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DROIT DES SURETES

CAUTIONNEMENT

25 Octobre 2016

Tribunal de première Instance de Douala-Bonanjo - Articles 7, 13, 15 à 18 AUS – Articles 17, 23, 26 à 29 AUS Révisé

Présentation des faits1

La société SACAM SARL, dont Monsieur O. est cogérant, est débitrice de la société SDV Cameroun SA.

Suivant un procès-verbal de conciliation du 15 juillet 2003 du juge conciliateur, Monsieur O. s’est porté caution personnelle et solidaire du paiement de la dette concernée en sa qualité de cogérant de la SACAM SARL.

Le 19 avril 2005, suivant l’ordonnance n° 438 du Président du TGI du Wouri, la société SACAM SARL est admise au bénéfice du règlement préventif, suspendant toute poursuite individuelle contre elle, les associés et les gérants pour tous les actes posés dans le cadre de la gestion de cette société.


Le 03 août 2005, Monsieur O. s’est vu signifié par Maître T., huissier de justice mandaté par la société SDV Cameroun, un commandement de payer la somme de 1.070.086.641 F CFA sur la base du procès-verbal de conciliation du 15 juillet 2003 et d’un protocole d’accord transactionnel des 18 et 20 juin 2003.

Monsieur O. s’est alors opposé audit commandement citant la société SDV Cameroun à comparaître le 09 août 2005 devant le Président du tribunal de première instance de Douala-Bonanjo. 

Décision du Tribunal de première Instance de Douala-Bonanjo

Le Tribunal de première Instance de Douala-Bonanjo rappelle tout d’abord que conformément à l’article 9 de l’acte uniforme OHADA sur les procédures collectives, la décision de règlement préventif suspend ou interdit toutes poursuites individuelles tendant à obtenir le paiement des créances désignées par le débiteur et nées antérieurement à ladite décision, comme l’a fait l’ordonnance n° 438 du 19 avril 2005.

Toutefois, l’article 18 alinéa 3 du même acte uniforme dispose que les cautions et coobligés du débiteur ne peuvent se prévaloir des délais et remises du concordat préventif.

Dans le même sens, l’article 93 du même acte uniforme dispose que « nonobstant le concordat, les créanciers conservent leur action pour la totalité de leur créance contre les coobligés de leur débiteur », ce qui suppose qu’ils ne bénéficient pas de la suspension des poursuites individuelles accordées au débiteur principal, et peuvent immédiatement être poursuivis pour la totalité de la dette ou pour le restant.

Il s’ensuit que si l’ordonnance n° 438 du 19 avril 2005 s’applique à Monsieur O. pour les actes de gestion de la société SACAM SARL en sa qualité de dirigeant ou d’associé, elle ne peut lui profiter en sa qualité de caution. Le fait pour lui de s’être porté caution de ladite société ne constitue, en effet, pas un acte de gestion de celle-ci. Il s’est simplement porté garant de la SACAM SARL en sa qualité de dirigeant, soit parce qu’il avait confiance en elle, soit à cause de l’intérêt qu’il avait à la voir fonctionner, contrairement à un engagement ou une obligation qu’il aurait contracté au nom et pour le compte de cette dernière.

Le Tribunal de première instance précise que le fait d’avoir mentionné dans le protocole d’accord qu’il est gérant de la Société SACAM ne peut faire de son engagement en tant que caution de cette dernière, un acte de gestion de celle-ci.

En conséquence, Monsieur O. ne peut se prévaloir de cette ordonnance, et pour s’en convaincre définitivement, il suffit de se rappeler que le règlement préventif est une procédure judicaire constatant la défaillance du débiteur principal, rendant immédiatement exigible la créance vis-à-vis des cautions.

En outre, le Tribunal rappelle que l’article 18 de l’acte uniforme portant organisation des sûretés vise uniquement les exceptions inhérentes à la dette et appartenant au débiteur principal, et ne concerne donc pas les exceptions propres à la caution. Or, l’article 6, alinéa 3 du protocole d’accord concerne les exceptions propres à la caution, plus précisément le bénéfice de discussion et de division auquel peut renoncer la caution, en vertu des articles 16 et 17 de l’acte uniforme OHADA sur les sûretés.

