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Actualités du droit belge

DROIT COMMERCIAL

Le fonds de commerce

12 Mai 2015

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Le fonds de commerce en droit OHADA

L exploitation du fonds de commerce

Conformément à l'article 138 de l'Acte uniforme relatif au droit commercial général, le fonds de commerce peut être exploité directement par son propriétaire ou par un tiers, en exécution d'un contrat de location-gérance 17.

Il y a exploitation directe du fonds de commerce lorsque le propriétaire du fonds accomplit lui-même toutes les opérations matérielles et juridiques de gestion. Dans ce cas, le propriétaire a la qualité de commerçant.

L'exploitation directe peut également être exercée dans le cadre d'une société commerciale. Ce sont alors les organes de la société (gérant, conseil d'administration, administrateur général, etc…) qui exploitent effectivement le fonds. L'exploitation est également considérée comme directe lorsque le propriétaire la confie à un tiers qui est lié à lui par un contrat de travail (gérant salarié) ou lorsqu'elle est confiée à un administrateur provisoire par décision de justice 18.

La propriété du fonds de commerce étant étroitement liée à son exploitation, elle disparaît si la clientèle est définitivement perdue, si tous les éléments du fonds ont été détruits ou si le commerçant disperse les éléments du fonds de manière à en rendre impossible l'exploitation.

Outre l'exploitation directe, le fonds de commerce peut faire l'objet d'une exploitation par un tiers par le biais de ce qu'on appelle la location-gérance, ou gérance. La location-gérance est définie comme la convention par laquelle le propriétaire du fonds de commerce, personne physique ou morale, en concède la location, en qualité de bailleur, à une personne physique ou morale, locataire-gérant, qui l'exploite à ses risques et périls 19.

Contrairement au gérant salarié qui n'est qu'un simple employé, le locataire-gérant est un locataire qui exploite le fonds de commerce en son nom et pour son compte, moyennant le paiement d'une redevance 20. Le locataire-gérant a la qualité de commerçant, et est soumis à toutes les obligations qui en découlent 21. Il doit dès lors disposer de la capacité requise pour exercer le commerce et se faire immatriculer au Registre du commerce et du crédit mobilier.

Par ailleurs, compte tenu de l'importance que revêt la personnalité du gérant-locataire dans un tel contrat, celui-ci doit être considéré comme conclu intuitu personae, et par conséquent, il ne peut pas être cédé.

L'objet de la location-gérance doit être un fonds de commerce, disposant par conséquence d'une clientèle.

En outre, certaines conditions sont requises dans le chef du propriétaire du fonds pour qu'on contrat de location-gérance puisse être conclu. Premièrement, il doit avoir exploité, pendant deux ans au moins, en qualité de commerçant, le fonds mis en gérance 22. Ce délai peut être réduit, sans pouvoir être inférieur à un an, par la juridiction compétente, notamment lorsque la personne physique ou morale justifie qu'elle a été dans l'impossibilité d'exploiter son fonds personnellement ou par l'intermédiaire de ses préposés 23.

Cette exigence de durée minimale d'exploitation n'est cependant pas exigée en cas de locations-gérances consenties par l'Etat, les collectivités locales ou les établissements publics, compte tenu de la qualité particulière de ces personnes. Tel est également le cas en présence d'incapables en ce qui concerne le fonds dont ils étaient propriétaires avant la survenance de leur incapacité ; d' héritiers ou légataires d'un commerçant décédé en ce qui concerne le fonds exploité par ce dernier ; de contrats de location –gérance passés par des mandataires de justice chargés de l'administration d'un fonds de commerce à condition qu'ils y aient été autorisés par la juridiction compétente et qu'ils aient satisfait aux mesures de publicité prévues 24.

Deuxièmement, le propriétaire du fonds ne doit pas avoir été interdit ou déchu de l'exercice d'une profession commerciale.

Le non-respect de ces conditions de fond entraîne la nullité absolue du contrat de location-gérance 25.

