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DROIT DES SURETES

CAUTIONNEMENT

25 Octobre 2016

Tribunal de Première Instance de Bouaflé - Article 24 AUS – Article 35 AUS Révisé

Présentation des faits1

En 1995, un groupement à vocation coopérative a été constitué afin de produire et de commercialiser du manioc.

Pour que cette société coopérative puisse obtenir un prêt de trois millions de francs, Monsieur A. a versé à l’Etat de Côte d’Ivoire le montant de 300.000 francs pour le compte de ladite société. Cette somme de 300.000 francs représente l’apport personnel de Monsieur A., ce dernier s’étant ainsi porté caution pour le prêt susmentionné. De ce fait, la société coopérative constitue le débiteur principal.

La présidente du groupement à vocation coopérative, Madame T., est parvenue à détourner, à l’insu des membres dudit groupement, sur son compte personnel le chèque consenti à la coopérative sur son compte personnel. Or, cette société dispose d’un compte propre.

Selon Monsieur A., le but de ce détournement de fonds consistait à utiliser ces deniers à ses propres fins. La présidente de la société coopérative conteste cet élément de fait. En effet, elle considère que  la somme de trois  millions de francs s’est bel et bien retrouvée sur son compte personnel mais nullement par son entremise.

A l’échéance fixée pour le remboursement du prêt, la caution a été poursuivie par le créancier, c’est-à-dire l’Etat de Côte d’Ivoire, à l’effet de payer une somme d’1.000.00 de francs. Dès lors, la caution sollicite en justice le remboursement de cette somme déboursée ainsi que de l’apport personnel qu’il avait effectué pour un montant de 300.000 francs, conformément à l’article 873 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et au groupement d’intérêt économique.

Décision du Tribunal de Grande Instance de Bouaflé

Concernant la demande de paiement de la somme d'1.000.000 de francs CFA

Le Tribunal de Grande Instance de Bouaflé rappelle tout d’abord qu’en vertu de l’article 24 de l’Acte uniforme portant organisation des sûretés, « la caution peut agir en paiement contre le débiteur principal ou demander la conservation de ses droits dans le patrimoine de celui-ci, avant même d’avoir payé le créancier, dès qu’elle est poursuivie ».

Le Tribunal constate en l’espèce que d’une part, Monsieur A. s’est porté caution du groupement à vocation coopérative et que, d’autre part, la caution a poursuivi le paiement de la somme d’argent empruntée par la société coopérative, en ses lieux et place pour un montant d’environ un million de francs.

Comme la somme d’argent précitée est prouvée et justifiée, le Tribunal de première instance de Bouaflé considère qu’il y a lieu de condamner le groupement à vocation coopérative à payer à Monsieur A. cette somme d’argent.

Concernant la demande en paiement de la somme de 300.000 francs CFA

Le Tribunal  de première instance de Bouaflé constate qu’en l’espèce, le groupement à vocation coopérative n’a pas remboursé le prêt de trois millions de francs, qui lui a été octroyé par la caisse autonome d’Amortissement.

Il estime ensuite qu’en raison de l’inexécution par ledit GVC de son obligation, l’Etat de la Côte d’Ivoire a été contraint d’opérer une saisie sur le compte en banque de Monsieur A., lui causant ainsi un préjudice moral et financier certain.

Par conséquent, le Tribunal considère que c’est donc à bon droit que Monsieur A. sollicite la condamnation du groupement à vocation coopération au paiement d’une somme de 300.000 francs à titre de dommages et intérêts.

Bon à savoir

En vertu de l’ancien article 24 de l’Acte uniforme portant organisation des sûretés2, la caution a la possibilité d’agir en paiement contre le débiteur principal ou de demander la conservation de ses droits dans le patrimoine de celui-ci, avant même d'avoir payé le créancier, et ce, dans quatre hypothèses.

Les situations visées sont les suivantes : le cas où la caution est poursuivie, celui où le débiteur est en état de cessation des paiements ou en déconfiture, l’hypothèse où le débiteur ne l'a pas déchargée dans le délai convenu et enfin, lorsque la dette est devenue exigible par l'échéance du terme sous lequel elle avait été contractée.3

La décision ci-dessus a trait au premier cas de figure, c’est-à-dire lorsque la caution est poursuivie par le créancier. Comme la somme d’argent empruntée par le débiteur principal est prouvée et justifiée, la caution est en droit de réclamer le remboursement de cette somme auprès de celui-ci ; l’objectif de cette disposition étant de protéger la caution.4

 

Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.

_______________

1. Tribunal de Première Instance de Bouaflé, jugement n° 113 du 28 juillet 2005, ADJEBI YOUAN CELESTIN c/ GVC WADAMA Ohadata J-09-204, www.ohada.com

2. Devenu l’article 35 de l’Acte uniforme révisé portant organisation des sûretés.

3. Pour de plus amples développements sur ce sujet, voy. L. BLACK YONDO et autres, Le nouvel acte uniforme portant organisation des sûretés. La réforme du droit des sûretés de l’OHADA (sous la dir. de P. CROCQ) ; coll. Lamy Axe Droit, pp. 96-101.

4. L. BLACK YONDO et autres, op. cit., pp. 100-101, H. D. AMBOULOU, Le droit des sûretés dans l’espace OHADA, Paris, L’Harmattan, 2014, pp. 19-22.