Par ailleurs, rien n’empêche au créancier de poursuivre simultanément le débiteur principal et les cautions, ou le débiteur principal et l’une d’elles, ou celles-ci seulement, la seule limite étant que la somme des paiements ne doit pas dépasser le montant total de la créance.

Le tribunal de première instance estime qu’au contraire, cette possibilité de réclamations multiples pour le montant intégral ou restant dû donne au créancier beaucoup de chances, même par des paiements partiels, d’être totalement payé.

Seule est interdit la possibilité pour le créancier, qui a volontairement opté pour la division de son action, de revenir sur cette division en cas d’insolvabilité de l’une des cautions. 

Conformément à l’article 16, alinéa 1 de l’Acte uniforme portant organisation des sûretés, la caution solidaire ne dispose pas du bénéfice de discussion, qui aurait permis à Monsieur O. d’exiger que la société SDV CAMEROUN épuise d’abord les actions en recouvrement initiées par elle à travers les saisies pratiquées au préjudice de la SACAM SARL, avant de se retourner contre lui, ou de refuser d’être poursuivi au même moment que celle-ci.

Par conséquent, le Tribunal de première instance considère qu’il y a lieu d’écarter l’argument de Monsieur O., selon lequel la Société SDV ne peut poursuivre simultanément la débitrice principale et la caution.

Au vu de ces considérations, le Tribunal de première Instance de Douala-Bonanjo déboute Monsieur O. de sa demande.

Bon à savoir

Dans le fonctionnement normal d’une entreprise, la caution, lorsqu’elle est sollicitée, peut valablement opposer au créancier toutes exceptions de paiement relatives à la dette principale, dont l’objectif vise à réduire, éteindre ou retarder la dette sous réserve de quelques conditions2. Parmi ces exceptions, il y a la nullité de l’obligation principale ou bien, la résolution ou résiliation de la dette principale3

Lorsque l’entreprise connaît des difficultés et, précisément, lorsque cette dernière est admise par une ordonnance du juge au bénéfice du règlement préventif, la suspension des poursuites individuelles des créanciers ainsi que les remises et délais concordataires ne profitent qu’à la société et non à la caution4. En effet, la suspension des poursuites individuelles n’est valable que pour les actes de gestion quotidiens. Or, la caution n’est pas un acte de gestion courante, mais un acte personnel, de sorte que la caution ne saurait bénéficier de la suspension des poursuites individuelles accordée au débiteur principal5.

 

Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque. 

________________

1. Tribunal de première Instance de Douala-Bonanjo, Ordonnance n° 251 du 29 juin 2006, OMAIS KASSIM c/ La société S.D.V. CAMEROUN SA, note Jean GATSI et Willy James NGOUE, Ohadata J-07-81, www.ohada.com

2. Article 29 de l’Acte uniforme révisé portant organisation des sûretés (ancien article 18 AUS) ; Cour d'Appel d'Abidjan, arrêt n°364 du 24 décembre 2010, 1. Mme D. épse K., 2. M. D. c/ BICICI, Le Juris Ohada, n° 3 / 2011, Juillet - Septembre 2011, p. 34, Ohadata J-12-160, www.ohada.com

3. L. BLACK YONDO et autres, Le nouvel acte uniforme portant organisation des sûretés. La réforme du droit des sûretés de l’OHADA (sous la dir. de P. CROCQ), coll. Lamy Axe Droit, Rueil-Malmaison Cedex, Lamy, 2014, pp.97-98.

4. Article 18 de l’Acte uniforme révisé portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif.

5. J. GATSI et W. J. NGOUE, « Note », Tribunal de première Instance de Douala-Bonanjo, Ordonnance n° 251 du 29 juin 2006, OMAIS KASSIM c/ La société S.D.V. CAMEROUN SA, note Jean GATSI et Willy James NGOUE, Ohadata J-07-81, www.ohada.com