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DROIT DES SURETES

CAUTIONNEMENT

25 Octobre 2016

Tribunal de première instance de Daloa - Article 4 AUS – Article 14 AUS Révisé

Présentation des faits1

Monsieur K. a prêté la somme de 6.846.420 francs à Monsieur R. En date du 22 mars 2005, un protocole d’accord a été signée par Monsieur R. et par Monsieur I., portant la mention suivante : "En cas de manquement et de non-respect des dispositions dudit accord, Monsieur I est solidaire des poursuites engagées contre Monsieur R.".

Se prévalant de traites impayées, Monsieur K. a saisi la juridiction présidentielle du Tribunal de céans.

Par ordonnance d'injonction de payer n°l0/2006, en date du 20 janvier 2006, rendue par la juridiction présidentielle a condamné solidairement Messieurs I. et R. à payer à Monsieur K. la somme de 5.846.420 francs en principal. 

Par exploit d'huissier en date du 8 février 2006, Monsieur I. a formé opposition à ladite ordonnance qui lui a été signifiée le 25 janvier 2006 et, par le même acte, a cité K à comparaître devant le tribunal de première instance de Daloa pour voir annuler l’ordonnance litigieuse et déclarer nul le protocole d'accord en date du 22 mars 2005 comme contrat de cautionnement.

A l'appui de son opposition, Monsieur I. expose que l’ordonnance présidentielle n°10/2006 du 20 janvier 2006 a été prise en violation des dispositions de l'article 4 de l'Acte uniforme portant organisation des sûretés, en ce que cette décision a été prise sur la base d’un protocole d'accord aux termes duquel il était simplement témoin. Ne s’étant pas engagé expressément à être la caution de R., il ne saurait être condamné à payer la dette de ce dernier.

Monsieur I. soulève en outre l’incompétence de la juridiction présidentielle au motif que la créance n’a pas une cause contractuelle. D’ailleurs, à supposer même que Monsieur I. se soit engagé expressément à l'égard du créancier, ce dernier aurait dû poursuivre d'abord le débiteur principal avant de se tourner contre lui.

Monsieur K. soutient, quant à lui, que Monsieur I. s'est plutôt engagé expressément à être la caution du débiteur. Il ne saurait donc se soustraire à ses engagements.

Monsieur K. ajoute que cette créance existe bel et bien et qu'elle est suffisamment matérialisée par le contrat écrit intitulé « Protocole d’accord » versé au dossier. Ladite créance a donc une cause contractuelle et justifie par suite la compétence de la juridiction présidentielle. Enfin, il relève que s'il a entrepris les poursuites contre Monsieur I. en sa qualité de caution de Monsieur R., c’est tout simplement parce que Monsieur R. est demeuré introuvable.

Décision du tribunal de première instance de Daloa

Le tribunal de première instance de Daloa rappelle tout d’abord que conformément à l'article 4, alinéa 2 de l'Acte uniforme portant organisation des sûretés, « le cautionnement doit être constaté dans un acte comportant la signature des deux parties et la mention, écrite de la main de la caution, de la somme maximale garantie, en toutes lettres et en chiffres ».

Le tribunal constate qu’en l'espèce, le protocole d'accord dont se prévaut le créancier ne respecte pas les exigences de forme suscitées. Non seulement il ne s'agit pas d’un document de cette nature, mais également la volonté de payer n'est pas expressément exprimée par Monsieur I. qui, de surcroît, n'a pas écrit de sa main le montant de l’engagement. Dès lors, ce document ne peut être considéré comme cautionnement.

Par ailleurs, il résulte des dispositions l'article 2 de l'Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution qu'il ne peut être recouru à la procédure d'injonction de payer que si la créance a une cause contractuelle ou que l'engagement résulte de l’émission ou de l’acceptation.

Par conséquent, le tribunal de première instance de Daloa estime que c'est tort que le juge des référés a condamné Monsieur I. à payer solidairement avec Monsieur R. la dette de ce dernier.

Bon à savoir

Cette décision fait une application rigoureuse des règles relatives à la formation du contrat de cautionnement, telles que prévues sous l’égide de l’ancienne version de l’Acte uniforme portant organisation des sûretés2

Ces règles ont toutefois été assouplies par le nouvel Acte uniforme portant organisation des sûretés3. En effet, si la convention de cautionnement devait, sous peine de nullité, être conclue expressément entre le créancier et la caution et être formée par écrit, tel n’est plus le cas désormais. Le législateur OHADA a, par cet assouplissement entourant la constitution du cautionnement, mis fin aux controverses doctrinales sur la question du caractère formel ou consensuel du cautionnement4 en affirmant tacitement son caractère consensuel. Le consentement du créancier et celui de la caution suffisent en effet pour que le cautionnement soit valablement constitué. Si le consentement peut être tacite, la volonté des parties contractantes doit toutefois être établie avec certitude4. L’écrit demeure de facto l’unique mode de preuve5.

Conformément à l’article 14 AUS Révisé, l’écrit et la signature de la caution et du créancier ne constituent ainsi plus une condition de validité du cautionnement, mais uniquement une condition de preuve de ce dernier[5]

En effet, l’article 14 précité dispose que le cautionnement ne se présume pas, peu importe la nature de l’obligation garantie. Il se prouve par un acte comportant la signature de la caution et du créancier ainsi que la mention, écrite de la main de la caution, en toutes lettres et en chiffres, de la somme maximale garantie couvrant le principal, les intérêts et autres accessoires. En cas de différence entre ces deux mentions, le cautionnement vaut pour la somme exprimée en lettres[6].

________________

1. Tribunal de grande instance de Bobo-Dioulasso (Burkina Faso), Jugement n° 074 du 15 mars 2006, SOMDA Jean Christophe c/ Banque Commerciale du Burkina, Ohadata J-09-86, www.ohada.com

2. K. M. BROU, « Le nouvel Acte uniforme portant organisation des sûretés et l’accès au crédit dans l’espace OHADA », Ohadata D-13-23, pp. 5-6, www.ohada.com

3. Pour des partisans de la thèse formaliste, voy. notamment F. ANOUKAHA,  « Le droit des sûretés dans l’Acte uniforme OHADA », PU d’Afrique, 1998, pp. 35 et s., A. SAKHO et I. N’DIAYE,  « Pratique des garanties du crédit », Revue africaine de banque, 1998, pp. 17 et s. Pour des auteurs favorables à la thèse consensualiste, voy. F. ANOUKAHA, A. CISSE-NIANG, M. FOLI, J. ISSA-SAYEGH, I. YANKHOBA NDIAYE et M. SAMB, Ohada. Sûretés, coll. Droit uniforme africain, Bruxelles, Bruylant, 2002, pp. 14 et s.

4. H. D. AMBOULOU, Le droit des sûretés dans l’espace OHADA, Paris, L’Harmattan, 2014, p. 20.

5. L. BLACK YONDO et autres, Le nouvel acte uniforme portant organisation des sûretés. La réforme du droit des sûretés de l’OHADA, coll. Lamy Axe Droit, Rueil-Malmaison Cedex, Lamy, 2014, pp. 78-80 ; Ph. SIMLER, Cautionnement et garanties autonomes, 3e éd., Paris, Litec, 2000, n°52.

6. Article 14 de l’Acte uniforme révisé portant organisation des sûretés.

7. Y. KALIEU, « La mention manuscrite dans le cautionnement Ohada », Ohadata D-03-02, www.ohada.com