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DROIT DES SURETES

CAUTIONNEMENT

25 Octobre 2016

Tribunal de première instance de Yaoundé Centre Administratif - Articles 4 et 13 AUS – Articles 14 et 23 AUS Révisé

Présentation des faits1

Par exploit d’huissier des 28 novembre, 3 et 4 janvier 2003, Madame T. et la SARL K. ont assigné en référé Madame C., Madame S., et autres, à comparaître pour s’entendre ordonner le rétractation de l’ordonnance n° 94 du 21 octobre 2003 par le Président du Tribunal de Première Instance de Yaoundé avec mainlevée de la saisie conservatoire des créances pratiquée les 28 et 29 octobre 2003.

Madame T. et la SARL K. exposent au soutien de leur demande qu’en vertu de l’ordonnance sur requête n° 94 du 21 octobre 2003, Madame C. a fait pratiquer une saisie conservatoire sur leurs sommes détenues par la banque Crédit Lyonnais. Cette saisie repose sur une créance fictive, encore qu’elle a été opérée sur les salaires. Le caractère fictif résulte de la nullité de l’acte de cautionnement duquel il résulte que la caution n’a apposé ni sa signature qui lui est attribuée à tort, ni écrit de sa main la somme maximale garantie en toutes lettres. A cette nullité de l’acte de cautionnement, s’ajoute le défaut de mise en demeure de la prétendue caution, tel que l’exige l’article 13 de l’Acte uniforme portant organisation des sûretés.

Au mieux, le procès-verbal de saisie est vicié du moment que l’huissier instrumentaire a procédé à un calcul erroné de ses droits.

En tout état de cause, la saisie effectuée est nulle dans la mesure où elle porte sur les salaires de Madame T., alors qu’il s’agit d’une saisie conservatoire sans titre exécutoire et sans qu’il y ait eu conciliation préalable. 

Pour faire échouer l’action des demanderesses, Madame C. conclut d’abord à l’irrecevabilité, ensuite au rejet de la demande de rétractation, enfin au débouté s’agissant de la mainlevée ; Elle développe que Madame T., s’étant désistée de la même action, il y a autorité de la chose jugée en sorte que sa nouvelle action est irrecevable et surtout que le désistement d’action éteint l’action et prive le demandeur du droit de s’adresser de nouveau à la justice. Par ailleurs, sa créance paraît fondée dès lors que Madame T. a apposé sa signature sur l’acte de cautionnement marquant son engagement à payer en cas de défaillance de la débitrice principale qui est par ailleurs sa nièce.

La saisie pratiquée est régulière, le grief tiré du compte salaire étant inopérante dès l’instant que ce compte est affecté aux opérations de la SARL K. Il ne s’agit pas d’un compte réservé exclusivement aux salaires, encore que la saisie critiquée n’a pas été opérée entre les mains de l’employeur. Le vice relatif au montant des sommes saisies est sans importance, l’huissier ayant procédé au calcul, lequel peut faire l’objet d’une rectification.

Décision du Tribunal de première instance de Yaoundé Centre Administratif 

Le tribunal de première instance de Yaoundé Centre administratif constate tout d’abord qu’il que la caution n’a pas écrit de sa main la somme maximale garantie. Il n’a d’ailleurs aucune contestation à cet égard.

En outre, l’acte de cautionnement ne mentionne nulle part l’engagement pris personnellement par la caution.

L’omission de ces formalités substantielles conduit irrémédiablement à la nullité du cautionnement, d’ou résulte l’inexistence de la créance susceptible d’entraîner une mesure conservatoire.

Le tribunal de première instance considère qu’il convient donc de rétracter l’autorisation qui avait été donnée unilatéralement. La rétractation a pour conséquence la mainlevée de la saisie qui a été effectuée à tort sans égard à la régularité de celle-ci.

Par conséquent, le tribunal rétracte l’ordonnance d’autorisation n° 94 rendue le 21 octobre 2003 et ordonne la mainlevée de la saisie conservatoire des créances y consécutive opérée les 28 et 29 octobre 2003 au préjudice de Madame T.

Bon à savoir

Cette décision fait une application rigoureuse des règles relatives à la formation du contrat de cautionnement, telles que prévues sous l’égide de l’ancienne version de l’Acte uniforme portant organisation des sûretés2

Ces règles ont toutefois été assouplies par le nouvel Acte uniforme portant organisation des sûretés3. En effet, si la convention de cautionnement devait, sous peine de nullité, être conclue expressément entre le créancier et la caution et être formée par écrit, tel n’est plus le cas désormais. Le législateur OHADA a, par cet assouplissement entourant la constitution du cautionnement, mis fin aux controverses doctrinales sur la question du caractère formel ou consensuel du cautionnement en affirmant tacitement son caractère consensuel. Le consentement du créancier et celui de la caution suffisent en effet pour que le cautionnement soit valablement constitué. Si le consentement peut être tacite, la volonté des parties contractantes doit toutefois être établie avec certitude4. L’écrit demeure de facto l’unique mode de preuve5

Conformément à l’article 14 AUS Révisé, l’écrit et la signature de la caution et du créancier ne constituent ainsi plus une condition de validité du cautionnement, mais uniquement une condition de preuve de ce dernier6.  

En effet, l’article 14 précité dispose que le cautionnement ne se présume pas, peu importe la nature de l’obligation garantie. Il se prouve par un acte comportant la signature de la caution et du créancier ainsi que la mention, écrite de la main de la caution, en toutes lettres et en chiffres, de la somme maximale garantie couvrant le principal, les intérêts et autres accessoires. En cas de différence entre ces deux mentions, le cautionnement vaut pour la somme exprimée en lettres7.

 

Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.  

_______________

1. Tribunal de première instance de Yaoundé Centre Administratif, Ordonnance n° 794/C du 8 juillet 2004, Affaire TIOMA Hélène, KAMCHE Sarl c/ Mme CHEMBOU Annie, SOBZE Emilienne Madeleine et autres, Ohadata J-04-418, www.ohada.com

2. K. M. BROU, « Le nouvel Acte uniforme portant organisation des sûretés et l’accès au crédit dans l’espace OHADA », Ohadata D-13-23, pp. 5-6, www.ohada.com

3. Pour des partisans de la thèse formaliste, voy. notamment F. ANOUKAHA,  « Le droit des sûretés dans l’Acte uniforme OHADA », PU d’Afrique, 1998, pp. 35 et s., A. SAKHO et I. N’DIAYE,  « Pratique des garanties du crédit », Revue africaine de banque, 1998, pp. 17 et s. Pour des auteurs favorables à la thèse consensualiste, voy. F. ANOUKAHA, A. CISSE-NIANG, M. FOLI, J. ISSA-SAYEGH, I. YANKHOBA NDIAYE et M. SAMB, Ohada. Sûretés, coll. Droit uniforme africain, Bruxelles, Bruylant, 2002, pp. 14 et s.

4. H. D. AMBOULOU, Le droit des sûretés dans l’espace OHADA, Paris, L’Harmattan, 2014, p. 20.

5. L. BLACK YONDO et autres, Le nouvel acte uniforme portant organisation des sûretés. La réforme du droit des sûretés de l’OHADA, coll. Lamy Axe Droit, Rueil-Malmaison Cedex, Lamy, 2014, pp. 78-80 ; Ph. SIMLER, Cautionnement et garanties autonomes, 3e éd., Paris, Litec, 2000, n°52.

6. Article 14 de l’Acte uniforme révisé portant organisation des sûretés.

7. Y. KALIEU, « La mention manuscrite dans le cautionnement Ohada », Ohadata D-03-02, www.ohada.com