En ce qui concerne les conditions de forme, le contrat doit être publié, aux frais du locataire-gérant, dans les quinze jours, sous forme d'extrait dans un journal habilité à publier les annonces légales. Le propriétaire du fonds, s'il est commerçant, est quant à lui tenu de faire modifier, à ses frais, son inscription au Registre du commerce et du crédit mobilier par la mention de la mise en location-gérance de son fonds 26. La fin du contrat de location-gérance donne lieu aux mêmes mesures de publicité aux frais du locataire-gérant 27.

Le locataire-gérant est tenu, par ailleurs, d'indiquer en tête de ses bons de commande, factures et autres documents à caractère financier ou commercial, sa qualité de locataire-gérant du fonds 28.

S'agissant des effets de la location-gérance entre parties, il y a lieu de considérer que le propriétaire du fonds a les obligations d'un bailleur. Par conséquent, il doit garantir le locataire-gérant contre son fait personnel et éviter de lui faire concurrence.

En contrepartie, le locataire-gérant est tenu d'exploiter le fonds de commerce 29, de ne pas en modifier la destination et de payer le loyer. En ce qui concerne le loyer, celui-ci est en réalité composé de deux éléments : un qui correspond à la redevance due pour la jouissance des locaux, et un autre pour la jouissance des éléments corporels et incorporels du fonds de commerce tels que décrits dans le contrat de location-gérance. Ces deux éléments du loyer doivent obligatoirement être déterminés de façon séparée dans le contrat de location-gérance 30.

En ce qui concerne les effets à l'égard des tiers, l'Acte uniforme prévoit que le propriétaire du fonds et le locataire-gérant sont solidairement responsables du paiement des dettes nées de l'exploitation du fond tant que le contrat de location-gérance n'a pas été publié 31. De plus, l'expiration du contrat de location-gérance rend immédiatement exigible les dettes contractées par le locataire-gérant du fonds pendant la gérance 32.

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17. Article 138 de l'Acte uniforme relatif au droit commercial général.

18. A. Pedro Santos et J. Yado Toé, Ohada, Droit commercial général, Bruylant, Bruxelles, 2002, p. 214.

19. P. Fieni, « Droit commercial général dans l'espace OHADA : étude comparative de l'ancien et du nouvel Acte uniforme », Actualités Juridiques, Edition économique n° 3 / 2012, p. 22.

20. Cour Suprême de Côte d'Ivoire, Arrêt du 27 mars 2008, Arrêt n° 101/08, Affaire : Société Total Côte d'Ivoire (c/ SOUMAHORO YAYA, Actualités juridiques, n° 62, p. 67.

21. Article 139 de l'Acte uniforme relatif au droit commercial général.

22. P. Fieni, « Droit commercial général dans l'espace OHADA : étude comparative de l'ancien et du nouvel Acte uniforme », Actualités Juridiques, Edition économique n° 3 / 2012, p. 22.

23. Article 142 de l'Acte uniforme relatif au droit commercial général.

24. Article 143 du l'Acte uniforme relatif au droit commercial général.

25. A. Pedro Santos et J. Yado Toé, Ohada, Droit commercial général, Bruylant, Bruxelles, 2002, p. 217.

26. Cour d'Appel d'Abidjan, Arrêt du 25 février 2005, Arrêt n° 263, B.K. c/ K.K.B, Le Juris-Ohada, n° 4/2006, p. 34.

27. J.Issa –Sayegh, « Présentation des dispositions sur le droit commercial général », www.ohada.com, D-06-06.

28. Article 140 de l'Acte uniforme relatif au droit commercial général.

29. Cour d'Appel d'Abidjan, Arrêt du 23 avril 2004, Arrêt n° 512, Société TEXACO-CI Conseil SCPA F.D.K.A c/ KOUASSI YAO Samuel, www.ohada.com, J-05-318.

30. Article 138 dernier alinéa de l'Acte uniforme relatif au droit commercial général.

31. Cour d'Appel d'Abidjan, Arrêt du 27 décembre 2005, Arrêt n° 1153, Affaire : KOUDOU DAGO c/ BEUGRE LAKPA BERNARD, www.ohada.com, J-09-202.

32. A. Pedro Santos et J. Yado Toé, Ohada, Droit commercial général, Bruylant, Bruxelles, 2002, p. 218.