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ARBITRAGE

LA SENTENCE ARBITRALE ET LES VOIES DE RECOURS

25 Octobre 2016

Cour Commune de Justice et d'Arbitrage - Articles 26 et 35 AUA

Présentation des faits1

Par convention en date du 09 décembre 1999, la société C s’est engagée à construire à Bingerville, pour la société F, un édifice pour un montant total de 500 000 000 FCFA. Elles ont en outre convenu que la société C devait souscrire une police d’assurance destinée à couvrir les éventuels sinistres dans les dix années de la réception de l’ouvrage, laquelle réception a eu lieu le 20 novembre 2001.

Courant septembre 2004, la société F a constaté des malfaçons et a demandé à la société C d’y remédier et, éventuellement, de faire jouer la clause d’assurances.

Ensuite, la société F a contacté directement l’assureur qui lui a  signifié que le contrat d’assurance souscrit avait été résilié pour non-paiement des primes. Elle a alors saisi la juridiction arbitrale, en l’occurrence la Cour d’Arbitrage de Côte d’Ivoire conformément à la convention la liant à la société C, à l’effet de l’entendre condamnée à réparer les préjudices par elle subis du fait de ses manquements.

Une sentence arbitrale a été rendue le 29 avril 2008 par le tribunal arbitral de la CACI qui a condamné la société C à payer à la  société F la somme totale de  46 240 592,52 FCFA en réparation des préjudices subis.

La société C a alors introduit un recours en annulation contre cette sentence arbitrale et la Cour d’appel a relevé la non-conformité dudit recours aux dispositions de l’Acte uniforme relatif au droit de l’Arbitrage et l’a déclaré irrecevable.

La société C a alors introduit un pourvoi devant la CCJA. La société C  reproche à l’arrêt attaqué d’avoir déclaré son recours irrecevable en raison de ce que le motif d’annulation invoqué est fondé non pas sur l’Acte uniforme relatif au droit d’arbitrage mais sur l’article 40 de la loi ivoirienne sur l’arbitrage alors qu’aux termes des dispositions de l’article 10 du Traité relatif à l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires, seules les dispositions contraires de droit interne sont abrogées par les Actes uniformes.

Décision de la CCJA

La Cour rappelle que l’article 10 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique  doit, en ce qui concerne l’arbitrage, être complétée par l’article 35 alinéa 1er de l’Acte uniforme relatif à l’arbitrage qui dispose que « le présent Acte uniforme tient lieu de loi relative à l’arbitrage dans les Etats parties ».

Par conséquent, en se substituant aux lois préexistantes organisant l’arbitrage en droit interne, l’Acte uniforme abroge toutes les lois générales relatives à l’arbitrage ne laissant subsister que les éventuelles normes d’organisation de l’arbitrage institutionnel qui ne lui sont pas contraires.

La Cour précise que le recours en annulation de la sentence arbitrale, régi notamment par l’article 26 dudit Acte uniforme, n’est ouvert que pour les seuls motifs qui y sont limitativement énumérés.

Dès lors, une disposition d’une loi nationale sur l’arbitrage ne peut constituer un fondement juridique pertinent d’un recours en annulation.

La CCJA rejette le pourvoi de la société C.

Bon à savoir

L’article 10 du Traité relatif à l'harmonisation en Afrique du droit des affaires dispose que « Les actes uniformes sont directement applicables et obligatoires dans les Etats Parties, nonobstant toute disposition contraire de droit interne, antérieure ou postérieure. »

Cette disposition doit être complétée en droit de l’arbitrage par l’article 35 de l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage qui prévoit que « Le présent acte uniforme tient lieu de loi relative à l'arbitrage dans les Etats-parties. Celui-ci n'est applicable qu'aux instances arbitrales nées après son entrée en vigueur. »2

Concernant les voies de recours contre une sentence arbitrale, il existe le recours en annulation, le recours en révision et la tierce opposition.3

L’Acte uniforme a limité les voies de recours étant donné qu'il précise clairement que la sentence arbitrale n’est susceptible ni d’opposition, ni d’appel, ni de pourvoi en cassation.4

Le recours en annulation n’est recevable que dans les cas suivants5 :

- si le Tribunal arbitral a statué sans convention d’arbitrage ou sur une convention nulle ou expirée ;

- si le Tribunal arbitral a été irrégulièrement composé ou l’arbitre unique irrégulièrement désigné ;

- si le Tribunal arbitral a statué sans se conformer à la mission qui lui a été confiée6 ;

- si le principe du contradictoire n’a pas été respecté ;

- si le Tribunal arbitral a violé une règle d’ordre public international des Etats signataires du Traité ;

- si la sentence arbitrale n’est pas motivée.

Le fait d’exercer le recours en annulation contre la sentence arbitrale a pour effet de suspendre l’exécution de la sentence arbitrale jusqu’à ce que le juge compétent ait statué, à moins que l’exécution provisoire de la sentence n’ait été ordonnée par le Tribunal arbitral.7

Lorsque le juge compétent a pris sa décision sur le recours en annulation, cette décision n’est susceptible que d’un pourvoi en cassation devant la CCJA.8

Il est utile de préciser qu’un recours en annulation d’une sentence arbitrable se basant sur une disposition de la loi nationale et non sur l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage est irrecevable. Effectivement, l’acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage est la seule loi régissant la matière dans l’espace OHADA.

Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.

________________________

1. Cour Commune de Justice et d'Arbitrage, Arrêt du 07 juin 2012, www.ohada.com, Ohadata J-14-167

2. Voyez : G. KENFACK-DOUAJNI, « L’incidence du système OHADA sur le droit camerounais de l’arbitrage », Rev. Camerounaise de l’arbitrage, 1998, n°1, p.3 et suivantes ;  CCJA, avis 001/2001 du 30 avril 2001, Revue Camerounaise d’arbitrage, n° spécial, octobre 2001, pp. 107-109.

3. G. DAL et F. TCHEKEMIAN., « Le droit OHADA de l’arbitrage », DAOR, 2014, liv. 110, 179 et suivantes ; Cour d’Appel d’Abidjan, Arrêt N°1060 du 25 Juillet 2003, M. VUARCHEX Jacques Pascal C/ La Scierie Nouvelle de Gadouan.

4. Article 25 de l’Acte uniforme relatif à l’arbitrage.

5. Article 26 de l’Acte uniforme relatif à l’arbitrage ; Cour d'Appel d’Abidjan, Chambre Civile et Commerciale, arrêt n° 1060 du 25 juillet 2003, Actualités juridiques n° 51, p. 326.

6. Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA), Arrêt n° 010/2003 du 19 juin 2003 - Pourvoi n° 001-2002-PC du 28 mars 2002 - Audience publique du 19 juin 2003 – Affaire : Epoux DELPECH c/ SOTACI, Revue Camerounaise de l’Arbitrage n° 28 – Janvier - Février - Mars 2005, p. 17, note Me Fénéon.

7. Article 28 de l’Acte uniforme relatif à l’arbitrage.

8. Article 25, alinéa 3 de l’Acte uniforme relatif à l’arbitrage ; C.C.J.A. ASSEMBLEE PLENIERE, ARRET N° 45 Du 17 Juillet 2008 Affaire: Société Nationale pour la Promotion Agricole dite SONAPRA CI Société des Huileries du BENIN dite SHB, Le Juris Ohada, n° 4/2008, p. 60.