L’expertise de gestion
L expertise de gestion
L’expertise de gestion est organisée par les articles 159 et 160 de l’Acte uniforme révisé relatif au droit des sociétés commerciales et au groupement d’intérêt économique. Elle peut être définie comme un moyen mis à disposition des associés minoritaires pour conserver un certain contrôle sur la gestion de la société, de façon à s’assurer que cette dernière ne mette pas en péril la société et leurs investissements 1.
Conformément à l’article 159 de l’Acte uniforme révisé relatif au droit des sociétés commerciales et au groupement d’intérêt économique, un ou plusieurs associés représentant au moins le dixième du capital social peuvent, soit individuellement, soit en se groupant sous quelque forme que ce soit, demander à la juridiction compétente du siège social statuant à bref délai, la désignation d’un ou de plusieurs experts chargés de présenter un rapport sur une ou plusieurs opérations de gestion 2.
Aucune autre condition que celle relative à la proportion de représentation dans le capital social n’est requise pour les associés désirant demander une expertise de gestion 3.
La demande d’expertise de gestion doit porter sur une ou plusieurs opérations de gestion déterminées. Chaque opération doit ainsi être précisée par l’associé. Ce dernier sera ainsi empêché de solliciter une expertise portant sur la gestion générale de la société par les organes de gestion.
La notion d’opération de gestion ne fait l’objet d’aucune définition légale 4. Toutefois, il est certain que l’expertise de gestion ne peut être ordonnée, si elle vise à examiner l’ensemble des activités de la société durant une longue période 5.
Quant aux organes de gestion, rien ne paraît limiter ce terme aux seuls dirigeants de la société 6.
Pour être déclaré recevable, la demande d’expertise de gestion doit avoir un caractère sérieux. Elle peut notamment se fonder sur une présomption d’irrégularité d’une ou de plusieurs opérations de gestion ou s’envisager en raison d’un risque d’atteinte à l’intérêt social 7.
Bien que l’Acte uniforme révisé a supprimé la mention selon laquelle la demande devait être faite au président de la juridiction compétente du siège social de la société, la demande d’expertise se fera le plus souvent devant le président du tribunal, par voie au référé, au motif de la mise en péril des intérêts de la société ou d’un ou de plusieurs associés. L’urgence devra dans ce cas être justifiée 8.
Si la juridiction compétente saisie fait droit à la demande d’expertise de gestion, celle-ci détermine l’étendue de la mission de ou des experts nommés et leurs pouvoirs 9.
Il y a lieu de préciser, à cet égard, que le pouvoir discrétionnaire du juge quant à l’étendue de la mission et des pouvoirs accordés à l’expert n’est pas limité par l’article 160 de l’Acte uniforme. Certains auteurs de doctrine considèrent toutefois que la mission de l’expert doit être entendue strictement et, partant, doit être circonscrite rigoureusement dans le cadre des opérations de gestion en cause 10.
Quant aux pouvoirs de l’expert, celui-ci se verra confier un pouvoir d’enquête et d’accès aux comptes et documents sociaux, afin de lui permettre d’accomplir correctement sa mission.
Le nombre d’expert sera fixé en tenant compte de la nature et de la complexité des opérations de gestion concernées. Toutefois, le juge ne pourra désigner plus d’experts que ce qui lui est demandé 11.
En vertu de l’article 160 de l’Acte uniforme révisé relatif au droit des sociétés commerciales et au groupement d’intérêt économique, la rémunération de l’expert est supportée par la société et non des associés ayant sollicité l’expertise de gestion 12.
Une fois la mission d’expertise achevée, l’expert devra établir un rapport d’expertise et le communiquer au(x) demandeur(s), aux organes de gestion, de direction ou d’administration et, depuis la réforme du 30 janvier 2014, au commissaire aux comptes. La communication du rapport au commissaire aux comptes rend la procédure d’expertise de gestion plus efficace, puisque cette communication permettra au commissaire aux comptes, en tant qu’organe indépendant, de déclencher, le cas échéant, une procédure d’alerte, dans le cas où les associés majoritaires et les organes de gestion n’auraient pas tiré les conséquences des conclusions données dans le rapport d’expertise 13.
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1. Voy. à ce sujet, B. DIALLO, M. KONATE, Y.B. MEUKE, « Gestion de crise en Ohada : anticipation conventionnelle et statuaire – gestion négociée et règlement des conflits internes », Jurisfis info, n°4, juillet-août 2009, p. 2 ; P. DJEDJE, L. HOMMAN-LUDIYE, « Le contrôle de la gestion des SA et des SARL », Cahiers juridiques et fiscaux, CFCE 1998, n°2, p. 317.
2. Article 159 de l’Acte uniforme révisé relatif au droit des sociétés commerciales et au groupement d’intérêt économique.
3. A. FENEON, Droit des sociétés en Afrique [OHADA], Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine), LGDJ, 2015, p. 448.
4. A. FOKO, « L’essor de l’expertise de gestion dans l’Espace Ohada », Penant, n°867, avril-juin 2009, pp. 193-194.
5. CCJA, arrêt n°027/2013 du 18 avril 2013, Hann c/ SGBG, Juridata, J027-04/2013.
6. A. FOKO, « L’essor de l’expertise de gestion dans l’Espace Ohada », Penant, n°867, avril-juin 2009, pp. 189-192.
7. A. FENEON, Droit des sociétés en Afrique [OHADA], Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine), LGDJ, 2015, p. 450.
8. Tribunal régional hors classe de Dakar, or. De référé n°901 du 9 août 1999, Hassane Yacine c/ Société Nattes Industries, Ibrahima Yazback et autres ; Cour d'appel de Cotonou, arrêt du 17 août 2000, arrêt n° 256/2000, Société continentale des pétroles et d’investissements (CPI), Monsieur Séfou Fagbohoun, SONACOP, Monsieur Cyr KOTY, Monsieur Mounirou Omichessan c/ Etat béninois, J-06-101, www.ohada.com
9. A. FENEON, Droit des sociétés en Afrique [OHADA], Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine), LGDJ, 2015, p. 451.
10. P.G. POUGOUE, J. NGUEBOU TOUKAN et F. ANOUKAHA, « L’Acte uniforme du 17 avril 1997 », in Ohada, Traité et actes uniformes commentés et annotés, Juriscope, 2012.
11. Cour d'appel de Cotonou, arrêt du 17 août 2000, arrêt n° 256/2000, Société continentale des pétroles et d’investissements (CPI), Monsieur Séfou Fagbohoun, SONACOP, Monsieur Cyr KOTY, Monsieur Mounirou Omichessan c/ Etat béninois, J-06-101, www.ohada.com
12. Article 160 de l’Acte uniforme révisé relatif au droit des sociétés commerciales et au groupement d’intérêt économique.
13. A. FENEON, Droit des sociétés en Afrique [OHADA], Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine), LGDJ, 2015, p. 452.