
La société anonyme
Les titres de la societe anonyme et leur transfert
Etant une société de capitaux, le financement de la société anonyme est assuré par des investisseurs, qui deviennent alors titulaires de valeurs mobilières constituant des titres négociables représentatifs de créances sur la société 70.
Deux catégories principales de valeurs mobilières sont visées par le législateur OHADA, à savoir, d’une part, les actions et, d’autre part, les obligations 71.
Le premier moyen de financement auquel peut avoir recours la société anonyme est l’émission d’actions. Par actions, il y a lieu d’entendre les titres négociables représentant les apports effectués par les actionnaires de la société. Ces titres représentent la même part du capital social (soit chacun au minimum 10.000 francs CFA 72) et confèrent les mêmes droits et obligations aux actionnaires 73.
L’Acte uniforme envisage différentes catégories d’actions, à savoir les actions en numéraire, et d’apport 74, les actions au porteur et nominatives, les actions ordinaires et de priorité, ainsi que les actions de capital et de jouissance 75.
L’Acte uniforme précise quels sont les droits et obligations attachés aux actions 76. Il s’agit, pour l’essentiel, de droits « politiques » que l’actionnaire exerce notamment en participant et en votant aux assemblées générales, « financiers » qui traduisent son intention de faire fructifier son investissement et enfin « patrimoniaux », qui lui permettent de gérer sa participation dans le capital social en demeurant actionnaires ou en cédant ses titres 77.78
Les droits attachés aux actions ne pourront toutefois être exercés que pour autant que l’actionnaire libère les actions qu’il a souscrites 79.
Enfin, les actions sont des titres librement cessibles et négociables 80. Toutefois, si les actions émises sont toutes nominatives, peuvent être prévues, dans les statuts ou dans une convention d’actionnaires, certaines clauses qui assujettissent ces cessions à des restrictions, telles que des clauses d'inaliénabilité, d'agrément ou de préemption 81. Ces clauses ont pour but d'éviter qu'un tiers indésirable, par exemple un concurrent, ne s'introduise dans le capital social 82.
Elles doivent être limitées dans le temps et justifiées par un motif sérieux et légitime à tout moment. Par ailleurs, lorsque la limitation résulte d'une clause d’inaliénabilité, l'application de la clause ne peut aboutir à ce que l'incessibilité soit prolongée plus de dix ans 83.
La clause d'agrément est celle qui oblige l'actionnaire voulant céder ses titres à obtenir l'autorisation préalable d'un organe de la société (généralement le conseil d'administration) ou d'un tiers sur la personne du candidat cessionnaire.
La clause de préemption oblige, quant à elle, l'actionnaire voulant céder ses titres à les proposer d'abord aux bénéficiaires désignés dans la clause, à savoir généralement des actionnaires existants mais, il peut également s'agir de tiers.
Enfin, la clause d'inaliénabilité ou d'incessibilité interdit à un actionnaire de céder les titres qu'il détient pendant une certaine période 84.
L’émission d’obligations constitue également une source de financement de la société anonyme, dès lors que celle-ci justifie de deux années d’existence au moins et qu’elle ait établi deux ans de bilans comptables approuvés par ses actionnaires 85. Par ailleurs, pour que la société anonyme puisse émettre des obligations, son capital social doit avoir été entièrement libéré 86. En effet, dans le cas contraire, la société ayant besoin d’argent devrait s’adresser en premier lieu à ses actionnaires, alors qu’ils se sont engagés à la financer 87.
Sous leur forme la plus classique, les obligations sont des « titres de créance négociables qui donnent droit à un intérêt fixe et au remboursement du seul capital versé ». Ils confèrent les mêmes droits de créance pour une valeur nominale identique 88.
A côté des obligations classiques, il est possible d’émettre d’autres obligations, telles que les obligations convertibles en actions, les obligations à bon de souscription d’actions ou encore les obligations remboursables ou échangeables en actions 89.
