
Le nantissement de meubles incorporels
Le nantissement de fonds de commerce
Le nantissement de fonds de commerce peut être défini comme la convention par laquelle le constituant affecte en garantie d’une obligation, les éléments incorporels constitutifs du fonds de commerce, à savoir la clientèle et l’enseigne ou le nom commercial 68.
Constitué d’un ensemble de biens meubles incorporels affecté à des activités commerciales 69, le fonds de commerce peut être l’objet d’un nantissement conventionnel ou judiciaire 70. Le nantissement judiciaire résultant de la volonté du juge 71, seules seront ici analysées les conditions de constitution du nantissement conventionnel du fonds de commerce qui requièrent, pour sa validité, le respect de conditions de fond, de forme et d’opposabilité.
Le nantissement de fonds de commerce doit, pour être valablement constitué, respecter des conditions de fond. Celles-ci ont trait à son assiette, à la créance garantie et au fonds nanti.
Le nantissement de fonds de commerce porte tout d’abord sur les éléments incorporels constitutifs du fonds de commerce, c’est-à-dire la clientèle et l’enseigne ou le nom commercial.
Cette assiette minimale est susceptible d’être étendue à tout autre élément incorporel et au matériel professionnel. Sont, par contre, exclus les actifs immobiliers et les stocks et marchandises 72.
Concernant la créance garantie, il y a lieu de préciser que le nantissement de fonds de commerce est accessoire à une créance, de sorte que l’inexistence ou la nullité de la créance garantie entraine la nullité du nantissement. A contrario, l’origine de la créance importe peu, de même que la date de sa naissance 73.
En ce qui concerne le fonds nanti, si celui-comprend des succursales qui sont comprises dans l’assiette du nantissement, elles doivent être désignées par l’indication précise de leur siège 74.
Outre ces conditions de fond, le nantissement de fonds de commerce est soumis à une exigence de forme : l’écrit. Cet écrit doit comporter, à peine de nullité :
- La désignation du créancier, du débiteur et du constituant du nantissement si ce dernier n'est pas le débiteur 75 ;
- La désignation précise et le siège du fonds et, s'il y a lieu, de ses succursales ;
- Les éléments du fonds nanti ;
- Les éléments permettant l'individualisation de la créance garantie tels que son montant ou son évaluation, sa durée et son échéance 76.
Les mentions obligatoires que doit comprendre l’acte de nantissement de fonds de commerce ont été allégées par la nouvelle version de l’Acte uniforme qui les a limitées à la désignation des parties, du fonds, des éléments du fonds nanti et de la créance nantie 77.
Enfin, l’opposabilité du nantissement de fonds de commerce est réalisée par son inscription au RCCM 78. A cet égard, mention sera faite, dans le formulaire de demande d’inscription, du numéro d’immatriculation ou de la déclaration d’activité de la personne physique ou morale propriétaire ou exploitant du fonds de commerce. 79
Par ailleurs, le nantissement de fonds de commerce est soumis à des règles de publicité, contenues aux articles 170 à 173 de l’Acte portant organisation des sûretés.
Il doit tout d’abord satisfaire aux règles particulières de publicité relatives aux droits de propriété intellectuelle et au nantissement de matériel professionnel, lorsque de tels biens sont compris dans l’assiette du nantissement de fonds de commerce 80.
Dans l’hypothèse où le nantissement de fonds de commerce comporte des succursales, l’inscription au RCCM doit être réalisée dans le RCCM où est principalement immatriculé le fonds et non dans ceux du ressort des succursales 81.
Le créancier nanti doit, en outre, notifier l’inscription au RCCM du nantissement au bailleur de l’immeuble où est exploité le fonds, afin de pouvoir bénéficier des règles protectrices de notification préalable de toute demande de résiliation par le bailleur de l’immeuble en question 82.
Concernant les effets du nantissement de fonds de commerce, il y a lieu de souligner que ce dernier vise à garantir le principal et deux années d’intérêts, sauf stipulation contraire, pendant une durée librement convenue par les parties sans pouvoir être supérieure à dix années.
