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Actualités du droit belge

DROIT DES SURETES

Nantissement

21 Octobre 2015

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Le nantissement de meubles incorporels

Le nantissement des droits d associes et valeurs mobilieres

Nommé « nantissement des droits sociaux et des valeurs mobilières » sous l’empire de l’ancienne version de l’Acte uniforme, le nantissement des droits d’associés et valeurs mobilières est régi par les articles 140 à 145 de l’Acte uniforme révisé portant organisation des sûretés. Il constitue le droit commun des sûretés portant sur les titres non dématérialisés ou inscrits en compte 31.

La constitution de ce type de nantissement requiert la réunion de plusieurs conditions. Par souci méthodologique, nous les classerons en trois groupes : les conditions de fond, les conditions de forme et les conditions d’opposabilité. 

Concernant les conditions de fond tout d’abord, le nantissement des droits d’associés et valeurs mobilières est soumis, comme toute convention, aux conditions de droit commun de validité des conventions. Il convient donc de vérifier que les parties sont bien capables juridiquement de conclure un nantissement, sous peine de le voir annulé pour vice de consentement 32.

Le nantissement des droits d’associés et valeurs mobilières, qu’il soit conventionnel ou judiciaire, porte uniquement sur les droits d’associés et valeurs mobilières des sociétés commerciales et sur ceux cessibles de toute autre personne morale assujettie à l’immatriculation au RCCM 33.

La liste des sociétés commerciales est aisée à obtenir, dans la mesure où l’Acte uniforme relatif aux sociétés commerciales et au groupement d’intérêt économique les énumère. Sont ainsi des sociétés commerciales : les sociétés en nom collectif, les sociétés en commandite simple, les sociétés à responsabilité limitée, les sociétés anonymes et le groupement d’intérêt économique 34.

Par contre, la tâche se complexifie s’agissant des personnes morales assujetties à immatriculation au RCCM, dans la mesure où cette inscription est ouverte à toutes personnes morales soumises par des dispositions légales à l’immatriculation 35. Tombent ainsi dans le champ d’application de cette sûreté : les droits d’associés des sociétés civiles, mais également les titres émis par toute autre catégorie de personne morale soumise par une loi nationale à pareille inscription 36.

Eu égard à ces considérations, peuvent donc faire l’objet d’un nantissement des droits d’associés et valeurs mobilières :

- Les droits d’associés, soit les actions des sociétés anonymes ou les parties sociales des sociétés en nom collectif, en commandite simple et à responsabilité limitée ;

- Les valeurs mobilières 37, à savoir les titres négociables qui confèrent des droits semblables par catégorie et qui donnent droit, directement ou indirectement, à une quotité du capital social d’une personne moral ou à un droit de créance sur une personne morale immatriculée au RCCM.

Outre ces conditions de fond, le nantissement des droits d’associés et valeurs mobilières est, peu importe qu’il soit conventionnel ou judicaire 38, soumis une condition de forme requise à peine de nullité : l’écrit. Cet écrit constitue, pour le nantissement conventionnel, la convention conclue entre les parties et, pour le nantissement judiciaire, la décision de justice rendue à la requête du créancier conformément aux dispositions relatives à la saisie conservatoire des droits d’associés et des valeurs mobilières organisée par les articles 85 à 90 de l’AUPSRVE 39.

Conformément aux termes de l’article 141 de l’AUS révisé, cet écrit devra comporter les mentions suivantes :

- La désignation du créancier, du débiteur et du constituant du nantissement si ce dernier n’est pas le débiteur ;

- Le siège social et le numéro d’immatriculation au Registre du Commerce et du Crédit Mobilier (RCCM) de la personne morale émettrice des droits d’associés et valeurs mobilières ;

- Le nombre ou le moyen de déterminer celui-ci et, le cas échéant, le numéro des titres nantis ;

- Les éléments permettant l’individualisation de la créance garantie, tels que son montant ou son évaluation, sa durée ou son échéance 40.

Ces mentions obligatoires ont été ainsi limitées par la nouvelle version de l’Acte uniforme portant organisation des sûretés aux informations indispensables relatives à la nature et à l’efficacité du nantissement 41.

Enfin, pour être opposable aux tiers, le nantissement des droits d’associés et valeurs mobilières doit faire l’objet d’une inscription au RCCM, dans la mesure et selon les conditions énoncées aux articles 51 à 66 de l’Acte uniforme révisé portant organisation des sûretés.

Le RCCM compétent pour recevoir l’inscription est celui dans le ressort duquel est immatriculée la personne morale émettrice du titre nanti 42.

La durée de validité de l’inscription, et donc celle de l’opposabilité du nantissement aux tiers, est fixée librement par les parties, dans la limite de dix ans, et sans préjudice d’un éventuel renouvellement 43.

L’inscription d’un nantissement au RCCM garantit l’intégralité du principal et deux années d’intérêts. L’acte constitutif du nantissement peut toutefois prévoir que l’inscription garantira toute créance accessoire au principal 44.

