – Article 14 AUS Révisé

Présentation des faits1

La BCB et l'Etablissement ECOTRAF représentés par madame NANA Christine ont conclu une convention de compte courant assortie d'un avenant, respectivement les 25 novembre 1999 et le 3 décembre 2000. Monsieur S. s'est porté caution de ECOTRAF, à hauteur respectivement de 5.000.000 CFA et 10.000.000 FCFA en garantie des engagements de ECOTRAF.

En garantie de ses obligations de caution, Monsieur S. a constitué au profit de la BCB, une hypothèque sur la parcelle 7, du lot 7, de la section A.M du secteur 7, de la ville de Diébougou, objet du PUH n° 030165 du 18 août1998.

Par exploit d'huissier en date du 5 avril 2005, la BCB a fait signifier à Monsieur S. un commandement tendant à la saisie immobilière portant sur la parcelle susvisée en réalisation de l'hypothèque consentie, et cela, parce que ECOTRAF n'exécutait pas ses obligations.

Par acte d'huissier en date du 27 juillet 2005, Monsieur S. a assigné la BCB en annulation du cautionnement hypothécaire qu'il a consentie au bénéfice de cette dernière.

Monsieur S. veut, par cette action, voir le Tribunal prononcer l'annulation du cautionnement du 25 novembre 1999 et du 08 janvier 2000 au profit de BCB ; prononcer l'annulation de l'hypothèque constituée les 25 novembre 1999 et 08 janvier 2000 au profit de la BCB ;
 ordonner la radiation de l'inscription d'hypothèque prise le 02 décembre 1999 au registre des oppositions ;
condamner la BCB à lui payer la somme de 734.000 FCFA au titre des frais exposés et aux dépens.

Au soutien de ses prétentions, il avance que les conventions de compte courant qui contiennent les cautionnements ne comportent pas la mention écrite de sa main de la somme maximale garantie en toutes lettres et en chiffres tel que le prévoit l'article 4 de l'Acte uniforme portant organisation des sûretés. Cette formalité étant exigée à peine de nullité, le cautionnement donné à la BCB doit être annulé.

Par ailleurs, l'hypothèque dont veut se prévaloir la BCB a été consentie devant un seul notaire au lieu de deux témoins comme l'exige l'article 2127 du code civil. La formalité de cet article étant une condition de validité de l'hypothèque, celle qu'il a consentie au profit de la BCB doit être annulée.

Qu'afin, ayant pris des dispositions pratiques pour assurer sa défense, il réclame conformément à la disposition de l'article 6 de la loi portant organisation judiciaire au Burkina Faso la somme de 734.000 francs CFA au titre des frais exposés.

En réplique la BCB demande que Monsieur S. soit purement et simplement débouter de sa demande en annulation de cautionnement hypothécaire. Au soutient de cette prétention, la BCB avance, d'une part, que la violation de l'article 4 de l'Acte uniforme portant organisation des sûretés invoqué par le demandeur doit être interprété dans son esprit. C'est dans le but de protéger les profanes que cette disposition impose un minimum de formalisme à peine de nullité. En outre, Monsieur S., ingénieur d'élevage de son état, ne saurait se prévaloir de son illettrisme et de son ignorance dans l'établissement d'une convention dont il connaissait la portée.

Décision du Tribunal de grande instance de Bobo-Dioulasso

Sur la validité des cautionnements du 25 novembre et 08 janvier 2000, consentis par Monsieur S. au profit de la BCB 

Le tribunal de grande instance de Bobo-Dioulasso rappelle tout d’abord que conformément à l’alinéa 2 de l'article 4 de l'Acte uniforme portant organisation des sûretés, le cautionnement doit être constaté dans un acte comportant la signature des deux parties et la mention écrite de la main de la caution, de la somme maximale garantie, en toutes lettres et en chiffres.

En l’espèce, il ressort clairement de la convention de compte courant et de l'avenant que Monsieur S. se porte caution de ECOTRAF pour le paiement respectif des sommes de 500.000 et 10.000.000 FCFA et que ces deux actes sont signés de la main du demandeur.

Il s'en suit que l'esprit de l'article 4, alinéa 2 de l'Acte uniforme, édicté pour éviter les contentieux qui pourraient s'élever à l'occasion du cautionnement dans les pays où l'illettrisme et l'ignorance sont répandus, a été respecté, surtout que Monsieur S. est une personne instruite.

Par conséquent, le tribunal de grande instance déclare considère qu’il y a lieu de débouter Monsieur S. de sa demande en annulation des cautionnements consentis au profit de la BCB. 

Sur la validité l’hypothèque constituée par le demandeur au profit de la BCB

Le tribunal de grande instance de Bobo-Dioulasso rappelle tout d’abord qu’en vertu de l'article 150, alinéa 1er de l'Acte uniforme portant organisation des sûretés, « sont abrogées toutes les dispositions antérieures contraires à celles du présent Acte uniforme. Celui-ci n'est applicable qu'aux sûretés consenties ou constituées après son entrée en vigueur ».

Le tribunal de grande instance observe ensuite que Monsieur S. se prévaut de la disposition de l’article 2127 du Code civil traitant de la formation de l'hypothèque, pour demander la nullité́ de l'hypothèque consentie sur sa parcelle.

