
Le gage de meubles corporels
Constitution du gage sur meubles corporels
La constitution du gage requiert la réunion de plusieurs conditions. Par souci méthodologique, nous les classerons en trois groupes : les conditions de fond, les conditions de forme et les conditions d’opposabilité.
Le gage, pour être valablement constitué, sera tout d’abord soumis à des conditions de fond. Celles-ci sont relatives au constituant du gage et aux biens offerts en garantie.
Le gage peut être constitué par le débiteur lui-même ou par un tiers constituant, l’article 92 faisant référence au constituant. A ce titre, la référence à la notion impropre de « caution réelle » a été abandonnée, afin d’éviter toute confusion entre le cautionnement et le gage 5.
Celui qui fournit le gage doit être propriétaire du bien gagé. Il doit en outre être capable de l’aliéner, dans la mesure où le gage doit être vendu en cas de non-paiement de la dette garantie 6.
Aucune condition n’est requise pour le créancier gagiste, mis à part qu’il doit être capable de contracter. A défaut, il ne serait pas en mesure de procéder à la réalisation de sa garantie, dans la mesure où elle nécessite une procédure judiciaire 7.
Le gage porte sur un bien ou plusieurs biens meubles corporels, présents ou futurs 8. L’abandon de la remise de la chose comme condition de validité du gage permet en effet la constitution de gage sur des biens futurs. C’est pourquoi le nouvel article 95 ne requiert du constituant qu’il soit propriétaire des biens gagés que si le gage porte sur des biens présents 9. Admettre qu’un constituant puisse consentir un gage sur des biens dont il n’a pas encore acquis la propriété pourrait en effet s’avérer dangereux, si le créancier gagiste n’était pas en parallèle suffisamment protégé.
Lorsque le gage a pour objet des biens futurs 10, le créancier est informé de ce que le constituant lui consent un gage sur un bien qui ne lui appartient pas encore. Il accepte donc ce risque dès l’origine et son droit réel s’exerce sur le bien mis en gage dès le moment où le constituant en devient propriétaire, sauf stipulation contraire 11.
Le droit de gage étant conféré sur un bien meuble à titre de garantie d’une créance, il suppose enfin l’existence d’une créance valable 12. En réalité, cette exigence est double :
- D’une part, elle implique l’existence d’une obligation juridique. Les obligations naturelles qui ne sont pas susceptibles d’être exécutées ne peuvent en effet fonder la constitution d’un gage.
- D’autre part, la créance ne doit pas être entachée de nullité 13.
Nonobstant cette double exigence, il existe une grande souplesse quant à la créance susceptible d’être garantie : elle peut être civile ou commerciale ; antérieure, future ou même éventuelle 14. A cet égard, la jurisprudence française précise qu’il suffit que la créance existe en germe pour que le gage soit valablement constitué 15.
Outre ces conditions de fond, le gage sur meubles corporels est soumis une condition de forme requise à peine de nullité : l’écrit 16. Autrefois considéré comme un contrat réel qui ne pouvait être valablement formé que par la remise de la chose gagée 17, le gage est devenu un contrat solennel, se formant dès la conclusion d’un écrit. Cet écrit peut tantôt être conclu sous seing privé ou par acte authentique, auquel cas il aura date certaine 18.
Conformément aux termes de l’article 96 de l’AUS révisé, cet écrit devra comporter les mentions suivantes :
- La désignation de la dette garantie ;
- La quantité des biens donnés en gage ;
- Leur espèce ou leur nature 19.
Les biens gagés devront être désignés avec précision (localisation desdits biens, références du modèles et/ou du numéro de séries en cas de bien manufacturés par exemple), afin d’éviter toute confusion, notamment en cas de concours avec d’autres créanciers 20.
Enfin, pour être opposable aux tiers, il suffit que la chose gagée soit remise au créancier ou un tiers convenu, qui pourra être un agent des sûretés agissant au profit des autres créanciers. En l’absence de remise de la chose, le contrat de gage est opposable aux tiers à condition qu’il soit inscrit au Registre du commerce et du crédit mobilier. Il existe ainsi deux formalités d’opposabilité : la première étant la remise de la chose, pour le gage avec dépossession, et, la seconde l’inscription au RCCM, utilisée essentiellement pour le gage sans dépossession 21.
