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DROIT DES SURETES

CAUTIONNEMENT

25 Octobre 2016

Tribunal de Première Instance d'Abidjan - Articles 4 et 150 AUS – Article 14 AUS (Révisé)

Présentation des faits1

Dans le cadre de ses activités d’expropriation de café-cacao, et conformément à la réglementation en vigueur, la Société A. a été amenée à constituer des cautions bancaires d’un montant minimum de 100.000.000 F/CFA.

En effet,  le décret du 3 août 1995 créé une obligation de constituer caution à la charge des exportateurs de café-cacao, sans en préciser les formes. 

Ecobank-CI et la BACI ont accepté de fournir à la Société A. cette caution les 6 octobre et 18 novembre 1998 avec pour terme le 30 septembre 1999.

A la suite de différends, la Société A. s’est vue retirée son agrément d’exportateur par arrêté ministériel du 23 juin 1999. 

Cette décision administrative a fait l’objet d’un recours afin d’obtenir son retrait. Sur le fondement de l’arrêté ministériel, la Caisse de stabilisation et de soutien des produits agricoles a appelé la caution Ecobank à payer la somme de 100.000.000 F CFA, correspondant à son engagement du 6 octobre 1998.

La Société A. a, par exploit d’huissier du 29 novembre 1999, cité Ecobank, la BACI et la Caisse de stabilisation et de soutien des produits agricoles à comparaître pour s’entendre déclarer nuls et de nul effet les actes de cautionnement établis les 6 octobre et 18 novembre 1998.

La Société A. fait valoir que ces actes de cautionnement donnés au profit de la Caisse de stabilisation étant postérieurs au 1er janvier 1998, l’Acte uniforme portant organisation des sûretés s’applique ; que les alinéas 1 et 2 de l’article 4 dudit Acte disposent que le cautionnement ne se présume pas, quelque soit la nature de l’obligation garantie. A peine de nullité, il doit être convenu de façon expresse entre la caution et le créancier. Le cautionnement doit être constaté dans un acte comportant la signature des deux parties et la mention écrite, de la main de la caution, de la somme maximale garantie, en toutes lettres et chiffres.

La Caisse de stabilisation, pour sa part, soulève in limine litis l’irrecevabilité de la demande de la Société A., au motif qu’elle n’a pas la qualité pour agir, puisqu’elle est tiers à la convention de cautionnement entre les banques et la Caisse de stabilisation.

Au fond, la Caisse de stabilisation soutient la validité des cautions données à son profit, les cautions litigieuses étant des créations spécifiques à travers la convention de fonctionnement de 1996, et ce, par décret du 23 août 1995.

Décision du Tribunal de Première Instance d'Abidjan

Quant à la forme

Le Tribunal de première instance d’Abidjan considère que s’il est vrai que la Société A. est tierce aux contrats de cautionnement liant les banques à la Caisse de stabilisation, il n’en demeure pas moins qu’en sa qualité de débitrice principale, elle a intérêt à contrôler la régularité des actes de cautionnement, et ce, d’autant qu’elle sera tenue de payer les sommes que la caution aura payées en ses lieu et place.

Il s’ensuit, selon le Tribunal, que la Société A. a qualité pour agir.

Par conséquent, il convient de rejeter cette fin de non-recevoir et de déclarer l’action recevable.

Quant au fond

Le Tribunal de Première Instance d'Abidjan observe tout d’abord que les actes de cautionnement dont la nullité est invoqué ont été établis les 6 octobre et 18 novembre 1998.

Le Tribunal de première instance rappelle ensuite que l’Acte uniforme portant organisation des sûretés est entré en vigueur le 1er janvier 1998, de sorte qu’il est applicable aux actes de cautionnement critiqués, conformément à l’article 150, alinéa 1er dudit Acte. 

L’article 4 de l’Acte uniforme dispose que le cautionnement ne se présume pas. A peine de nullité, il doit être convenu de façon expresse entre la caution et le créancier. Le cautionnement doit être constaté dans un acte comportant la signature des deux parties et la mention écrite de la main de la caution, de la somme maximale garantie en toutes lettres et en chiffres. En cas de différence, le cautionnement vaut pour la somme exprimée en lettre.

