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ARBITRAGE

L INSTANCE ARBITRALE

25 Octobre 2016

Cour d’Appel de Pointe-Noire - Article 13 AUA

Présentation des faits1

Le 02 février 2005, la société C a conclu avec la société S un contrat de prestation de services ayant pour objet l’entretien par la société S des installations de fourniture d’énergie et de climatisation de la société C.

Le contrat a été conclu pour une durée de 5 ans et a été rompu par la société C par un courrier du 24 janvier 2008 au motif que l’efficacité des prestations de la société S continuait à poser problème et témoignant de son incapacité à maintenir convenablement ses prestations dans les sites.

La société S considérait cette rupture abusive de sorte qu’en date du 09 avril 2008, elle a saisi le Tribunal de commerce de Pointe-Noire pour entendre condamner la société C à une somme de 3.500.000.000 FCFA ainsi que des dommages et intérêts.

La société C se défendant, a relevé l’incompétence du Tribunal en se fondant sur la clause compromissoire inséré dans le contrat liant les parties.

Le 09 juillet 2008 le Tribunal a rejeté l’exception d’incompétence et a fait droit à la demande de la société S.

La société C a fait appel de ce jugement demandant à la Cour de réformer le jugement et de se déclarer incompétente.

En appel, la société S relève qu’en décidant de rompre unilatéralement le contrat sans recourir à l’arbitrage, la société C a renoncé à se prévaloir de la convention d’arbitrage prévu dans le contrat.

Décision de la Cour

La Cour constate que le jugement attaqué a, pour rejeter l’exception d’incompétence, retenu que les parties avaient renoncé de leur propre gré à voir leur litige tranché par un tribunal arbitral étant donné que la société C a rompu le contrat sans mettre en œuvre la procédure arbitrale et que la société S a porté le litige devant le Tribunal de commerce.

La Cour rappelle que la volonté des parties de renoncer à la convention d’arbitrage contenu dans un contrat, lorsqu’elle est tacite, ne peut être manifestée qu’après que le litige soit né.

En outre, cette volonté de renoncer à l’arbitrage doit être certaine, à savoir, résulter d’actes démontrant avec évidence et sans équivoque l’intention d’une partie de renoncer à la clause d’arbitrage et d’accepter la compétence de la juridiction étatique.

En l’espèce, la Cour constate que le courrier de la société C ne contient aucun terme traduisant une volonté de renoncer à la convention d’arbitrage.

Or, à défaut de manifestation de volonté non équivoque, une lettre de rupture ne se caractérise pas par une manifestation de renoncer tacitement au recours à l’arbitrage.

La volonté de la société C de renoncer à l’arbitrage aurait donc pu se manifester par le fait qu’elle accepte le débat devant le juge étatique, ce qui n’a pas été le cas puisqu’elle a soulevé in limine litis l’exception d’incompétence.

Par conséquent, la Cour estime que le premier juge en retenant que les parties ont renoncées de leur propre gré à la convention d’arbitrage a mal interprété la volonté des parties, et a violé la convention liant les parties.

La Cour annule le jugement attaqué et se déclare incompétente.

Bon à savoir

Les parties à un contrat peuvent prévoir que, si un différend naît entre elles, ce dernier sera tranché par le tribunal arbitral.

Pour ce faire, les parties doivent prévoir une convention d’arbitrage ou une clause compromissoire.  En principe, la clause compromissoire est mise en œuvre dès que l’instance arbitrale est en cours, c’est-à-dire, dès que les arbitres ont acceptés leur mission.2

Un des effets de la convention d’arbitrage est de rendre les juridictions étatiques incompétentes pour trancher le litige né entre les parties.3

Ceci est d’ailleurs clairement repris dans l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage qui dispose en son article 13 que «  Lorsqu'un litige, dont un Tribunal arbitral est saisi en vertu d'une convention arbitrale, est porté devant une juridiction étatique, celle-ci doit, si l'une des parties en fait la demande, se déclarer incompétente. »4

Par contre, si le tribunal arbitral n’a pas encore été saisi, la juridiction étatique doit également se déclarer incompétente à moins que la convention d'arbitrage ne soit manifestement nulle.5 A cet égard, il est utile de préciser que la caducité d’une clause compromissoire n’entraîne pas la nullité de celle-ci.6

Eu égard à l’article 13 de l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage, si une partie saisie le juge étatique, malgré l’existence d’une clause compromissoire, l’autre partie peut soulever l’incompétence du juge étatique.

En état de cause, la juridiction étatique ne peut relever d'office son incompétence de sorte que c’est à une des parties au litige de soulever cette incompétence. Sauf stipulation expresse des parties, le droit commun prévoit que cette incompétence doit être soulevée avant le débat de fond, et ce, sous peine de forclusion.7

Ceci étant dit, la convention d’arbitrage naît de la volonté des parties, par conséquent, ces dernières peuvent renoncer tacitement ou expressément à soumettre leur litige à l’arbitrage.8 La renonciation est considérée comme étant tacite lorsqu’une clause compromissoire existe et qu’une des parties saisi le juge étatique, et que l’autre partie, ne soulève pas l’incompétence de ce dernier.9

Il est utile de préciser que la volonté de renoncer à l’arbitrage doit être certaine, à savoir, résulter d’actes démontrant avec évidence et sans équivoque l’intention d’une partie de renoncer à la clause d’arbitrage et d’accepter la compétence de la juridiction étatique. Une lettre de rupture du contrat ne se caractérise pas par une manifestation de renoncer tacitement à l’arbitrage.

Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.
_____________________________

1. Cour d’Appel de Pointe-Noire, arrêt du 07 novembre 2008, www.ohada.com, Ohadata J-13-76.

2. Cass. Civ, 25 avril 2006, n° 05-13749.

3. Cour d’Appel du Littoral, Arrêt n° 39/REF du 08 janvier 1997, Revue Camerounaise de l’Arbitrage n° 11 – Octobre - Novembre - Décembre 2000, p. 12 ;  C.C.J.A., Arrêt du 24/04/2008,  n° 020/2008, Actualités juridiques, n° 63, p. 147.

4.  Article 13 de l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage.

5.  Voyez : Civ., 26 juin 2006, Rev. arb., 2001, p. 529.

6. .Cass., 1ère chambre civile, 11 février 2009, n° 08-10341.

7. B. Y. MEUKE., « Recours devant une juridiction étatique de l'espace OHADA et clause compromissoire : "A quel moment doit-on soulever l'incompétence de la juridiction étatique pour que la mise en œuvre de la clause compromissoire ne soit pas tardive ?" », Jurifis Info n° 10, mars-avril 2011, p. 1 et suivantes.

8. G. DAL et F. TCHEKEMIAN., « Le droit OHADA de l’arbitrage », DAOR, 2014, liv. 110,

9. CCJA, 1ère ch., arrêt n°09 du 29 juin 2006, www.ohada.com, Ohadata J07-23.