Outre cette inscription, le nantissement conventionnel ou judiciaire peut être signifié ou notifié à la société commerciale ou à la personne morale émettrice des droits d’associés et valeurs mobilières ou des titres constatant les droits des associés 45. La signification du nantissement à la société émettrice des titres apportés en nantissement ne doit plus être considérée comme une obligation, mais comme une faculté, contrairement à ce qui était prévu par l’ancien Acte uniforme portant organisation des sûretés 46.

L’Acte uniforme révisé relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique prend le relais de l’article 143 de l’Acte uniforme révisé portant organisation des sûretés, dans ses articles 322 pour les SPRL et 772 et 773 pour les SA47. Des dispositions particulières 48 sont prévues pour le nantissement de valeurs mobilières émises par les SA (faisant ou non appel public à l’épargne), c’est-à-dire les actions et obligations émises par elles 49.

En pratique, les parties conviendront le plus souvent de limiter la notification ou la signification du nantissement à la société émettrice des titres, aux cas requis par l’AUSC.

Enfin, concernant les effets du nantissement des droits d’associés et valeurs mobilières, il y a lieu de préciser que celui-ci confère au créancier nanti un droit de suite et un droit de réalisation, ainsi qu’un droit de préférence 50. Les parties disposent en outre de la faculté de prévoir que le créancier nanti percevra les fruits des droits sociaux et valeurs mobilières 51.

________________ 

31. A. MARCEAU-COTTE, « Les nantissements des autres meubles incorporels », in Le nouvel acte uniforme portant organisation des sûretés, Rueil-Malmaison (France), Ed. Lamy, 2012, pp. 239-240.

32. Ibid., p. 240.

33. A. MARCEAU-COTTE, « Les nantissements des autres meubles incorporels », in Le nouvel acte uniforme portant organisation des sûretés, Rueil-Malmaison (France), Ed. Lamy, 2012, p. 240.

34. Voy. l’Acte uniforme révisé relatif aux sociétés commerciales et au groupement d’intérêt économique.

35. Article 46  de l’AUDCG.

36. A. MARCEAU-COTTE, « Les nantissements des autres meubles incorporels », in Le nouvel acte uniforme portant organisation des sûretés, Rueil-Malmaison (France), Ed. Lamy, 2012, p. 240.

37. Sur la notion de valeur mobilière en droit OHADA, voy. I. NDIAYE, « La notion de valeur mobilière après l’adoption des actes uniformes pris en application du traité de l’OHADA », EDJA, n°38, www.ohada.com,  Ohadata D-06-43.

38. Article 142 de l’Acte uniforme révisé portant organisation des sûretés.

39. Voy. également les dispositions du droit commun des saisies conservatoires (articles 54 et s. AUVE) et les dispositions relatives à la saisie vente (articles 236  à 245 AUVE).

40. Article 141 de l’Acte uniforme révisé portant organisation des sûretés.

41. A. MARCEAU-COTTE, « Les nantissements des autres meubles incorporels », in Le nouvel acte uniforme portant organisation des sûretés, Rueil-Malmaison (France), Ed. Lamy, 2012, p. 242.

42. Article 52 de l’Acte uniforme révisé portant organisation des sûretés.

43. A. MARCEAU-COTTE, « Les nantissements des autres meubles incorporels », in Le nouvel acte uniforme portant organisation des sûretés, Rueil-Malmaison (France), Ed. Lamy, 2012, p. 243.

44. Article 58, alinéa 4 de l’Acte uniforme révisé portant organisation des sûretés.

45. Article 143, alinéa 3 de l’Acte uniforme révisé portant organisation des sûretés.

46. J. ISSA-SAYEGH, « Le nantissement des droits sociaux et des valeurs mobilières », in OHADA. Sûretés, Bruxelles, Bruylant, 2002, p. 140.

47. Sur les commentaires de ces dispositions, voy. notamment X., « Droit des sociétés commerciales et du GIE », in Commentaires, EDICEF/Editions FFA, articles 322, 747, 772 et 773 ; O. SAMBE et M. DIALLO, Guide pratique des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique, nos 1345 à 1348 et 1789, Editions comptables et juridiques, Le Praticien ; Memento, Droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique, 1998, Price Waterhouse Coopers, nos 481, 962 et s.

48. Article 747 de l’Acte uniforme révisé relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique.

49. En ce sens, voir X, « Droit des sociétés commerciales et du GIE », Commentaires, EDICEF/Editions FFA, article 747.

50. Article 144 de l’Acte uniforme révisé portant organisation des sûretés.

51. A. MARCEAU-COTTE, « Les nantissements des autres meubles incorporels », in Le nouvel acte uniforme portant organisation des sûretés, Rueil-Malmaison (France), Ed. Lamy, 2012, p. 244.