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PROCEDURES COLLECTIVES

REGLEMENT PREVENTIF

25 Octobre 2016

Cour Commune de Justice et d'Arbitrage (CCJA) - Article 9 AUPCAP

Présentation des faits1

La société immobilière S. a loué à la clinique G. un local pour l’exploitation d’une clinique pour un loyer mensuel de 850.000 francs CFA.

Au 23 février 2006, la clinique G. devait 19 mois de loyers à la société S pour un montant total de 16.150.000 francs CFA.

À la même date, la société S. a mis en demeure  la clinique G. de lui payer les loyers dus. La mise en demeure est toutefois restée sans suite.

Le 19 mai 2006, la société S. a assigné la clinique G. en expulsion et en paiement de la somme de 16.150.000 francs CFA. Le 30 janvier 2007, un jugement du Tribunal de première instance d’Abidjan a donné raison à la société S. et a ordonné l’expulsion ainsi que condamné au paiement des loyers.

Le 27 avril 2007, la clinique G. a interjeté appel de cette décision, au motif qu’elle bénéficie du règlement préventif en raison de ses difficultés financières.

Le 21 décembre 2007, la Cour d’appel a confirmé que la clinique G. devait payer les 16.150.000 francs CFA, mais a toutefois considéré que l’expulsion de la clinique G. n’était pas nécessaire.

La société S. a décidé d’introduire un pourvoi contre cette décision, en invoquant l’application incorrecte faite par la Cour d’appel de l’article 9 alinéa 2 de l’Acte uniforme.

La Cour d’appel a en effet considéré qu’en application de cet article, il n’y avait pas lieu de faire droit à la demande d’expulsion. Cette dernière constitue, en effet, une voie d’exécution bénéficiant d’une suspension des poursuites individuelles en vertu de l’article 9 de l’Acte uniforme.

La société S. considère, quant à elle, qu’une demande d’expulsion n’entre pas dans le champ d’application de l’article 9 de l’Acte uniforme. La suspension des poursuites ne s’applique en effet pas aux actions « tendant à la reconnaissance des droits ou des créances contestées ».

Décision de la CCJA

La Cour rappelle qu’aux termes de l’article 9 alinéa 2 de l’Acte uniforme la suspension des poursuites individuelles tendant à obtenir le paiement des créances désignées par le débiteur et nées antérieurement à la décision prise en application de l’article 8 de l’Acte uniforme « concerne aussi bien les voies d’exécution que les mesures conservatoires ». 

La Cour donne ensuite une définition des voies exécutions et des mesures conservatoires, à savoir toutes les « procédures légales qui permettent à un créancier impayé, soit de saisir les biens de son débiteur pour les vendre et se faire payer, soit de se faire délivrer ou restituer un bien mobilier corporel ».

En l’espèce une demande d’expulsion ne peut être considérée ni comme une voie d’exécution ni comme une mesure conservatoire. En ce sens la décision de la Cour d’appel est inexacte, cette dernière ayant mal interprété l’article 9 alinéa 2 de l’Acte uniforme.

Par conséquent, la mesure de règlement préventif dont bénéfice la clinique G. n’influence en rien la demande d’expulsion de la société S.

L’arrêt de la Cour d’appel du 21 décembre 2007 est dès lors cassé par la Cour commune de justice et d’arbitrage.

Bon à savoir

L’article 2 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif définit le règlement préventif comme « une procédure destinée à éviter des paiements ou la cessation d’activité de l’entreprise et permettant ainsi l’apurement du passif par le bais d’un concordat préventif ».

Cette procédure est destinée aux personnes physiques ou morales qui se trouvent dans une situation financière difficile, pour autant que cette dernière ne soit pas irrémédiablement compromise2.

La première chose que le débiteur doit faire pour pouvoir bénéficier de cette procédure est de déposer une requête. Cette requête doit comprendre plusieurs mentions, et notamment l’explication de la situation financière du débiteur3. Celui-ci doit également déposer plusieurs documents4.  

Une fois que le débiteur a déposé sa requête, le Président de la juridiction compétente ordonne, sans délai, la suspension des poursuites individuelles5. Cette décision n’est par ailleurs susceptible d’aucun recours6.

Le but de la décision de suspension des poursuites individuelles est d’empêcher l’introduction de poursuites tendant au paiement des créances désignées par le débiteur et nées antérieurement à ladite décision7.

La suspension des poursuites individuelles concerne les voies d’exécution ainsi que les mesures conservatoires8.

La demande d’expulsion locative, étant une mesure tendant à la reconnaissance de droits contestés, n’est ni une voie d’exécution forcée ni une mesure conservatoire. Partant, elle ne bénéficie pas de la suspension des poursuites individuelles prévue à l’article 9 aliéna 2 de l’Acte uniforme en cas de règlement préventif.

Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque. 

________________________

1. CCJA, arrêt n° 025/2013 du 18 avril 2013, www.ohada.com, Ohada J-15-25.

2. M.I., Konate, « Un grave détournement de la loi sur le règlement préventif par le juge : le cas d'une suspension des poursuites individuelles ordonnée en violation de la loi et hors esprit du texte de l'AUPCAP de l'OHADA applicable », Jurifis, édition spéciale, n° 12, octobre 2012, p. 29.

3. Article 5 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif.

4. Article 6 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif.

5. Article 9 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif.

6. Article 22 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif.

7. E. Onana Etoundi, « Questions pratiques liées à la suspension des poursuites individuelles dans la procédure de règlement préventif en droit OHADA », Actualités juridiques, n°51, 2005, p. 352.

8. Article 9 alinéa 2 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif.