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DROIT COMMERCIAL

LE FONDS DE COMMERCE

25 Octobre 2016

Cour d’appel d’Abidjan - Articles 118, 119 et 126 AUDCG - Articles 150, 151 et 158 AUDCG révisé

Présentation des faits1

Monsieur R. a acquis un fonds de commerce appartenant à Madame A., pour le prix de 25.000.000 francs. Les parties ont signé une convention le 16 juillet 2002, en présence de l’avocate de Madame A. Cette avocate a rédigé une autre convention le 10 octobre 2002 dans laquelle elle fixait le prix de concession a 2.000.000 de francs. Elle a justifié l’existence de cette convention par le fait qu’elle servait à faciliter l’enregistrement à la Direction générale des impôts.

Madame A. a par la suite introduit une action en justice demandant la résolution judiciaire de la convention de vente, ainsi que l’expulsion de Monsieur R. pour occupation sans titre ni droit, au motif que ce dernier n’aurait pas payé le prix de cession.

Dans son jugement rendu le 9 mars 2005, le tribunal de première instance d’Abidjan a donné raison a Madame A. Les premiers juges ont prononcé la résolution judiciaire des conventions de cession de fonds de commerce intervenues le 10 octobre 2002. Dans ce jugement, il a été également été ordonné que Monsieur R. soit explusé du fonds de commerce. Les juges ont considéré que ce dernier occupait ledit fonds de commerce sans titre ni droit. Considérant que Monsieur R. n’a pas payé le prix, et s’est retrouvé en défaut d’exécution de son obligation contractuelle, les premiers juges l’ont de plus condamné à payer la somme de 10.000.000 de francs à titre de dommages et intérêts à Madame A.

Monsieur R. a interjeté appel de ce jugement. Il estime qu’étant donné qu’il a payé le prix, il ne peut pas être expulsé des lieux. Il considère également que la résolution judiciaire n’a pas à profiter uniquement à Madame A.

Madame A. estime, quant à elle, que Monsieur R. n’a pas payé le prix de cession, et que c’est lui qui lui a demandé d’établir deux conventions à des prix de cession déduits. Elle invoque la nullité des conventions du 10 octobre 2002 au motif que ces dernières n’ont pas respecté l’article 150 de l’Acte uniforme révisé portant sur le droit commercial général (AUDCG).

Décision

La Cour rappelle que conformément à l’article 150 AUDCG, l’acte contenant la cession du fonds de commerce doit comporter plusieurs mentions obligatoires. Selon l’article 151 AUDCG, il appartient à l’acquéreur d’invoquer la nullité de la convention en raison de l’absence des mentions précitées. Le vendeur ne dispose pas d’une telle prérogative.

La Cour constate ensuite que Monsieur R., l’acquéreur, a expressément déclaré aux premiers juges ne pas désirer se prévaloir de cette nullité. Dans ce sens, la décision des premiers juges est correcte.

La Cour constate également que la convention en question est nulle pour dissimulation, et ce en application de l’article 158 AUDCG. Toutefois, Monsieur R. a bien payé le prix à Madame A. en présence de l’avocate de cette dernière. Ce paiement vaut quittance.

C’est pourquoi la Cour considère que Monsieur R. est bien acquéreur du fonds de commerce puisqu’il en a payé le prix. Il ne peut pas être explusé au motif qu’il occupe les lieux sans titre ni droit.

L’appel de Monsieur R. est fondé.

Bon à savoir

L’article 147 de l’Acte uniforme révisé portant sur le droit commercial général (ci-après AUDCG) précise que la cession du fonds de commerce obéit aux règles générales de la vente, sous réserve des dispositions spécifiques prévues dans l’AUDCG et dans les législations régissant l’exercice de certaines activités commerciales spécifiques.

La cession d’un fonds de commerce doit respecter plusieurs conditions de fond, de forme et de publicité.

Quant aux conditions de fond, deux remarques peuvent être apportées. D’une part, il est important que l’acquéreur dispose de la capacité de faire le commerce. Il s’agit d’une condition logique puisque par le fonds de commerce, l’acquéreur va exercer une activité commerciale et dès lors devenir commerçant. D’autre part, lorsque la cession du fonds de commerce est réalisée par un mineur, son tuteur doit obtenir l’autorisation du conseil de famille2.

Concernant les conditions de forme, la convention de cession doit comporter certaines mentions obligatoires3. Ces mentions sont énoncées à l’article 150 AUDCG. En cas de non-respect de cette obligation, l’article 151 AUDCG a prévu la faculté, uniquement pour l’acquéreur, de demander la nullité de la vente. Dans ce cas, l’acquéreur doit prouver que l’omission ou l’inexactitude « a substantiellement affecté la consistance du fonds cédé »4 et qu’il a subi un préjudice.

Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque 

______________

1. Cour d’appel d’Abidjan, arrêt n°820 du 22 juillet 2005, www.ohada.com, Ohada J-09-209.

2. Voy. Article 604 C. pers. Fam. du Burkina et article 457 C. civ. Français.

3. Voy S. Kuate Tameghe, « Hypothèses sur le dol de la cession du fonds de commerce : réflexions à partir du droit issu du Traité OHADA », site d'information www.ohada.com, p. 3 et suiv.

4. A. Pedro Santos et J. Yado Toé, Ohada, Droit commercial général, Bruylant, Bruxelles, 2002, p. 222.