Quant à la forme, la décision d’émettre des obligations est prise de l’assemblée générale des actionnaires. La détermination de l’assemblée compétente dépend de la nature des obligations à créer 90. En cas d’émission d’obligations simples, compétence est accordée à l’assemblée générale ordinaire. Par contre, c’est l’assemblée générale extraordinaire qui est habilitée à décider de l’émission d’obligations échangeables ou convertibles en actions. L’assemblée dispose toutefois d’une possibilité de déléguer au conseil d’administration ou à l’administrateur général, selon le cas, les pouvoirs nécessaires pour réaliser, dans un délai de deux ans, l’émission d’obligations en une ou plusieurs fois 91.
Les obligations peuvent être nominatives ou au porteur et ont généralement une valeur nominale de 10.000 francs. Contrairement aux actions, elles peuvent être émises au-dessous du pair comptable pour attirer les souscripteurs 92.
Par ailleurs, le paiement des intérêts et le remboursement des obligations en principal peuvent être garantis par une sûreté réelle ou personnelle, la décision étant prise par l’assemblée générale des actionnaires 93.
Des droits sont enfin attachés aux obligations. En effet, les obligataires peuvent obtenir copie des documents sociaux fournis aux actionnaires et participer aux assemblées de ceux-ci, sans toutefois avoir la possibilité de voter. Ils ne peuvent en effet s’immiscer dans la gestion de la société 94.
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70. Articles 744 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique.
71. B. LE BARS, Droit des sociétés et de l’arbitrage international. Pratique en droit de l’Ohada, Joly, Paris, 2011, p. 218.
72. Articles 750 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique.
73. B. LE BARS et B. MARTOR, « Management et financement de la société anonyme », Ohadata D-12-62, www.ohada.com
74. Articles 748 et 749 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique.
75. F. ANOUHAKA, « Les sociétés de personnes », in Sociétés commerciales et G.I.E., Bruxelles, Bruylant, 2002, p. 459.
76. Article 751 et suivants de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique.
77. Voy. à cet égard M. COZIAN, A. VIANDIER et Fl. DEBOISSY, Droit des sociétés, Litec, 22 éd., 2009, pp. 269 et s.
78. B. LE BARS et B. MARTOR, « Management et financement de la société anonyme », Ohadata D-12-62, www.ohada.com
79. F. ANOUHAKA, « Les sociétés de personnes », in Sociétés commerciales et G.I.E., Bruxelles, Bruylant, 2002, p. 469.
80. Article 764 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique.
81. Article 765 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique ; B. LE BARS, Droit des sociétés et de l’arbitrage international. Pratique en droit de l’Ohada, Joly, Paris, 2011, pp. 193-194.
82. B. LE BARS et B. MARTOR, « Management et financement de la société anonyme », Ohadata D-12-62, www.ohada.com
83. Article 765-1 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique.
84. B. LE BARS et B. MARTOR, « Management et financement de la société anonyme », Ohadata D-12-62, www.ohada.com
85. Article 780 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique.
86. Article 781 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique.
87. F. ANOUHAKA, « Les sociétés de personnes », in Sociétés commerciales et G.I.E., Bruxelles, Bruylant, 2002, p. 472.
88. Article 779 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique.
89. B. LE BARS et B. MARTOR, « Management et financement de la société anonyme », Ohadata D-12-62, www.ohada.com
90. F. ANOUHAKA, « Les sociétés de personnes », in Sociétés commerciales et G.I.E., Bruxelles, Bruylant, 2002, p. 472.
91. Article 783 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique.
92. F. ANOUHAKA, « Les sociétés de personnes », in Sociétés commerciales et G.I.E., Bruxelles, Bruylant, 2002, p. 473.
93. B. LE BARS et B. MARTOR, « Management et financement de la société anonyme », Ohadata D-12-62, www.ohada.com
94. B. LE BARS, Droit des sociétés et de l’arbitrage international. Pratique en droit de l’Ohada, Joly, Paris, 2011, p. 225.