Les actes de cautionnement litigieux ne comportent ni la signature de la bénéficiaire, ni la mention écrite de la main de la caution de la somme maximale garantie.

Dès lors, ils sont nuls et de nul effet.

Bon à savoir

Cette décision fait une application rigoureuse des règles relatives à la formation du contrat de cautionnement, telles que prévues sous l’égide de l’ancienne version de l’Acte uniforme portant organisation des sûretés2.  

Ces règles ont toutefois été assouplies par le nouvel Acte uniforme portant organisation des sûretés3. En effet, si la convention de cautionnement devait, sous peine de nullité, être conclue expressément entre le créancier et la caution et être formée par écrit, tel n’est plus le cas désormais. Le législateur OHADA a, par cet assouplissement entourant la constitution du cautionnement, mis fin aux controverses doctrinales sur la question du caractère formel ou consensuel du cautionnement en affirmant tacitement son caractère consensuel. Le consentement du créancier et celui de la caution suffisent en effet pour que le cautionnement soit valablement constitué. Si le consentement peut être tacite, la volonté des parties contractantes doit toutefois être établie avec certitude4. L’écrit demeure de facto l’unique mode de preuve5

Conformément à l’article 14 AUS Révisé, l’écrit et la signature de la caution et du créancier ne constituent ainsi plus une condition de validité du cautionnement, mais uniquement une condition de preuve de ce dernier6

En effet, l’article 14 précité dispose que le cautionnement ne se présume pas, peu importe la nature de l’obligation garantie. Il se prouve par un acte comportant la signature de la caution et du créancier ainsi que la mention, écrite de la main de la caution, en toutes lettres et en chiffres, de la somme maximale garantie couvrant le principal, les intérêts et autres accessoires. En cas de différence entre ces deux mentions, le cautionnement vaut pour la somme exprimée en lettres7.

 

Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.

_______________

1. Tribunal de Première Instance d'Abidjan, Jugement n° 31 du 22 mars 2001, CSSPA C/ Sté Afrocom, Ecobank et BACI, Revue Ecodroit n°1, juillet 2001, p. 39 ; Ohadata J-02-22, www.ohada.com

2. K. M. BROU, « Le nouvel Acte uniforme portant organisation des sûretés et l’accès au crédit dans l’espace OHADA », Ohadata D-13-23, pp. 5-6, www.ohada.com

3. Pour des partisans de la thèse formaliste, voy. notamment F. ANOUKAHA,  « Le droit des sûretés dans l’Acte uniforme OHADA », PU d’Afrique, 1998, pp. 35 et s., A. SAKHO et I. N’DIAYE,  « Pratique des garanties du crédit », Revue africaine de banque, 1998, pp. 17 et s. Pour des auteurs favorables à la thèse consensualiste, voy. F. ANOUKAHA, A. CISSE-NIANG, M. FOLI, J. ISSA-SAYEGH, I. YANKHOBA NDIAYE et M. SAMB, Ohada. Sûretés, coll. Droit uniforme africain, Bruxelles, Bruylant, 2002, pp. 14 et s.

4. H. D. AMBOULOU, Le droit des sûretés dans l’espace OHADA, Paris, L’Harmattan, 2014, p. 20.

5. L. BLACK YONDO et autres, Le nouvel acte uniforme portant organisation des sûretés. La réforme du droit des sûretés de l’OHADA, coll. Lamy Axe Droit, Rueil-Malmaison Cedex, Lamy, 2014, pp. 78-80 ; Ph. SIMLER, Cautionnement et garanties autonomes, 3e éd., Paris, Litec, 2000, n°52.

6. Article 14 de l’Acte uniforme révisé portant organisation des sûretés.

7. Y. KALIEU, « La mention manuscrite dans le cautionnement Ohada », Ohadata D-03-02, www.ohada.com