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DROIT DES SURETES

CAUTIONNEMENT

25 Octobre 2016

Tribunal de Grande Instance du Mfoundi - Articles 3 et 4 AUS – Article 14 AUS Révisé

Présentation des faits1

A la requête des époux P. et par exploit du 28 Avril 2004, Madame E. est assignée devant le Tribunal de Grande Instance de céans, pour s’entendre annuler « l’acte d’engagement pour exécution d’un contrat de prêt sur gage » daté du 26 novembre 2003.

Régulièrement assignée, Madame E. ne comparaît ni ne conclut. 

Au soutien de leur action, les époux P. exposent que suivant contrat intitulé « acte d’engagement pour exécution d’un contrat de prêt sur gage » daté du 26 novembre 2003, Monsieur P. s’est constitué caution solidaire de son épouse, Madame P., et a pris sur lui l’obligation de « rembourser en lieu et place de son épouse cette somme telle qu’il a été convenu dans le contrat initial ».

Il estiment que cet acte est nul, en application de l’article 4 de l’Acte uniforme portant organisation des sûretés.

Décision du Tribunal de grande instance de Mfoundi

Le Tribunal de grande instance de Mfoundi constate tout d’abord que le document contesté intitulé « acte d’engagement pour exécution d’un contrat de prêt sur gage » est un acte unilatéral, dépourvu de tout caractère contractuel.

A cet égard, le tribunal rappelle que conformément à l’article 3 de l’Acte Uniforme OHADA relatif aux sûretés, le cautionnement est un contrat entre la caution qui s’engage et le créancier qui accepte. 

Il rappelle également qu’en vertu de l’article 4 de l’Acte uniforme portant organisation des sûretés, « le cautionnement ne se présume pas, quelle que soit la nature de l’obligation garantie. A peine de nullité́, il doit être convenu de façon expresse entre la caution et le créancier. Le cautionnement doit être constaté dans un acte comportant la signature des deux parties et la mention, écrite de la main de la caution, de la somme maximale garantie en toutes lettres et en chiffres (…) ».

Il ressort de cette disposition que l’acte d’engagement susvisé a été établi en violation flagrante des dispositions légales. Les mentions manuscrites prescrites par l’article 4 de l’acte uniforme sont en effet absentes sur le document. Or il s’agit de formalités prescrites à peine de nullité.

Par conséquent, le tribunal de grande instance de Mfoundi déclare qu’il y a lieu d’annuler le document contesté. Ainsi, il donne gain de cause aux époux P. et condamner Madame E. aux dépens.

Bon à savoir

Cette décision fait une application rigoureuse des règles relatives à la formation du contrat de cautionnement, telles que prévues sous l’égide de l’ancienne version de l’Acte uniforme portant organisation des sûretés2.

Ces règles ont toutefois été assouplies par le nouvel Acte uniforme portant organisation des sûretés3. En effet, si la convention de cautionnement devait, sous peine de nullité, être conclue expressément entre le créancier et la caution et être formée par écrit, tel n’est plus le cas désormais. Le législateur OHADA a, par cet assouplissement entourant la constitution du cautionnement, mis fin aux controverses doctrinales sur la question du caractère formel ou consensuel du cautionnement4 en affirmant tacitement son caractère consensuel. Le consentement du créancier et celui de la caution suffisent en effet pour que le cautionnement soit valablement constitué. Si le consentement peut être tacite, la volonté des parties contractantes doit toutefois être établie avec certitude5. L’écrit demeure de facto l’unique mode de preuve6.

Conformément à l’article 14 AUS Révisé, l’écrit et la signature de la caution et du créancier ne constituent ainsi plus une condition de validité du cautionnement, mais uniquement une condition de preuve de ce dernier7

En effet, l’article 14 précité dispose que le cautionnement ne se présume pas, peu importe la nature de l’obligation garantie. Il se prouve par un acte comportant la signature de la caution et du créancier ainsi que la mention, écrite de la main de la caution, en toutes lettres et en chiffres, de la somme maximale garantie couvrant le principal, les intérêts et autres accessoires. En cas de différence entre ces deux mentions, le cautionnement vaut pour la somme exprimée en lettres8.

 

Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.

_________________

1. Tribunal de Grande Instance du Mfoundi, Jugement n° 404/CIV du 28 mars 2005, PITAMBERT LADHARAM ASNANI contre Mme EPANE MBOUMDJA JULIENNE, Observations Y. R. KALIEU ELONGO, Ohadata J-08-112, www.ohada.com.

2. Y. R. KALIEU ELONGO, « Observations », sous Tribunal de Grande Instance du Mfoundi, Jugement n° 404/CIV du 28 mars 2005, PITAMBERT LADHARAM ASNANI contre Mme EPANE MBOUMDJA JULIENNE, Ohadata J-08-112, www.ohada.com. Voy. aussi du même auteur : Les sûretés personnelles dans l’espace OHADA, PUA, collection Vade Mecum 2006.

3. K. M. BROU, « Le nouvel Acte uniforme portant organisation des sûretés et l’accès au crédit dans l’espace OHADA », Ohadata D-13-23, pp. 5-6, www.ohada.com

4. Pour des partisans de la thèse formaliste, voy. notamment F. ANOUKAHA,  « Le droit des sûretés dans l’Acte uniforme OHADA », PU d’Afrique, 1998, pp. 35 et s., A. SAKHO et I. N’DIAYE,  « Pratique des garanties du crédit », Revue africaine de banque, 1998, pp. 17 et s. Pour des auteurs favorables à la thèse consensualiste, voy. F. ANOUKAHA, A. CISSE-NIANG, M. FOLI, J. ISSA-SAYEGH, I. YANKHOBA NDIAYE et M. SAMB, Ohada. Sûretés, coll. Droit uniforme africain, Bruxelles, Bruylant, 2002, pp. 14 et s.

5. H. D. AMBOULOU, Le droit des sûretés dans l’espace OHADA, Paris, L’Harmattan, 2014, p. 20.

6. L. BLACK YONDO et autres, Le nouvel acte uniforme portant organisation des sûretés. La réforme du droit des sûretés de l’OHADA, coll. Lamy Axe Droit, Rueil-Malmaison Cedex, Lamy, 2014, pp. 78-80 ; Ph. SIMLER, Cautionnement et garanties autonomes, 3e éd., Paris, Litec, 2000, n°52.

7. Article 14 de l’Acte uniforme révisé portant organisation des sûretés.

8. Y. KALIEU, « La mention manuscrite dans le cautionnement Ohada », Ohadata D-03-02, www.ohada.com