
Les saisies conservatoires
La saisie conservatoire des creances
L’Acte uniforme prévoit, en ses articles 77 à 84, les règles applicables à la saisie conservatoire des créances.
Cette saisie conservatoire des créances est une innovation prévue par l’Acte uniforme et un prélude à la saisie attribution.34
La saisie conservatoire des créances peut être définie comme étant une mesure permettant à une personne qui se prétend créancière de la personne qu’elle désigne comme débiteur, de saisir, afin de les rendre indisponibles, les créances dont ce débiteur est lui-même titulaire à l’encontre de son propre débiteur. 35
Trois personnes interviennent donc dans le cadre de la saisie conservatoire des créances : le créancier saisissant, le débiteur saisi et le tiers saisi. Ce dernier est en réalité une personne qui détient des sommes d’argent dues au débiteur saisi.36
Ainsi, pour débuter les opérations de saisie, l’huissier de justice ou l'agent d'exécution doit signifier l’acte de saisie au tiers, et ce, en respectant les dispositions des articles 54 et 55 de l’Acte uniforme.
Cet acte de saisie contient, à peine de nullité37 :
1°) l'énonciation des noms, prénoms et domiciles du débiteur et du créancier saisissant ou, s'il s'agit de personnes morales, leurs dénomination, forme et siège social ;
2°) l'élection de domicile dans le ressort territorial juridictionnel où doit être pratiquée la saisie si le créancier n'y demeure pas ; il peut être fait, à ce domicile élu, toute signification ou offre ;
3°) l'indication de l'autorisation de la juridiction ou du titre en vertu duquel la saisie est pratiquée ;
4°) le décompte des sommes pour lesquelles la saisie est pratiquée ;
5°) la défense faite au tiers de disposer des sommes réclamées dans la limite de ce qu'il doit au débiteur ;
6°) la reproduction des dispositions du 2ème alinéa de l'article 36 et de celles de l'article 156.
Lorsque cet acte a été valablement et régulièrement signifié, il emporte des conséquences à l’égard du débiteur. Toute d’abord, la saisie vaut consignation des sommes devenues indisponibles.38
En outre, à défaut d'accord amiable, tout intéressé peut demander, par requête, que les sommes saisies soient consignées entre les mains d'un séquestre désigné par la juridiction du domicile ou du lieu où demeure le débiteur.39
Après avoir signifié l’acte de saisie au tiers, il y a lieu de dénoncer ladite saisie au débiteur.
Par conséquent, dans un délai de huit jours, à peine de caducité, la saisie conservatoire est portée à la connaissance du débiteur par acte d'huissier ou d'agent d'exécution.
Cet acte contient, à peine de nullité 40:
1°) une copie de l'autorisation de la juridiction ou du titre en vertu duquel la saisie a été pratiquée ;
2°) une copie du procès-verbal de saisie ;
3°) la mention, en caractères très apparents, du droit qui appartient au débiteur, si les conditions de validité de la saisie ne sont pas réunies, d'en demander la mainlevée à la juridiction du lieu de son domicile ;
4°) la désignation de la juridiction devant laquelle seront portées les autres contestations, notamment celles relatives à l'exécution de la saisie ;41
5°) la reproduction des dispositions des articles 62 et 63 de l’Acte uniforme.
Il est important de souligner que le délai de huit jours commence à courir à compter de la signification de la saisie au tiers saisi.
Cet acte, dénommé la dénonciation de la saisie faite au débiteur, a tout son sens étant donné qu’il permet au débiteur saisi de soit prendre acte des diligences du créancier saisissant, soit de contester la saisie.
Il faut également précisé que le tiers saisi est tenu de fournir, à l'huissier ou à l'agent d'exécution, l'étendue de ses obligations à l'égard du débiteur ainsi que les modalités qui pourraient les affecter et, s'il y a lieu, les cessions de créances, délégations ou saisies antérieures. Lesdits renseignements sont mentionnés dans le procès-verbal.
