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DROIT COMMERCIAL

LE FONDS DE COMMERCE

25 Octobre 2016

Cour d’appel d’Abidjan - Articles 149 et 152 AUDCG

Présentation des faits1

Par un acte notarié datant du 18 avril 1995, Monsieur Q. a consenti un prêt de 20.000.000 francs à Madame M.

Monsieur A., agissant comme caution solidaire de Madame M. et afin de garantir la dette de cette dernière, a affecté à titre de nantissement de premier rang et sans concurrence le fonds de commerce de son bar « SAXO ».

Le 4 mai 1998, Monsieur Q. a par ailleurs obtenu un certificat de nantissement par le greffe du Tribunal.

Le 28 mars 2001, le Tribunal a ordonné la réalisation du nantissement du fonds de créance donnée en garantie par Monsieur A. puisque Madame M. n’avait pas payé l’intégralité de sa dette. Il convient de préciser que cette décision est devenue définitive par l’obtention d’un certificat de non-appel datant du 26 avril 2002.

Monsieur Q. a dès lors fait pratiquer une saisie conservatoire sur les biens formant le fonds de commerce.

Toutefois, la Société M. est intervenue et a déclaré qu’elle était en réalité propriétaire du fonds de commerce en question. Elle a obtenu du juge des référés que celui-ci ordonne la mainlevée de la saisie conservatoire, et ce le 22 novembre 2002. Le juge des référés a estimé que la Société M. n’était pas débitrice de Monsieur Q.

Monsieur Q. considère que son droit de suite lui permet de pratiquer une saisie conservatoire sur les biens formant le fonds de commerce, quand bien même ce dernier aurait fait l’objet d’une aliénation par la suite.

La Société M. considère quant à elle que son fonds de commerce est distinct de celui de Monsieur A., ce dernier ayant cessé ses activités en décembre 1996 et la Société M. ayant été créée en août 2002. Elle précise qu’aucun acte de cession du fonds de commerce n’est intervenu conformément à l’article 152 de l’Acte uniforme révisé portant sur le droit commercial général (ci-après : AUDCG)2.

La Société M. fait également savoir que le nantissement est nul puisqu’il n’a pas fait l’objet de la mesure d’enregistrement obligatoire au registre des nantissements du greffe du Tribunal.

Monsieur Q. a répliqué que le fonds de commerce appartenant à Monsieur A. a été cédé à Monsieur L. qui l’a ensuite renommé. Monsieur L. l’a ensuite cédé à Monsieur P., qui est l’actuel propriétaire du fonds de commerce en question.

Décision

Conformément à son droit de suite, un créancier peut exercer ses droits sur le fonds de commerce, même si ce dernier a changé de mains. La Cour estime toutefois qu’en l’espèce Monsieur Q. n’a pas apporté la preuve que le fonds de commerce constitué par la Société M. le 09 août 2001 est bien le même fonds de commerce « SAXO » qui appartenait à Monsieur A.

Afin de prouver l’existence d’une cession de fonds de commerce, il est nécessaire qu’un acte de cession ait été établi conformément à l’article 149 AUDCG3.

Pour cette raison, la Cour estime que c’est à bon droit que les premiers juges ont prononcé la nullité de la saisie conservatoire pratiquée sur les biens du fonds de commerce appartenant à la Société M. La Cour confirme ainsi la première décision.

Bon à savoir

L’article 149 de l’Acte uniforme révisé portant sur le droit commercial général prévoit que la vente d’un fonds de commerce peut être réalisée soit par acte sous seing privé soit par acte authentique.  

Toute cession de fonds de commerce doit respecter des conditions de fond, des conditions de forme et des conditions de publicité. Concernant les conditions de forme, il convient notamment de citer l’article 150 AUDCG, ce dernier faisant la liste des mentions que doit obligatoirement contenir tout acte de vente de fonds de commerce4. En cas de non-respect de cette obligation, l’acquéreur, et seulement ce dernier, peut demander la nullité de la cession5.

Les exigences de publicité sont au nombre de deux. Soit le vendeur soit l’acheteur doit, d’une part, déposer une copie certifiée conforme de l’acte de cession au  Registre du commerce et du crédit mobilier. L’acquéreur doit, d’autre part, faire publier l’acte de cession, sous forme d’avis, dans un journal habilité à publier des annonces légales et paraissant dans le lieu où le vendeur est inscrit au registre du commerce et du crédit mobilier6.

Quant aux obligations des parties, le vendeur doit délivrer la chose ainsi que garantir celle-ci contre les vices cachés, contre les évictions par les tiers mais également contre les propres faits du vendeur. C’est pourquoi ce dernier a une obligation de non-concurrence et de non-rétablissement7.  L’acquéreur doit, quant à lui, payer le prix et de prendre livraison du fonds.

 

Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque. 

____________________  

1. Cour d’appel d’Abidjan, arrêt n°206 du 25 février 2003, www.ohada.com, Ohada J-05-175.

2. Ancien article 120 de l’Acte uniforme relatif au droit commercial général.

3. Ancien article 117 de l’Acte uniforme relatif au droit commercial général.

4. Voy. S. Kuate Tameghe, « Hypothèses sur le dol de la cession du fonds de commerce : réflexions à partir du droit issu du Traité OHADA », site d'information www.ohada.com, p. 3 et suiv.

5. Cour d'Appel d'Abidjan, Arrêt du 22 juillet 2005, Arrêt n° 820, Affaire : M. WAFO DZUMGNG RAOUL c/ Mme SYLLA AWA, www.ohada.com, J-09-209.

6. Articles 152 et 153 de l’Acte uniforme révisé portant sur le droit commercial général.

7. Article 155 de l’Acte uniforme révisé portant sur le droit commercial général.