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DROIT DES SOCIETES

DROIT DES SOCIETES ABREGES JURIDIQUES

25 Octobre 2016

Tribunal de grande instance de Ouagadougou (Burkina Faso) - Article 864 AUSCGIE (Révisé)

Présentation des faits1

Par acte sous seing privé du 03 novembre 1997, la SA SAS et la SARL STTP ont signé un protocole d'accord, au terme duquel les deux parties ont convenu de collaborer pour la réalisation des travaux, des barrages de Nazinga et des pistes cotonnières de l'Ouest, dont la SA SAS a été attributaire des marchés portant sur leur exécution et de tous autres chantiers qui seront confiés à la SA SAS.

Pour ce faire, la SARL STPP a convoyé tout le personnel et le matériel nécessaires sur les différents chantiers et a entrepris de réaliser les travaux.

Après avoir réalisé́ en commun lesdits travaux, la SA SAS et la SARL STTP se voyaient obligées de procéder à des vérifications contradictoires, à l’issue desquelles les sommes respectives de 32.123.336 FCFA et 7.427.500 FCFA ont été́ dégagées au profit de la SARL S., d’une part, au titre des travaux de construction des barrages de Nazinga et, d’autre part, au titre de la location d’engins pour la réalisation des travaux de construction des pistes cotonnières de l’Ouest-Kouka.

La SARL STTP a adressé une facture globale de 39.550.836 FCFA à la SA SAS. D’ailleurs, Monsieur S.T. devait signer deux reconnaissances de dettes le 12 mars 1998 et portant sur les montants contradictoirement arrêtes au titre des frais des deux marchés. 

Le même jour, la SARL STTP a notifié à la SA SAS une lettre de rupture du contrat de partenariat signé le 03 novembre 1997 et du contrat de location de matériel signé le 02 mars 1998.

Pour sûreté́ et obtenir paiement de la somme de 39.550.836 FCFA représentant sa créance, la SARL STTP, nantie d'une ordonnance n° 257/98 rendue le 12 mars 1998 au vu des deux reconnaissances de dette et sur la requête de la STTP même, a fait pratiquer saisie-arrêt sur les avoirs et les comptes de la SA S. les 23 et 30 mars 1998 et a assigné la SA SAS et Monsieur S.T. solidairement en paiement de ladite somme.

Par ordonnance de référé n° 16/98 rendue le 31 mars 1998 et sur requête de la SA SAS, le Président du Tribunal de grande instance de céans a rétracté l'ordonnance sur requête n° 257/98 du 12 mars 1998, au motif de ce « qu’il ressort de l’examen des actes de reconnaissances produits, que c'est le groupement SAS-STTP existant et non la SAS structure autonome du groupement, en témoigne la reconnaissance de dette établie le 12 mars 1998 au profit de la STTP par le groupement ». L’ordonnance a été infirmée par le juge des référés du second degré sur appel de la STTP, le 19 novembre 1998.

Auparavant et sur sommation du 2 juin 1998, la STTP a fait constater que dans le cadre du marché Nazinga, la SA SAS a déjà encaissé une somme de 65.216.841 FCFA, que par ordonnance n° 804/98 du 13 août 1998, la STTP faisait pratiquer à nouveau une saisie-arrêt le 17 août 1998 sur les avoirs et les comptes de la SAS et a assigné en conséquence la SAS et Monsieur S.T. en paiement de la somme de 45.105.920 francs, montant provisoirement évalué de sa créance en principal intérêt et frais, la créance justifiée étant de 39.550.836 francs.

Par ordonnance de référé n° 47 du 21 septembre 1998, le juge des référés a toutefois rétracté l'ordonnance n° 804/98 du 14 août 1998 ayant autorisé le STTP à pratiquer la saisie-arrêt du 17 août 1998 et en a ordonné la mainlevée.

Par ailleurs, suite à la saisie-arrêt pratiqué le 30 mars 1998 par la STTP, Monsieur S.T. a assigné le 17 avril 1998 la STTP à comparaître devant le Tribunal de grande instance de Ouagadougou pour voir condamner la STTP à lui payer la somme de 5.000.000 Francs, outre les intérêts de droit à compter du jour de la demande à titre de dommage-intérêts, au motif que la STTP, en faisant pratiquer la saisie-arrêt, a dû surprendre la conviction du juge pour obtenir son ordonnance n° 257/98, rétractée par le juge des référés qui a ordonné la mainlevée des saisies arrêts pratiquées en vertu de celle-ci et qu’il a fait subir un préjudice tant moral que matériel qu’il évalue à 5.000.000 Francs.