Toutefois, cette disposition a été abrogée par l'article 128, alinéa 1er de l'Acte uniforme portant organisation des sûretés.

Aux termes de cette dernière disposition, l’hypothèque conventionnellement est consentie :

-       par acte authentique établi par le notaire territorialement compétent ou l'autorité́ administrative ou judiciaire habilitée à faire de tels actes ;

-       ou par acte sous seing privé dressé suivant un modèle agréé par la conservation de la propriété foncière.

Le tribunal de grande instance constate qu’en l’espèce, la convention de compte courant et l'avenant, qui contiennent les constitutions d’hypothèque, ont été dressés par notaire, de sorte que l’article 128, alinéa 1er a bien été respecté.

Le tribunal de grande instance de Bobo-Dioulasso décide donc qu’il y a lieu de débouter Monsieur S. de sa demande en annulation d’hypothèque.

Sur la demande en radiation de l'inscription d’hypothèque prise le 02 décembre 1999

Comme Monsieur S. a été débouté de sa demande en annulation d’hypothèque, le tribunal de grande instance le déboute, par voie de conséquence, de sa demande en radiation d'inscription hypothécaire.

Bon à savoir

Cette décision fait une application rigoureuse des règles relatives à la formation du contrat de cautionnement, telles que prévues sous l’égide de l’ancienne version de l’Acte uniforme portant organisation des sûretés2

Ces règles ont toutefois été assouplies par le nouvel Acte uniforme portant organisation des sûretés3. En effet, si la convention de cautionnement devait, sous peine de nullité, être conclue expressément entre le créancier et la caution et être formée par écrit, tel n’est plus le cas désormais. Le législateur OHADA a, par cet assouplissement entourant la constitution du cautionnement, mis fin aux controverses doctrinales sur la question du caractère formel ou consensuel du cautionnement4 en affirmant tacitement son caractère consensuel. Le consentement du créancier et celui de la caution suffisent en effet pour que le cautionnement soit valablement constitué. Si le consentement peut être tacite, la volonté des parties contractantes doit toutefois être établie avec certitude5. L’écrit demeure de facto l’unique mode de preuve6.

Conformément à l’article 14 AUS Révisé, l’écrit et la signature de la caution et du créancier ne constituent ainsi plus une condition de validité du cautionnement, mais uniquement une condition de preuve de ce dernier7

En effet, l’article 14 précité dispose que le cautionnement ne se présume pas, peu importe la nature de l’obligation garantie. Il se prouve par un acte comportant la signature de la caution et du créancier ainsi que la mention, écrite de la main de la caution, en toutes lettres et en chiffres, de la somme maximale garantie couvrant le principal, les intérêts et autres accessoires. En cas de différence entre ces deux mentions, le cautionnement vaut pour la somme exprimée en lettres8.

 

Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.  

_________________

1. Tribunal de grande instance de Bobo-Dioulasso (Burkina Faso), Jugement n° 074 du 15 mars 2006, SOMDA Jean Christophe c/ Banque Commerciale du Burkina, Ohadata J-09-86, www.ohada.com

2. Y. R. KALIEU ELONGO, « Observations », sous Tribunal de Grande Instance du Mfoundi, Jugement n° 404/CIV du 28 mars 2005, PITAMBERT LADHARAM ASNANI contre Mme EPANE MBOUMDJA JULIENNE, Ohadata J-08-112, www.ohada.com. Voy. aussi du même auteur : Les sûretés personnelles dans l’espace OHADA, PUA, collection Vade Mecum 2006.

3. K. M. BROU, « Le nouvel Acte uniforme portant organisation des sûretés et l’accès au crédit dans l’espace OHADA », Ohadata D-13-23, pp. 5-6, www.ohada.com

4. Pour des partisans de la thèse formaliste, voy. notamment F. ANOUKAHA,  « Le droit des sûretés dans l’Acte uniforme OHADA », PU d’Afrique, 1998, pp. 35 et s., A. SAKHO et I. N’DIAYE,  « Pratique des garanties du crédit », Revue africaine de banque, 1998, pp. 17 et s. Pour des auteurs favorables à la thèse consensualiste, voy. F. ANOUKAHA, A. CISSE-NIANG, M. FOLI, J. ISSA-SAYEGH, I. YANKHOBA NDIAYE et M. SAMB, Ohada. Sûretés, coll. Droit uniforme africain, Bruxelles, Bruylant, 2002, pp. 14 et s.

5. H. D. AMBOULOU, Le droit des sûretés dans l’espace OHADA, Paris, L’Harmattan, 2014, p. 20.

6. L. BLACK YONDO et autres, Le nouvel acte uniforme portant organisation des sûretés. La réforme du droit des sûretés de l’OHADA, coll. Lamy Axe Droit, Rueil-Malmaison Cedex, Lamy, 2014, pp. 78-80 ; Ph. SIMLER, Cautionnement et garanties autonomes, 3e éd., Paris, Litec, 2000, n°52.

7. Article 14 de l’Acte uniforme révisé portant organisation des sûretés.

8. Y. KALIEU, « La mention manuscrite dans le cautionnement Ohada », Ohadata D-03-02, www.ohada.com