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DROIT DES SOCIETES

DROIT DES SOCIETES ABREGES JURIDIQUES

25 Octobre 2016

Cour Suprême de la Côte d’Ivoire - Article 864 AUSCGIE (Révisé)

Présentation des faits1

Prétendant avoir la copropriété du laboratoire de photographie, dénommé « Naturelle PHOTO » avec Monsieur K.H., auquel il reprochait une gestion du fonds de commerce en négociation totale de ses droits de coassocié de « la société de fait », Monsieur W.K. a saisi le Tribunal de Daloa d’une demande aux fins de nomination d’un administrateur provisoire, avec pour mission de gérer ledit laboratoire, faire les comptes sur la période allant de 1993 à 1999, en vue d’un partage des dividendes et le cas échéant, déterminer les pertes éventuelles et leurs causes.

Monsieur K.H., estimant l’attitude de Monsieur W.K. vexatoire, a demandé, à titre reconventionnel, des dommages et intérêts pour procédure abusive. Le Tribunal saisi les a tous deux débouté de leurs demandes respectives, par jugement du 08 février 2000.

Ce jugement a été réformé par un arrêt rendu en date du 4 mai 2000 par la Cour d’appel de Daloa, qui a condamné Monsieur W.K. à des dommages et intérêts pour procédure abusive, au profit de Monsieur K.H., et a confirmé ledit jugement en ses autres dispositions.

W. K. a alors formé pourvoi de cassation contre l’arrêt du 4 mai 2000.

Décision de la Cour suprême de la Côte d’Ivoire

La Cour suprême de la Côte d’Ivoire constate tout d’abord qu’il est fait grief à la Cour d’appel d’avoir, pour statuer comme elle l’a fait, invoqué des motifs contradictoires. En effet, selon le moyen, la Cour d’appel ne pouvait, sans se contredire, affirmer que Monsieur W.K. n’a pas apporté la preuve de ses allégations et soutenir dans le même temps, que de simples mentions portées sur un exploit non enrôlé ne sauraient à elles seules satisfaire aux conditions de l’article 864 de l’AUSCGIE, car soit la preuve est faite et n’est pas suffisante, ou alors aucune preuve n’est faite et n’existe pas.

Mais, pour conclure à l’inexistence de la société de fait alléguée par Monsieur W.K. à l’appui de ses prétentions, la Cour d’appel, a rappelé les dispositions de l’article 864 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique, au terme duquel « une société créée de fait n’existe qu’autant que plusieurs personnes physiques ou morales se comportent comme des associés, sans avoir constitué entre elles l’une des sociétés reconnues par ledit traité ». Elle a ensuite, en usant de son pouvoir souverain, estimé que la preuve d’un quelconque apport fait par Monsieur W.K. n’a été rapportée par celui-ci et que par ailleurs, l’exploit invoqué comme élément de preuve ne constituait pas une preuve suffisante au regard des exigences du texte susvisé.

D’autre part, pour faire droit à la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive présentée par Monsieur K.H., l’arrêt attaqué ayant relevé que Monsieur W.K. a non seulement débauché des travailleurs en service à « Naturelle PHOTO », mais a en outre initié plusieurs procédures, sans preuve de ses allégations, à l’encontre de Monsieur K.H., a déduit de ces constatations le caractère vexatoire et abusif de l’action de Monsieur W.K.

La Cour suprême considère qu’en se déterminant par de tels motifs qui ne sont pas contradictoires, la Cour d’appel a légalement justifié sa décision. Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.

Par conséquent, la Cour suprême de la Côte d’Ivoire rejette le pouvoir formé par Monsieur W.K.

Bon à savoir 

Il y a société créée de fait, lorsque deux ou plusieurs personnes physiques ou morales se comportent comme des associés sans avoir constitué entre elles l’une des sociétés reconnues par l’Acte uniforme révisé relatif au droit des sociétés commerciales et au groupement d’intérêt économique2. L’existence d’une société créée de fait peut être prouvée par toute voie de droit3

Au niveau des éléments constitutifs de la société créée de fait4, il y a lieu tout d’abord d’établir que des apports (en numéraire, en nature ou en industrie) ont été effectués. La démonstration d’apports suffisamment déterminés permet d’identifier les membres de la société5. Il a ainsi été décidé que celui qui n’a pas, dans l’exploitation commune d’un laboratoire, fait d’apports ne dispose pas de la qualité d’associé6.

La recherche des bénéfices et la contribution aux pertes sont également retenus comme un critère de reconnaissance de la société créée de fait ou de la société de fait7.

L’affectio societatis, défini comme la volonté de collaborer à une entreprise commune est un élément qui devra aussi être démontré. Il a ainsi été jugé que les nombreux voyages à l’étranger effectués par les parties dans le cadre de l’Acte dit « Attestation d’association », illustrent cette volonté8.

________________

1. Cour suprême de la Côte d’Ivoire, Chambre Judiciaire, arrêt n° 570/02 du 04 juillet 2002, WAN KUL Lee c/ Jeon KUK HYUN, Actualités juridiques, n° 39/2003, p. 12, Ohadata J-04-64, www.ohada.com

2. Article 864 de l’Acte uniforme révisé relatif au droit des sociétés commerciales et au groupement d’intérêt économique ; TGI Ouagadougou (Burkina Faso), Jugement commercial n° 215 du 21 février 2001, STTP Sarl c/ Société africaine de services SA et SOFITEX, cité dans J. GATSI, OHADA, Code des sociétés commenté et annoté, Douala, PUL, 2011, note sous art. 864 de l’AUDSCGIE, p. 186 ; F.-X. LUCAS, « La société dite “créée de fait” », in Mélanges offerts, Guyon, Dalloz, 2003, p. 738.

3. Article 867 de l’Acte uniforme révisé relatif au droit des sociétés commerciales et au groupement d’intérêt économique.

4. Ce sont les conditions de validité d’une société, mentionnées à l’article 4 de l’Acte uniforme révisé relatif au droit des sociétés commerciales et au groupement d’intérêt économique. Voy à cet égard : B. DIALLO, « La société créée de fait dans l’OHADA », note sous CCJA n° 31, 04 novembre 2004,  Ayant droit de B. c/ Madame A, art. précité, p. 18 ; À titre de droit comparé Marie-Hélène MALEVILLE, « Sociétés et groupement particuliers - Société créée de fait », note sous Cass. com., 5 avril 2005, en ligne : http://www.institut-idef.org/

5. A. FENEON, Droit des sociétés en Afrique (OHADA), Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine), LGDJ, 2015, p. 764.

6. Cour suprême de la Côte d’Ivoire, Chambre Judiciaire, arrêt n° 570/02 du 04 juillet 2002, WAN KUL Lee c/ Jeon KUK HYUN, Actualités juridiques, n° 39/2003, p. 12, Ohadata J-04-64, www.ohada.com

7. A. FENEON, Droit des sociétés en Afrique (OHADA), Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine), LGDJ, 2015, p. 764.

8. Cour suprême de la Côte d’Ivoire, arrêt n°152/04 du 11 mars 2004, Adama Koita, Odie Mathieu c/ Assane Thiam, Sodefor, Ohadata J-05-125, www.ohada.com.