Le tiers saisi qui, sans motif légitime, ne fournit pas les renseignements prévus, s'expose à devoir payer les sommes pour lesquelles la saisie a été pratiquée si celle-ci est convertie en saisie attribution, sauf son recours contre le débiteur.42
Le tiers-saisi peut aussi être condamné à des dommages-intérêts en cas de négligence fautive ou de déclaration inexacte ou mensongère.
A défaut de contestation des déclarations du tiers avant l'acte de conversion, celles-ci sont réputées exactes pour les seuls besoins de la saisie.
Si le débiteur saisi paie le créancier saisissant après la signification de l’acte de dénonciation, la saisie s’arrête et le débiteur pourra demander la mainlevée de la saisie.
A contrario, si le débiteur saisi ne paie pas le créancier, la procédure de saisie va continuer. Dans ce cas, le créancier devra solliciter dans le mois de la saisie, un titre exécutoire, et ce, peine de caducité.43
Dès que le créancier obtient le titre exécutoire constatant l’existence de sa créance, il devra signifier au tiers un acte de conversion. Le but étant de convertir la saisie conservatoire des créances en une saisie attribution.44
Le contenu de cet acte de conversion doit contenir, à peine de nullité :45
1°) les noms, prénoms et domiciles du saisi et du saisissant ou, s'il s'agit de personnes morales, leurs forme, dénomination et siège social ;
2°) la référence au procès-verbal de saisie conservatoire ;
3°) la copie du titre exécutoire sauf si celui-ci a déjà été communiqué lors de la signification du procès-verbal de saisie, auquel cas il est seulement mentionné ;
4°) le décompte distinct des sommes dues en principal, frais et intérêts échus ainsi que l'indication du taux des intérêts ;
5°) une demande de paiement des sommes précédemment indiquées à concurrence de celles dont le tiers s'est reconnu ou a été déclaré débiteur.46
A compter de cette signification, le débiteur dispose d'un délai de quinze jours pour contester l'acte de conversion devant la juridiction de son domicile ou du lieu où il demeure.47
En l'absence de contestation, le tiers effectue le paiement au créancier ou à son mandataire, sur présentation d'un certificat du greffe attestant l'absence de contestation.
Le paiement peut intervenir avant l'expiration de ce délai si le débiteur a déclaré par écrit ne pas contester l'acte de conversion.48
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34. Voyez : P.G. Pougoué et F. Teppi Kolloko, La saisie attribution des créances OHADA, PUA, coll. Vade-Mecum, 2005.
35. Cl. BRENNER et P. CROCQ (dir.), Lamy droit de l’exécution forcée, 2008, n° 260-95.
36. CCJA 3 mai 2002, n°584, janvier-juin 2005, p. 56 et suivantes.
37. Article 77 AUPSRVE.
38. Article 57 alinéa 1er AUPSRVE.
39. Article 78 AUPSRVE.
40. Article 79 AUPSRVE.
41. Cour d'Appel de Lomé, Arrêt du 18/08/2009, www.ohada.com, Ohadata J-10-178.
42. Article 81 AUSPRVE.
43. P-G POUGOUE et R. NJEUFACK TEMGWA, Saisies et mesures conservatoires de droit OHADA, Vademecum, Presses Universitaires d’Afrique, 2015, p. 83 et suivantes.
44. A. MOUDJAHIDI, « La conversion de la saisie conservatoire en saisie exécutoire : fin de l'assignation en validité », www.ohada.com, Ohadata D-14-17.
45. Article 82 AUPSRVE.
46. Cour d'Appel du Littoral, Arrêt N°07/REF du 11 octobre 2006, www.ohada.com, Ohadata J-07-171.
47. Civ 2e , 8 décembre 2011, publié au Bulletin, RTD com n°2, avril/juin 2012, p. 377-378, obs. R. Perrot. ; Tribunal de première instance de Bafoussam, Ordonnance de référé n° 3 du 17 octobre 2003, www.ohada.com, Ohadata J-05-12.
48. Article 83 AUPSRVE ; Tribunal de première instance de Bafoussam, 17 octobre 2003, www.ohada.com, J-05-12.