Le nantissement, une fois inscrit au RCCM, confère au créancier nanti :
- Un droit de suite sur le fonds de commerce, qui pourra être exercé sans que le créancier n’ait besoin de faire opposition au paiement du prix de cession du fonds 83 ou même de déclarer sa créance en cas de redressement judiciaire de l’acquéreur 84 ;
- Un droit de réalisation limité à la possibilité de faire procéder à la vente forcée du fonds de commerce ; et,
- Un droit de préférence sur le prix de revente, s’exerçant conformément à l’ordre de paiement organisé par l’article 226 de l’Acte uniforme révisé portant organisation des sûretés.
A ces droits, s’ajoutent d’autres droits plus spécifiques, que sont le droit de surenchère et les droits à l’information.
En cas de cession du fonds de commerce, le créancier nanti dispose, en effet, d’un droit de surenchère du sixième du prix global du fonds de commerce figurant à l’acte de vente, exercé selon les articles 163 et suivants de l’AUDCG. Le créancier nanti a, pour exercer son droit, un délai d’un mois à dater de la publication de la vente dans un journal habilité à recevoir les annonces légales 85.
Le créancier nanti sera également informé de certains évènements par le propriétaire du fonds, et ce, afin de garantir l’efficacité de son droit de suite. Il sera ainsi averti du déplacement du fonds, de la résiliation du bail commercial et de la résolution de la vente 86.
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68. Article 162 de l’Acte uniforme révisé portant organisation des sûretés.
69. Y. GUYON, « Droit des affaires », in t. 1 : Droit commercial général et sociétés, 9ème éd., Economica, Paris, 1996, p. 671, n°643.
70. Article 125 de l’Acte uniforme révisé portant organisation des sûretés.
71. Article 164 de l’Acte uniforme révisé portant organisation des sûretés.
72. A. MARCEAU-COTTE, « Les nantissements des autres meubles incorporels », in Le nouvel acte uniforme portant organisation des sûretés, Rueil-Malmaison (France), Ed. Lamy, 2012, pp. 255-256.
73. Ibid., pp. 256-257.
74. Article 162, alinéa 5 de l’Acte uniforme révisé portant organisation des sûretés.
75. Il faut déduire de cette disposition que le débiteur, pour autant que le propriétaire consente, peut donner en nantissement un fonds de commerce qui ne lui appartient pas (F. ANOUKAHA, « Le nantissement du fonds de commerce et le privilège du vendeur », in OHADA. Sûretés, Bruxelles, Bruylant, 2002, p. 109) ; Contra : A. FENEON et J.R. GOMEZ, Droit commercial général, Paris, éd. Edicef/FFA, 1999, p. 43.
76. Article 163 de l’Acte uniforme révisé portant organisation des sûretés.
77. A. MARCEAU-COTTE, « Les nantissements des autres meubles incorporels », in Le nouvel acte uniforme portant organisation des sûretés, Rueil-Malmaison (France), Ed. Lamy, 2012, p. 257.
78. Article 165 de l’Acte uniforme révisé portant organisation des sûretés.
79. A. MARCEAU-COTTE, « Les nantissements des autres meubles incorporels », in Le nouvel acte uniforme portant organisation des sûretés, Rueil-Malmaison (France), Ed. Lamy, 2012, p. 258.
80. Article 170 de l’Acte uniforme révisé portant organisation des sûretés.
81. Article 171 de l’Acte uniforme révisé portant organisation des sûretés.
82. Article 172 de l’Acte uniforme révisé portant organisation des sûretés.
83. Cass. com., 25 janvier 2000, n°97-19.214, RjDA, 2000, n° 482.
84. Cass. com., 17 décembre 2002, no 99-20-.928, Bull. civ., IV, no 195, JCP E, 2003, p. 1440, note KEITA; RTD com., 2003, p. 365, obs. A. MARTIN-SERF; DR. & Pat., 2003, n°116, p. 99, obs. M.-H MONSERIE-BON.
85. Article 177 de l’Acte uniforme révisé portant organisation des sûretés.
86. Voy. les articles 168, 175 et 176 de l’Acte uniforme révisé portant organisation des sûretés.