Toutefois, si la remise de la chose ne peut se concevoir qu’en cas de gage avec dépossession, celui-ci pourra aussi faire l’objet d’une inscription au RCCM. En effet, l’article 97 ne s’oppose nullement à l’inscription d’un gage avec dépossession. Ainsi, un cumul des formalités d’opposabilité est possible, soit en cas de gage sans dépossession, si la chose gagée est remise au créancier ou à un tiers convenu, soit, en cas de gage avec dépossession, lorsque la chose est restituée au constituant sans intention de mettre fin au contrat de gage. Cette remise ou restitution de la chose gagée en cours de vie du gage n’aura aucun effet sur l’existence de la sûreté, qui demeurera opposable aux tiers.
Quoi qu’il en soit, l’accomplissement de l’une ou l’autre de ces mesures de publicité permet de rendre le gage opposable à tous les tiers, c’est-à-dire non seulement aux autres créanciers du constituant et du débiteur, mais aussi à leurs ayants cause à titre particulier.
Dans l’hypothèse d’un gage avec dépossession, cette opposabilité tient au fait que le bien est remis entre les mains du créancier gagiste ou d’un tiers convenu qui le détient pour son compte.
En cas de gage sans dépossession, lorsque celui-ci a été régulièrement publié, les ayants causes à titre particulier sont considérés comme des possesseurs de mauvaise foi et le créancier gagiste peut exercer son droit de suite à leur encontre. Si l’article 97 alinéa 2 de l’AUS ne vise pas expressément les ayants cause à titre universel, ils se verront également opposés le gage, en ce qu’ils sont tenus, comme leur auteur, par les dispositions du contrat de gage.
L’inscription du gage au RCCM est donc une formalité importante : tout créancier ou acquéreur devra vérifier, avant de se faire consentir un gage sur un bien ou de l’acquérir, que ce bien ne fait l’objet d’aucunes inscriptions, ou, à défaut, il devra accepter leur existence 22.
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5. Cass, ch. mixte, 2 décembre 2005, n°03-18.210, Bull. civ. ch. mixte, n°7 : « une sûreté réelle consentie pour garantir la dette d’un tiers n’implique aucun engage personnel à satisfaire à l’obligation d’autrui et n’est pas dès lors un cautionnement ».
6. H. DIDACE AMBOULOU, Le droit des sûretés dans l’espace OHADA, Paris, L’Harmattan, 2014, p. 23.
7. Y. KALIEU ELONGO, Droit et pratique des sûretés réelles. OHADA, Yaoundé (Cameroun), Presses universitaires d’Afrique, 2010, p. 88 ; A. CISSE-NIANG, « Le gage », in OHADA. Sûretés, Bruxelles, Bruylant, 2002, p. 84.
8. Article 92 de l’Acte uniforme révisé portant organisation des sûretés.
9. Article 95 de l’Acte uniforme révisé portant organisation des sûretés.
10. MESTRE, « Le gage de choses futures », D.S., 1982, chron., p. 141.
11. Article 96 de l’Acte uniforme révisé portant organisation des sûretés.
12. H. DIDACE AMBOULOU, Le droit des sûretés dans l’espace OHADA, Paris, L’Harmattan, 2014, p. 23.
13. A. CISSE-NIANG, « Le gage », in OHADA. Sûretés, Bruxelles, Bruylant, 2002, p. 81.
14. Ibid., pp. 80-81.
15. Civ., 13 mai 1987, J.C.P., 1988, II, n°20.923.
16. A. MARCEAU-COTTE et L.-J. LAISNEY, « Vers un nouveau droit du gage OHADA », Dr. & patr., 2010, n°197, p. 67.
17. CA Abidjan, 20 mars 2002, arrêt n°107, Société Delbeau c/ CFAO-CI, Juris-Ohada, n°1/2004, janvier-mars 2004, p. 59.
18. L.-J. LAISNEY, « Les gages de meubles corporels », in Le nouvel acte uniforme portant organisation des sûretés. Le nouvel acte uniforme portant organisation des sûretés. La réforme du droit des sûretés de l’OHADA, Rueil-Malmaison (France), Lamy, 2012, p. 203.
19. Article 96 de l’Acte uniforme révisé portant organisation des sûretés.
20. L.-J. LAISNEY, « Les gages de meubles corporels », in Le nouvel acte uniforme portant organisation des sûretés. Le nouvel acte uniforme portant organisation des sûretés. La réforme du droit des sûretés de l’OHADA, Rueil-Malmaison (France), Lamy, 2012, p. 204.
21. Article 97 de l’Acte uniforme révisé portant organisation des sûretés.
22. L.-J. LAISNEY, « Les gages de meubles corporels », in Le nouvel acte uniforme portant organisation des sûretés. Le nouvel acte uniforme portant organisation des sûretés. La réforme du droit des sûretés de l’OHADA, Rueil-Malmaison (France), Lamy, 2012, p. 205.