Le même jour et par un acte différent, la SA SAS a, à son tour, assigné la STTP devant la même juridiction et pour les même motifs, et pour obtenir paiement de la somme de 304.443.782 Francs, outre celle des intérêts de droit à compter du jour de la demande et voir assortir le jugement à intervenir de l'exécution provisoire arguant de ce que la STTP ayant rompu abusivement le contrat de partenariat signé le 03 novembre 1997, sans motifs valables, a rompu l'exécution des marchés en cours et lui a fait subir un manque à gagner sur les marchés en cours qu'il évalue à la somme de 304.443.782 Francs.

Enfin, la SAS et Monsieur S.T. ont assigné la STTP le 29 septembre 1999, en dissolution a l’effet de voir prononcer la dissolution de la société de fait ayant existé entre la SAS et la STTP, faisant valoir que la STTP a posé depuis un certain temps un certain nombre d’actes mettant en cause le protocole d’accord signé entre les parties le 03 novembre 1997. 

Décision du Tribunal de grande instance de Ouagadougou

Sur la demande en dissolution de la SAS

Le tribunal de grande instance de Ouagadougou a rappelé tout d’abord qu’il y a société de fait, lorsque deux ou plusieurs personnes physiques ou morales se comportent comme des associés sans avoir constitué entre elles l'une des sociétés reconnue par la loi. 

En l'espèce, la SAS SA et son Président directeur général soutiennent qu'il a existé entre la SAS SA et la SARL STTP une société de fait dont ils sollicitent la dissolution par voie de justice et, partant, la liquidation. Au demeurant, ils ont établi sans difficulté l'existence d'une société commerciale entre les parties par le simple constat de l'existence des éléments constitutifs. En effet, par son esprit, seul un contrat de partenariat, même intitulé protocole d'accord, entre deux sociétés, lorsqu'il a été convenu en vue d'une réalisation en commun d'activités lucratives, peut susciter les interrogations quant à son objet.

Le tribunal de grande instance estime que le contrat de partenariat crée effectivement une société de fait, lorsqu'il énonce sans ambiguïté que :

-       Au préambule : « Par le présent protocole, la Société Africaine de Service... et la Société Togolaise de Travaux Publics... conviennent de collaborer pour l'exécution des travaux des barrages du Nazinga et des pistes cotonnières... ».

-       Article 1er : « Pour ce faire, les parties conviennent que sur le territoire burkinabè les deux sociétés sont intégrées en matériel, en personnel et en logistique sous le label commercial S.A.S.SA devant les autorités et devant les tierces personnes ».

-       Article 3-3° : « Ni SAS, ni STTP ne toucheront aux bénéfices avant le paiement de la réception provisoire. A la fin de chaque chantier et après la levée des réserves, le bénéfice net sera réparti entre la STTP pour 45% et SAS pour 45%. D’un commun accord SAS et STTP laisseront chacun 5% des bénéfices non distribués sur un compte commercial qui aura deux signatures... »

-       Article 5 : « La collaboration entre SAS.SA. et STTP étant fondée sur la confiance mutuelle et l'amitié, les deux parties mettront le meilleur d'elles-mêmes pour que tout marche... »

De ce qui précède, il ressort que par leur protocole d'accord, la SA SAS et la SARL STTP ont crée une société que la convention régit. En effet, les apports, le bénéfice et l’affectio societatis ont été clairement réglementés. C’est vainement que la STTP soutient l’inexistence d'une société de fait.

Le tribunal de grande instance de Ouagadougou considère que la SA SAS est bien fondée à en demander la dissolution, étant entendu qu'il y a violation de la loi.

Par conséquent, il échet de faire droit à sa demande.

Par ailleurs, le tribunal de grande instance rappelle que la dissolution de la société pluripersonnelle ou unipersonnelle entraîne sa liquidation. 

