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ARBITRAGE

ABREGES JURIDIQUES

25 Octobre 2016

Tribunal de Première Instance de Douala Bonanjo - Article 13 AUA

Présentation des faits1

Monsieur A a introduit une procédure afin que le juge ordonne la dissolution de la société  C et corrélativement la mise en liquidation de ladite société.

Monsieur A expose que, la société C a été créée depuis 1993 à l’initiative de quatre personnes dont lui-même. Depuis 2006, la société ne respecte plus les statuts de la société et la législation communautaire sur les sociétés commerciales.

De plus, le gérant statutaire a installé une telle mésintelligence entre les associés qu’il sollicite la dissolution de la société C avec toutes les conséquences de droit.

La société C conteste formellement les allégations de Monsieur A et par leurs conclusions du 11 décembre 2011 produites à l’audience du 15 décembre 2011, la société C a soulevé l’incompétence d’office de la juridiction de céans au motif qu’il existe dans les statuts de la société C adoptés par les associés à l’article 23, une clause compromissoire sur l’arbitrage.

Décision du Tribunal

Le Tribunal constate que l’article 23 des statuts, signés par l’ensemble des associés, dispose que  « Tous les litiges sur l’application des présentes, soit entre associés, soit entre l’un des associés et la société, seront réglés par voie d’arbitrage.  A cet effet, chaque partie en litige désignera un arbitre. La sentence arbitrale sera exécutée suivant les formes prévues par le code de procédure ».

Le Tribunal rappelle que l’article 13 alinéa 2 de l’Acte uniforme OHADA sur l’arbitrage prévoit que : « si le tribunal arbitral n’est pas encore saisi, la juridiction étatique doit également se déclarer incompétente à moins que la convention d’arbitrage ne soit manifestement nulle ».

Cela étant dit, le Tribunal déclare que l’exception d’incompétence ne peut prospérer au motif que même s’il est constant que les parties dans les statuts de la société ont prévu une convention d’arbitrage, l’incompétence de la juridiction étatique comme conséquence de cette clause compromissoire n’est qu’une incompétence relative qui a été soulevée tardivement après les conclusions au fond.

Effectivement, la juridiction étatique ne peut relever d’office son incompétence.

Le Tribunal estime que l’exception a été soulevée après le débat au fond de sorte qu’il rejette ladite exception comme tardive.

S’agissant du fond, le Tribunal décide que les revendications liées au paiement des dividendes cumulés du demandeur et les autres griefs mis au passif du gérant comme cause de la mésintelligence entre associés ne sont pas de nature à paralyser le fonctionnement de la société et à justifier sa liquidation.

Bon à savoir

Les parties à un contrat peuvent prévoir que, si un différend naît entre elles, ce dernier sera tranché par le tribunal arbitral.

Pour ce faire, les parties doivent prévoir une convention d’arbitrage ou une clause compromissoire. 

Un des effets de la convention d’arbitrage est de rendre les juridictions étatiques incompétentes pour trancher le litige né entre les parties.2

Ceci est d’ailleurs clairement repris dans l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage qui dispose que «  Lorsqu'un litige, dont un Tribunal arbitral est saisi en vertu d'une convention arbitrale, est porté devant une juridiction étatique, celle-ci doit, si l'une des parties en fait la demande, se déclarer incompétente. »3

Par contre, si le tribunal arbitral n’a pas encore été saisi, la juridiction étatique doit également se déclarer incompétente à moins que la convention d'arbitrage ne soit manifestement nulle.4 A cet égard, il est utile de préciser que la caducité d’une clause compromissoire n’entraîne pas la nullité de celle-ci.5

Eu égard à l’article 13 de l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage, si une partie saisie le juge étatique, malgré l’existence d’une clause compromissoire, l’autre partie peut soulever l’incompétence du juge étatique.

Il s’agit bien d’une incompétence du juge étatique (une exemption de procédure) et non d’une fin  de non-recevoir. En effet, le juge étatique n’est pas compétent car une clause compromissoire existe entre les parties, mais, ce n’est pas un défaut de pouvoir étant donné que si les parties renoncent à l’arbitrage ou si le délai d’arbitrage expire, le juge étatique retrouve sa compétence pour trancher ce litige.6

En état de cause, la juridiction étatique ne peut relever d'office son incompétence de sorte que c’est à une des parties au litige de soulever cette incompétence.

Le droit commun prévoit que cette incompétence doit être soulevée avant le débat de fond, et ce, sous peine de forclusion.7

Ceci étant dit, la convention d’arbitrage naît de la volonté des parties, par conséquent, ces dernières peuvent renoncer tacitement ou expressément à soumettre leur litige à l’arbitrage8. La renonciation est considérée comme étant tacite lorsqu’une clause compromissoire existe et qu’une des parties saisi le juge étatique, et que l’autre partie, ne soulève pas l’incompétence de ce dernier.9

Ainsi, l’incompétence du juge étatique n’est pas absolue mais est une incompétence relative.

Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque. 

_________________

1. Tribunal de Première Instance de Douala Bonanjo,  Jugement du 19/07/2012, www.ohada.com, Ohadata J-14-48.

2. Cour d’Appel du Littoral, Arrêt n° 39/REF du 08 janvier 1997, Revue Camerounaise de l’Arbitrage n° 11 – Octobre - Novembre - Décembre 2000, p. 12 ;  C.C.J.A., Arrêt du 24/04/2008,  n° 020/2008, Actualités juridiques, n° 63, p. 147.

3. Article 13 de l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage.

4. Voyez : Civ., 26 juin 2006, Rev. arb., 2001, p. 529.

5. Cass., 1ère chambre civile, 11 février 2009, n° 08-10341.

6. B. Y. MEUKE., « Recours devant une juridiction étatique de l'espace OHADA et clause compromissoire : "A quel moment doit-on soulever l'incompétence de la juridiction étatique pour que la mise en œuvre de la clause compromissoire ne soit pas tardive ?" », Jurifis Info n° 10, mars-avril 2011, p. 1 et suivantes.

7. Cass., 2e  civ. 22 novembre 2001, n°99-21662.

8. G. DAL et F. TCHEKEMIAN., « Le droit OHADA de l’arbitrage », DAOR, 2014, liv. 110, 171

9. CCJA, 1ère ch., arrêt n°09 du 29 juin 2006, www.ohada.com, Ohadata J07-23.