Toggle Menu
#agissons #agissons

DROIT DES SURETES

CAUTIONNEMENT

25 Octobre 2016

Tribunal de grande instance de Ouagadougou (Burkina Faso) - Article 13 AUS – Articles 23 et 24 AUS Révisé

Présentation des faits1

La BICIA-B a signé avec Monsieur G. une convention de compte courant avec cautionnement hypothécaire à hauteur de 10.000.000 F. CFA. De cette convention, Monsieur S. s'est porté caution à hauteur de 5.000.000 F. CFA.

Le 22 novembre 2006, la BICIA-B et Monsieur G. ont procédé à la signature d'un avenant portant ainsi le montant de l'inscription hypothécaire de 10.000.000 F. CFA à 35.000.000 F. CFA. Monsieur S. s'est encore porté caution solidaire et indivisible à hauteur de 25.000.000 F.CFA.

Cependant, depuis la signature de cet avenant, les mouvements se sont faits rares au niveau du compte qui finalement présente un compte débiteur de 22.380.052 F. CFA.

Ni Monsieur G., ni Monsieur S. ne conteste le montant dudit compte. Les nombreuses tentatives de recouvrement à l'amiable qu'elle a entreprises sont restées vaines. Il y a crainte que les débiteurs n'organisent leur insolvabilité. C'est la raison pour laquelle, elle entend recourir contre eux à la procédure d'injonction de payer.

Par requête en date du 16 juillet 2007, la BICIA-B a sollicité du président du tribunal de grande instance de Ouagadougou, l'autorisation de faire signifier à Monsieur G. et Monsieur S., une injonction de lui payer la somme de 22.380.052 F. CFA.

La BICIA-B a fait signifier aux Messieurs G. et S., et respectivement l’ordonnance d’injonction de payer n°280/2007, délivrée par le vice-président du Tribunal de grande instance de Ouagadougou le 20 juillet 2007 au pied de sa requête.

Contre cette ordonnance, Messieurs G. et S. ont formé opposition. Ils ont également cité la BICIA-B, à comparaître devant le Tribunal de grande instance de Ouagadougou pour s'entendre :

-       principalement déclarer leur opposition recevable et déclarer nul l'exploit de notification en cause pour violation de l'article 8, alinéa 1 de l’AUPSRVE ;

-       subsidiairement, déclarer irrecevable la requête de la BICIA-B pour violation des articles 1 et 2 de l’AUSPRVE et, en conséquence, déclarer nulle l'ordonnance qui en a résulté ; déclarer également la présente procédure contre la caution irrecevable pour violation de l'article 13 de l’AUS ;

-       par extraordinaire et au fond, débouter la BICIA-B de sa procédure de recouvrement pour défaut de preuves de la créance et la condamner aux dépens de l'instance.

A l'appui de ses prétentions, Monsieur S. soutient d'une part que l'ordonnance d'injonction de payer et l'exploit de notification encourent nullité pour violation de l'article 8 l'AUPSRVE, et que, d'autre part, la requête aux fins d'injonction de payer de la BICIA-B doit être déclarée irrecevable pour violation des articles 1 et 2 de l’AUPSRVE, en ce sens que la BICIA-B a présenté des réclamations, en l'occurrence des frais de recouvrement et d'honoraires d'avocats, qui ne sont pas contractuelles. En outre ces réclamations ne sont ni certaines, ni liquides, ni exigibles. 

Par ailleurs, la requête de la BICIA-B doit être déclarée également irrecevable pour violation de l'article 13 de l’AUS.

Quant à Monsieur G., il reprend les mêmes arguments et les mêmes prétentions que Monsieur S., tout en réclamant en sus la condamnation de la BICIA-B à lui payer la somme de 500.000 F. CFA au titre des frais non compris dans les dépens. 

En réplique, la BICIA-B conclut principalement à la déchéance du droit d'opposition des Messieurs G. et S. pour violation de l'article 11 de l'AUPSRVE. 

Décision du Tribunal de grande instance de Ouagadougou

Sur la recevabilité de l'opposition formée par Monsieur S. le 2 novembre 2007

Le tribunal de grande instance de Ouagadougou rappelle tout d’abord que conformément à l'article 10 de l'AUPSRVE, « l'opposition doit être formée dans les quinze jours qui suivent la signification de la décision portant injonction de payer... ».

Le tribunal de grande instance constate qu’en l'espèce, entre la date de signification de l'ordonnance d'injonction de payer du 20 juillet 2007 (18 octobre 2007) et la date de l'opposition (02 novembre 2007), il s'est écoulé moins de 15 jours. 

Par conséquent, le tribunal considère qu’il convient de déclarer l'opposition formée par Monsieur S. contre l'ordonnance d'injonction de payer n° 280/2007 du 20 juillet 2007 recevable en la forme.

