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ARBITRAGE

LA SENTENCE ARBITRALE ET LES VOIES DE RECOURS

25 Octobre 2016

Cour Commune de Justice et d’Arbitrage - Articles 15 et 26-3 AUA

Présentation des faits1

Dans les faits, une « convention de cession de titres » a été conclue à Abidjan le 16 février 1998. 

Les actionnaires de la Société de T avaient cédé à la société S la totalité des actions composant le capital social de la  Société de T.  Le prix de cession des actions avait été arrêté à la somme de 8.500.000 francs français, soit 850.000.000 FCFA.

Les parties à la convention avaient décidé de déduire de ce montant, le passif de la société, provisoirement évalué à 3.000.000 francs français soit 300.000.000 de FCFA, de sorte que le prix net d’acquisition des actions s’était élevé à la somme de 5.550.000 francs français soit 550.000.000 FCFA.

En outre, l’article 3.1 de la convention stipulait que « le prix net ainsi que, par voie de conséquence, les échéances stipulées sont susceptibles de variation en fonction de la situation réelle du passif au 28 février 1998, et qu’en cas de variation du passif, celle-ci modifiera en priorité les échéances les plus éloignées ».

Après paiement, les actionnaires ont estimés que la société S restait redevable de la somme de 100.209.189 FCFA car, selon eux, le passif net s’élèvait à la somme de 199.790.811 FCFA.

Les actionnaires ont saisi la Chambre d’Arbitrage de Côte d’Ivoire d’une demande d’arbitrage aux fins de voir condamner S à leur payer la somme de 100.209.189 FCFA à titre de complément de prix, ainsi que des dommages et intérêts pour résistance abusive.

Le tribunal arbitral a fait droit à la demande des actionnaires.  La société S a introduit un recours en annulation contre cette sentence arbitrale, la Cour d’Appel d’Abidjan a rendu, le 27 février 2001, l’arrêt n° 456 dont pourvoi.

Il est reproché à l’arrêt attaqué une violation ou une erreur dans l’application ou l’interprétation de l’article 26 de l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage, en ce que la Cour d’Appel a estimé que les arbitres ne se sont pas conformés à leur mission et qu’en application de l’article 26 de l’Acte uniforme sus indiqué, leur sentence encourt l’annulation, aux motifs que les parties avaient confié aux arbitres une mission d’amiable compositeur et que suivant la jurisprudence de la Cour de Cassation française acceptée par les parties, l’amiable compositeur a l’obligation de confronter les solutions légales à l’équité, à peine de trahir la mission qui lui est confiée.

Décision de la CCJA

La Cour rappelle qu’aux termes des articles 25 alinéa 2 et 35 alinéa 2 de l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage, la sentence arbitrale peut faire l’objet d’un recours en annulation qui doit être porté devant le juge compétent dans l’Etat partie, et l’Acte uniforme n’est applicable qu’aux instances arbitrales nées après son entrée en vigueur.

En l’espèce, c’est bien l’Acte uniforme qui se trouve applicable à l’action engagée par la société S.

Par ailleurs, l’article 10 alinéa 3 de la convention de cession de titres signée par les parties dispose qu’« à défaut de parvenir à (un) accord, le différend sera soumis à la décision définitive de trois arbitres siégeant à Abidjan et qui auront le pouvoir de statuer comme amiables compositeurs ».

Qu’en l’espèce, la Cour constante que les tribunaux ont appliqués des réglementations juridiques.

La Cour considère que les arbitres se sont fondés sur des solutions légales pour régler le différend qui oppose la société S et les actionnaires, et qu'ils n’avaient pas l’obligation, comme le soutient érronnément la société S, de statuer uniquement en amiable compositeur. Les arbitres sont restés dans le cadre de la mission qui leur est confiée.

Par conséquent, la Cour rejette la demande d’annulation de la sentence introduite par la société S.

Bon à savoir

L’article 26 de l’Acte uniforme dispose que « Le recours en annulation n'est recevable que dans les cas suivants : si le Tribunal arbitral a statué sans convention d'arbitrage ou sur une convention nulle ou expirée ; si le Tribunal arbitral a été irrégulièrement composé ou l'arbitre unique irrégulièrement désigné ; si le Tribunal arbitral a statué sans se conformer à la mission qui lui a été confiée ; si le principe du contradictoire n'a pas été respecté ; si le Tribunal arbitral a violé une règle d'ordre public international des Etats signataires du Traité, si la sentence arbitrale n'est pas motivée.

En outre, le tribunal peut écarter l’application de certaines dispositions de la convention entre les parties, dans le cas où elles seraient contraires à l’ordre public.

Par conséquent, le tribunal se doit de rechercher d’abord dans la convention, les éléments de réponse, puis, dans le silence de la convention, il doit rechercher par tous les moyens la volonté des parties et enfin, si cette recherche est infructueuse, il doit appliquer les règles légales.

L’Acte uniforme dispose en son article 15 que les arbitres tranchent le fond du litige conformément aux règles de droit désignées par les parties, ou à défaut, choisies par elles comme les plus appropriées compte tenu des usages du commerce international, ils peuvent encore statuer en amiables compositeurs lorsque les parties leur ont conféré ce pouvoir.

Cela étant, en matière d’amiable composition, on ne peut reprocher aux arbitres qui ont choisi d’appliquer une règle de droit parce qu’ils l’estimaient équitable, d’avoir dépassé leur mission.

Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.

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1. Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA), Arrêt n° 010/2003 du 19 juin 2003 - Pourvoi n° 001-2002-PC du 28 mars 2002 - Audience publique du 19 juin 2003 – Affaire : Epoux DELPECH c/ SOTACI, Revue Camerounaise de l’Arbitrage n° 28 – Janvier - Février - Mars 2005, p. 17, note Me Fénéon.