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DROIT DES SOCIETES

SOCIETE EN PARTICIPATION SEP

25 Octobre 2016

Cour d'appel de Ouagadougou - Articles 854 et 855 AUSCGIE (Révisé)

Présentation des faits1

La société anonyme SAS a été désignée adjudicataire de plusieurs marchés de travaux publics sur Nazinga et sur les pistes cotonnières de l'ouest (Kouka). Etant dans l'impossibilité d'exécuter lesdits marchés, elle a sollicité l’appui technique et logistique de la société à responsabilité limitée STTP. Pour ce faire, suivant acte sous seing privé du 3 novembre 1997, les parties ont convenu de la réalisation en commun des travaux de construction. Cette convention entre les parties réglait leurs relations de collaboration. En outre, un contrat de location de matériel liait les deux parties.

Dans le cadre de l'exécution des travaux, la STTP a acheminé tout le matériel et le personnel nécessaires sur les différents chantiers et a entrepris la réalisation des travaux. Cependant, la SAS ne s’est nullement soucié d'honorer ses engagements. Des difficultés financières sont ainsi nées sur le chantier.

Depuis les travaux de vérification qui ont pourtant eu lieu à l'initiative du directeur général de la SAS, Monsieur S., ce dernier ne s'est nullement soucié du règlement des sommes dues. Pour se soustraire au paiement, Monsieur S. se contenta tout simplement de signer deux reconnaissances de dettes en date du 14 mars 1998.

La STTP SARL a alors agi en justice contre la SAS SA et contre son directeur général, à l’effet de récupérer les sommes dues.

Le 21 février 2001, le Tribunal de grande instance de Ouagadougou a toutefois constaté qu'il existait une société de fait entre la SAS SA et la STTP SARL, a prononcé la dissolution de ladite et a déclaré irrecevables pour défaut d'intérêt les actions en paiement de la STTP.

En date du 5 mars 2001, la STTP a alors interjeté appel contre ce jugement. 

Elle soutient notamment que le jugement attaqué doit être infirmé, en ce qu'il a déclaré l'existence d'une société de fait et en a ordonné sa liquidation. En effet, selon elle, pour qu'il y ait société de fait, il faut des apports, une participation au bénéfice et aux pertes et l'affectio societatis. Pour les apports, c'est elle uniquement qui a apporté le matériel de chantier et la presque totalité du personnel. En outre, les parties ne peuvent discuter de quelconques bénéfices ou pertes, dans la mesure où ce qui est réclamé ne constitue que les frais de location du matériel et autres frais de chantier. Enfin, l'affectio societatis est absent, puisqu'il existait un contrat entre les parties portant sur l'exécution en commun des marchés en cause, ainsi qu’un contrat de location de matériel. Le minimum d'affectio societatis exigerait que chacune des parties mette du sien pour l'exécution de l'objet social. Or, il n’en est rien. 

Décision de la Cour d’appel d’Ouagadougou

La Cour d’appel d’Ouagadougou rappelle tout d’abord que conformément à l'article 864 de l'Acte uniforme sur les sociétés commerciales et du groupement d'intérêt économique, « il y a société de fait lorsque deux ou plusieurs personnes physiques ou morales se comportent comme des associés sans avoir constitué entre elles l'une des sociétés reconnues par le présent Acte uniforme ». Ainsi définie, la société de fait est celle ou deux ou plusieurs personnes physiques ou morales se comportent comme des associés sans avoir exprimé la volonté de former une société. 

La Cour d’appel estime que cette situation ne peut être appliquée au cas d'espèce, dans la mesure où les parties ont souhaité créer une société et régler leurs conventions. La présente s’apparente selon elle à une société en participation, définie par l’article 854 de l’Acte uniforme, comme étant « celle dans laquelle les associés conviennent qu'elle ne sera pas immatriculée au registre du commerce et du crédit mobilier et qu'elle n'aura pas la personnalité morale. Elle n'est pas soumise à publicité ».

Elle rappelle ensuite que l'article 855 du même acte précise que les associés conviennent librement de l'objet, de la durée, des conditions du fonctionnement, des droits des associés et de la fin de la société en participation.

En l’espèce, les parties ont, par acte sous seing privé en date du 3 novembre 1997, convenu de la réalisation en commun de travaux de construction et de l’exercice des activités sous le label d'une autre société responsable vis-à-vis des tiers. De plus, chaque partie a apporté seulement la jouissance de ces biens et la société n'a aucun patrimoine propre, dans la mesure où elle n’a pas de personnalité morale. Elle n’a pas non plus été immatriculée, ce qui fait d’elle une société secrète.

La Cour constate en outre que vis-à-vis des tiers, c'est la SAS qui est responsable et qu'il y a un contrat à la base qui règle les conventions des parties.

La Cour d’appel d’Ouagadougou considère enfin que compte tenu de tout ce qui précède, il convient d’appliquer à la présente cause les règles de la société en participation et d’infirmer le jugement querellé en toutes ses dispositions.

Bon à savoir

La société en participation (SEP) est régie par le livre 1er de l’Acte uniforme relatif aux sociétés commerciales et au groupement d’intérêt économique2.

Elle peut être définie comme étant la société dont les associés conviennent librement qu’elle ne sera pas immatriculée au registre du commerce et du crédit mobilier et qu’elle n’aura pas la personnalité morale3.

Le fonctionnement de cette société, de même que son objet, sa durée ou encore sa dissolution, est régi par le principe de liberté contractuelle posé par l’article 855 de l’Acte uniforme relatif aux sociétés commerciales et au groupement d’intérêt économique.

_______________

1. Cour d’appel de Ouagadougou, Chambre civile et commerciale (Burkina Faso), Arrêt n° 57 du 20 mai 2005, Société togolaise de travaux publics (STTP) c/ SAS sa et SOMDA Jean de Dieu, Ohadata J-09-17, www.ohada.com   

2. D. NDIAW, « Les sociétés de personnes », in Sociétés commerciales et G.I.E., Bruxelles, Bruylant, 2002, p. 501.

3. Article 854, alinéa 1 de l’Acte uniforme révisé relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique ; voy. à cet égard A. DELABRIERE, « La société en participation dans l’OHADA », Penant, 2004/848, pp. 396 et s. ; B.-Y. MEUKE, « La société non personnalisée dans l’OHADA. Étude de l’impact de l’absence de personnalité morale dans la société en participation », Revue juridique tchadienne, 2006/12, p. 6.