Sur la recevabilité de l'opposition formée par Monsieur G. le 10 et le 13 août 2007

Le tribunal de grande instance de Ouagadougou rappelle tout d’abord que conformément à l'article 11 de l'AUPSRVE, « l'opposant est tenu, à peine de déchéance, et dans le même acte que celui de l'opposition :

-       de signifier son recours à toutes les parties et au greffe de la juridiction ayant rendu la décision d'injonction de payer ;

-       de servir assignation à comparaître devant la juridiction compétente à une date fixe qui ne saurait excéder le délai de trente jours à compter de l'opposition. »

Le tribunal de grande instance constate qu’en l'espèce, Monsieur G. a formé opposition le 10 août 2007 et a donné assignation à comparaître le 19 septembre 2007.

Or, entre la date du 10 août 2007 et celle du 19 septembre 2007, il s'est écoulé plus de 30 jours. 

Par conséquent, le tribunal considère qu’il convient de déclarer Monsieur G. déchu de son droit d'opposition.

Sur le moyen tiré de la violation de l'article 13 de l'AUS 

Le tribunal de grande instance de Ouagadougou rappelle tout d’abord que conformément à l'article 13 de l'Acte uniforme portant organisation des suretés, « la caution n'est tenue de payer la dette qu'en cas de non paiement du débiteur principal. Le créancier doit aviser la caution de toute défaillance du débiteur principal et ne peut entreprendre de poursuites contre elle qu'après une mise en demeure adressée au débiteur et restée sans effet. (...) ».

En l’espèce, la BICIA-B prétend que la notification de l'injonction de payer équivaut à informer la caution de la défaillance du débiteur principal. Un tel argument ne saurait prospérer, dans la mesure où l'ordonnance d'injonction de payer condamne déjà̀ la caution au paiement de la dette.

Ladite ordonnance n'a pas été notifiée à titre d'information.

Au regard de tout ce qui précède, il y a lieu d'annuler l'ordonnance d'injonction de payer n° 280/2007 du 20 juillet 2007 pour violation de l'article 13 de l'Acte uniforme portant organisation des suretés.

Bon à savoir 

Avant toute chose, le créancier ne peut mettre en jeu la caution que si le débiteur principal n’a pas effectué le paiement de l’obligation garantie (art. 23, AUS révisé)2. Aussi, certaines conditions préalables doivent être satisfaites avant de poursuivre la caution. Ces exigences sont régies d’une part, par le droit commun relatif au recouvrement des créances. Ainsi, la créance doit être certaine, liquide et exigible3. D’autre part, le cautionnement possède un régime qui lui est propre : la défaillance du débiteur principal4.

Concernant ce régime spécifique du cautionnement, la défaillance du débiteur principal s’entend du non-paiement par celui-ci de la dette garantie. Dès lors, la caution ne peut faire l’objet de poursuites par le créancier qu’en seconde position5.A cet égard, le créancier est tenu de mettre en demeure le débiteur principal d’exécuter le paiement. En cas de défaut dans le mois suivant la mise en demeure précitée, le créancier doit avertir la caution de la défaillance du débiteur principal et lui préciser le montant restant dû en principal par ce dernier6.

 

Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.  

_________________

1. Tribunal de grande instance de Ouagadougou (Burkina Faso), Jugement n° 061/08 du 26 mars 2008, SAVADOGO Wéfo Adama & GOUO Seydou c/ Banque Internationale pour le Commerce, l'Industrie et l'Agriculture du Burkina (BICIA-B)), Ohadata J-09-379, www.ohada.com

2. Sur l’article 13 de l’ancien Acte uniforme, voy. Cour d'Appel de Ouagadougou, arrêt n°83 du 3 décembre 2010, Société RAWANI International, BALLY Baba Seid, ALLETE Fatoumata c/ BICIA-B, www.ohada.com, Ohadata J-12-189.

3. Art. 1er de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution. Pour un examen de l’exigibilité de la dette, voy. L. BLACK YONDO et autres, Le nouvel acte uniforme portant organisation des sûretés. La réforme du droit des sûretés de l’OHADA (sous la dir. de P. CROCQ), coll. Lamy Axe Droit, Rueil-Malmaison Cedex, Lamy, 2014,pp. 92-93. Voy. également Tribunal de Grande Instance de Mbouda, jugement n° 01/CIV/TGI 2009 du 5 février 2009,  CRÉDIT COMMUNAUTAIRE D'AFRIQUE (C.C.A SA) c/ WAMBA Grégoire, www.ohada.com, Ohadata J-12-239.

4. L. BLACK YONDO et autres, Le nouvel acte uniforme portant organisation des sûretés. La réforme du droit des sûretés de l’OHADA (sous la dir. de P. CROCQ), coll. Lamy Axe Droit, Rueil-Malmaison Cedex, Lamy, 2014,pp. 91-94.

5. Art. 13, al. 1er, art. 23, al. 1er et art. 23 de l’AUS révisé.

6. Art. 24, al. 1er, AUS révisé ; K. M. BROU, « Le nouvel Acte uniforme portant organisation des sûretés et l’accès au crédit dans l’espace OHADA », Ohadata D-13-23, p. 7, www.ohada.com ; L. BLACK YONDO et autres, Le nouvel acte uniforme portant organisation des sûretés. La réforme du droit des sûretés de l’OHADA (sous la dir. de P. CROCQ), coll. Lamy Axe Droit, Rueil-Malmaison Cedex, Lamy, 2014,p. 95.