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PROCEDURES COLLECTIVES

FAILLITE PERSONNELLE ET REHABILITATION

25 Octobre 2016

Tribunal de première instance de Libreville - Articles 52, 196.5 et 197 AUPCAP

Présentation des faits1

La banque P, dont le Directeur Général était Monsieur S., a commencé a éprouvé des difficultés financières. Monsieur P. a ensuite été désigné administrateur provisoire de la banque P. par la Commission bancaire de l’Afrique Centrale (COBAC).

Par un jugement du 23 décembre 1999, la Banque P. a été acceptée pour bénéficier du redressement judicaire. Le Tribunal prend par ailleurs « acte de la nomination par la COBAC de Monsieur P. en qualité d’administrateur provisoire ». Le demandeur, Monsieur S., reproche au Tribunal d’avoir acté une décision à laquelle il n’a pas pris part.

Monsieur S. a déposé une requête le 05 juin 2000 afin de faire déclarer que la nomination de Monsieur P. par la COBAC n’est pas régulière. La requête vise également à ce que Monsieur S. reste l’organe dirigeant de la banque P. et qu’il soit réintégré en tant que Directeur Général.

Monsieur S., par ailleurs, invoque l’article 52 de l’Acte uniforme aux termes duquel le Tribunal doit laisser en place les organes dirigeants, ainsi que de leur fournir une assistance.

Monsieur S. allègue également que les décisions de la COBAC, cette dernière étant une autorité administrative, n’ont pour vocation qu’à s’appliquer temporairement, et ce jusqu’à qu’une décision soit prise par le Tribunal sur les procédures collectives. Le tribunal ne s’étant pas prononcé sur la question de manière claire et non-équivoque, le demandeur demande à ce qu’il soit réintégré dans ses fonctions de directeur général.

Monsieur P, quant à lui, a introduit une demande reconventionnelle visant à la déclaration de la faillite personnelle de Monsieur S. Il estime, en outre, que c’est à bon droit qu’il a été nommé pour remplacer Monsieur S.

Ce dernier argumente également que la COBAC, créée par une Convention internationale, dispose de prérogatives qui n’entrent pas en conflit avec les pouvoirs du Tribunal en matière de procédures collectives. La COBAC est en effet issue d’une Convention spéciale visant à s’appliquer aux établissements de crédit, alors que l’Acte uniforme OHADA s’applique à toutes les autres entreprises éprouvant des difficultés financières.

À titre reconventionnel, Monsieur P. demande également à ce que soit prononcée la faillite personnelle Monsieur S., eu égard à la façon douteuse dont celui-ci dirigeait la banque B2.

Décision de la Cour

Tout d’abord, la Cour analyse l’argument du demandeur selon lequel le Tribunal, dans son jugement du 23 décembre 1999, n’aurait pas dû adopter une attitude passive en se contentant de s’en référer à la décision de la COBAC.

À cet égard, la Cour constate que le Tribunal a fait une application correcte de la Convention portant création de la COBAC, puisqu’en vertu de ses articles 13 et 14, celle-ci a le pouvoir de nommer un administrateur provisoire. La COBAC a dès lors le droit de remplacer le dirigeant statutaire.

Dès lors, le Tribunal n’a pas violé l’article 52 de l’Acte uniforme en constatant que l’administration de la banque P. était dorénavant assurée par un administrative provisoire, désignée par la COBAC.

Le Tribunal confirme également que les compétences de la COBAC et du Tribunal ne sont pas en conflit. La première a en effet pour rôle de « contrôler les conditions d’exploitation des établissements de crédit », tandis que le deuxième a pour tâche de veiller au respect des lois sur les procédures collectives ainsi que contrôler « la régularité et la légalité des actes posés par la COBAC dans la matière spéciale des établissements de crédit ».

Enfin, sur la demande reconventionnelle, la Cour rappelle que l’article 196.5 de l’Acte uniforme prévoit que : « la juridiction compétente prononce la faillite personnelle des personnes qui ont (…) 5° commis des actes de mauvaise foi ou des imprudences inexcusables ou qui ont enfreint gravement les règles et usages du commerce tels que définis par l’article 197 ».

Eu égard à plusieurs éléments, et notamment au fait que la comptabilité tenue par Mon sieur S., n’était pas conforme et que celui-ci a continué une exploitation déficitaire, le Tribunal décide de prononcer la faillite personnelle de celui-ci.

Pour terminer, le Tribunal rappelle que la faillite personnelle peut s’appliquer lors de toutes les procédures collectives, et pas seulement en cas de liquidation judiciaire.

Bon à savoir

Aux termes des articles 194 et suivants de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif, le Tribunal saisi dans le cadre d’une procédure collective d’apurement du passif peut prononcer la faillite personnelle des commerçants personnes physiques, des personnes physiques dirigeantes de personnes morales assujetties aux procédures collectives et des personnes physiques représentants permanents de personnes morales dirigeantes3.

Cette procédure peut être actionnée par le Tribunal lorsque celui-ci découvre des actes fautifs commis par les dirigeants de l’entreprise éprouvant des difficultés financières et bénéficiant de la procédure collective. Il n’est en effet pas rare que des manquements soient mis à jour lors de cette procédure4.

L’objectif derrière cette possibilité est double5. Tout d’abord, déclarer la faillite personnelle agit comme une sanction, mais elle remplit en même temps une fonction préventive protectrice visant à éloigner du monde des affaires les personnes qui ne sont manifestement pas faites pour ce monde6.

La décision commentée illustre par ailleurs le fait que la faillite personnelle peut également être prononcée à l’encontre de dirigeants remplacés par un administrateur provisoire.

Enfin, l’article 52 de l’Acte uniforme n’est pas violé lorsque le Tribunal prend acte de la désignation d’un administrateur provisoire pour remplacer le dirigeant statutaire par la COBAC. Les compétences du Tribunal agissant dans le cadre des procédures collectives et celles de la COBAC sont en effet distinctes et n’entrent nullement en conflit.

Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.

__________________________

1. Tribunal de première instance de Libreville, jugement n° 001/2000-2001 du 05 janvier 2001, www.ohada.com, Ohada J-10-219.

2. Les actes fautifs qui lui sont reprochés sont les suivants : « une occulation permanente de la réalité financière de l’établissement, un détournement des fonds du Fodex, une escroquerie aux clients, l’absence de politique du risque, l’octroi de crédits sans dossier, l’omnipotence de la Direction Générale et l’existence d’un compte dit ‘Direction Générale’ ».

3. Article 194 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif.

4. Pour un commentaire plus détaillé, voyez : Yzas Baker Tilly et  Noel Yao Koffi , OHADA : guide des procédures collectives : Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d'apurement du passif, commenté et complété de modèles d'actes, Paris : Droit Afrique.com, 2010.

5. Com. 8 novembre 1988, Bull. civ., IV, n° 299.

6. Y. Guyon, Droit des affaires, Tome 2,  Entreprises en difficultés, Redressement judiciaire-faillite, 9èmeédition, Economica, 2003, n° 1412.