En l'espèce, la société de fait ayant existé entre la SAS et la STTP étant dissoute à la demande de la SAS, il y a lieu d'en ordonner la liquidation et désigner les organes qui en sont chargés.

Dans cette optique, il y a lieu de nommer Monsieur S.S. expert-comptable judiciaire à l'effet de procéder aux opérations de liquidation et désigner Monsieur S.E., en qualité de juge commissaire chargé de superviser les opérations de liquidation.

Bon à savoir

Il y a société créée de fait, lorsque deux ou plusieurs personnes physiques ou morales se comportent comme des associés sans avoir constitué entre elles l’une des sociétés reconnues par l’Acte uniforme révisé relatif au droit des sociétés commerciales et au groupement d’intérêt économique2. L’existence d’une société de fait peut être prouvée par toute voie de droit3.

Au niveau des éléments constitutifs de la société de fait4, il y a lieu tout d’abord d’établir que des apports (en numéraire, en nature ou en industrie) ont été effectués. La recherche des bénéfices et la contribution aux pertes sont également retenues comme un critère de reconnaissance de la société créée de fait ou de la société de fait5. L’affectio societatis, défini comme la volonté de collaborer à une entreprise commune est un élément qui devra aussi être démontré.

Peu importent les dispositions dont les membres de la société de fait ont pu convenir, le régime juridique applicable aux sociétés créées de fait ou aux sociétés de fait, dont l’existence a été reconnue en justice, est celui qui s’applique aux sociétés en nom collectif6.

Enfin, s’agissant de la dissolution et de la liquidation de la société créée de fait ou de la société de fait, il y a lieu de se référer aux règles de la société en nom collectif (articles 290 à 292 de l'Acte uniforme révisé relatif au droit des sociétés commerciales et au groupement d’intérêt économique)7. Plus spécifiquement, lorsqu’il n’y a plus d’affectio societatis dans une société de fait, la dissolution de cette société doit être prononcée conformément aux articles 200-5 et 201, alinéa 2 de l’AUDSC et, partant, la société doit être liquidée selon l’article 868 de l’Acte uniforme révisé relatif au droit des sociétés commerciales et au groupement d’intérêt économique8.

_______________

1. Tribunal de grande instance de Ouagadougou (Burkina Faso), Jugement commercial n° 215 du 21 février 2001, STTP SARL c/ Société africaine de services SA et SOFITEX, Ohadata J-04-01, www.ohada.com

2. Article 864 de l’Acte uniforme révisé relatif au droit des sociétés commerciales et au groupement d’intérêt économique ; TGI Ouagadougou (Burkina Faso), Jugement commercial n° 215 du 21 février 2001, STTP Sarl c/ Société africaine de services SA et SOFITEX, cité dans J. GATSI, OHADA, Code des sociétés commenté et annoté, Douala, PUL, 2011, note sous art. 864 de l’AUDSCGIE, p. 186 ; F.-X. LUCAS, « La société dite “créée de fait” », in Mélanges offerts, Guyon, Dalloz, 2003, p. 738.

3. Article 867 de l’Acte uniforme révisé relatif au droit des sociétés commerciales et au groupement d’intérêt économique.

4. Ce sont les conditions de validité d’une société, mentionnées à l’article 4 de l’Acte uniforme révisé relatif au droit des sociétés commerciales et au groupement d’intérêt économique. Voy à cet égard : B. DIALLO, « La société créée de fait dans l’OHADA », note sous CCJA n° 31, 04 novembre 2004,  Ayant droit de B. c/ Madame A, art. précité, p. 18 ; À titre de droit comparé Marie-Hélène MALEVILLE, « Sociétés et groupement particuliers - Société créée de fait », note sous Cass. com., 5 avril 2005, en ligne : http://www.institut-idef.org/

5. A. FENEON, Droit des sociétés en Afrique (OHADA), Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine), LGDJ, 2015, p. 764.

6. Article 868 de l’Acte uniforme révisé relatif au droit des sociétés commerciales et au groupement d’intérêt économique.

7. Article 868 de l’Acte uniforme révisé relatif au droit des sociétés commerciales et au groupement d’intérêt économique.

8. T. com. Bamako, 3 novembre 1999, Ohadata J-02-41, www.ohada.com