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PROCEDURES COLLECTIVES

REDRESSEMENT JUDICIAIRE ET LIQUIDATION DES BIENS

25 Octobre 2016

Tribunal Régional Hors classe de Dakar - Article 28 AUPCAP

Présentation des faits1

L’Agence O. a effectué des prestations pour une campagne publicitaire pour la Société A. en janvier et février 2003.

N’ayant pas été payée de la somme de 51.531.654 francs CFA due par la Société A. et compte tenu du fait qu’elle considère la Société A. comme étant en cessation de paiement, l’Agence O. l’assigne en liquidation des biens le 13 février 2004. Dans la même demande, Monsieur E. est assigné en faillite personnelle.

La Société A. considère, quant à elle, que les conditions d’ouverture d’une procédure collective de liquidation prévues à l’article 28 de l’Acte uniforme ne sont pas respectées en l’espèce. En effet, elle conteste la créance de l’Agence O au motif qu’elle n’était pas satisfaite des prestations réalisées par l’Agence O. et qu’elle l’a d’ailleurs fait savoir dans une lettre de réclamation envoyée le 13 février 2003.

Elle conteste également être en cessation de paiements. Elle estime, en effet, que la preuve de la cessation de paiement ne peut pas venir que des déclarations de tiers saisis, en l’espèce les banques, puisque les comptes bancaires ne sont pas seuls avoirs dont peut disposer une société. De plus, ces déclarations dataient du 10 octobre 2003, alors qu’il est possible que les choses aient évolué depuis.

L’Agence O. considère que sa créance envers la Société A. a été reconnue par cette dernière le 11 juin 2003 mais qu’elle ne s’est pas acquittée de ses engagements. Quant à la cessation de paiement, elle considère celle-ci établie puisque la Société A. est uniquement en mesure de justifier posséder la somme de 786.396 francs. Elle précise, en outre, que ce n’est pas à elle à apporter la preuve que la Société A. n’est pas en cessation de paiement. En effet, elle estime qu’une partie n’a pas à apporter la preuve d’un fait négatif.

La Société A. introduit une demande reconventionnelle afin de demander la désignation d’un expert chargé d’évaluer les retards dans la livraison des panneaux publicitaires dont serait responsable l’Agence O.

Décision du Tribunal 

Le Tribunal commence par analyser la nature de la créance de l’Agence O. à l’égard de la Société A. La Cour invoque  la lettre du 11 juin 2003 envoyée par la Société A. à l’Agence O. et dans laquelle elle reconnait effectivement avoir une dette de 51.531.654 francs pour la campagne publicitaire.

Le Tribunal constate que la Société A. n’a d’ailleurs, à aucun moment dans ses lettres antérieures, contesté la créance de l’Agence O. Dans sa lettre du 13 février 2003, la Société A. demande une remise sur le montant à payer. Il ressort dès lors de cette lettre que la Société A. admet que les prestations ont été effectuées.

Par conséquent, la Cour conclut à l’existence d’une créance certaine, liquide et exigible dans le chef de la Société O.

Le Tribunal, sur la question de l’existence d’un état de cessation de paiement de la part de la Société A., décide d’avoir recours à une expertise afin d’avoir une idée plus complète de la situation économique et financière de la Société A.

Enfin, sur la faillite personnelle de Monsieur E., le juge constate qu’il n’y a pas lieu de se pencher sur la question avant d’avoir reçu le rapport de l’expert sur la situation économique et financière de la Société A.

Bon à savoir

Selon l’article 25 de l’Acte uniforme, la procédure collective de redressement judiciaire ou de liquidation des biens s’applique aux débiteurs qui sont en cessation de paiement. La preuve de la cessation de paiement doit être administrée par celui qui demande l’ouverture de la procédure de liquidation2.

Il est utile de souligner que lorsqu’il s’agit d’un créancier qui demande l’ouverture de la procédure, la preuve qu’il est censé apporter peut s’avérer extrêmement difficile à administrer3.

Lorsque l’état de cessation de paiement peut se déduire de l’aveu du débiteur, la preuve est toutefois plus facile à apporter.

L’article 28 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif prévoit, par ailleurs, que « la procédure collective peut être ouverte sur la demande d’un créancier, quelle que soit la nature de sa créance, pourvu qu’elle soit certaine, liquide et exigible ». Cet article concerne aussi bien le redressement judiciaire que la liquidation des biens.

Lorsque les prestations effectuées par le créancier ne sont pas contestées par le débiteur, ce dernier ne peut pas se contenter d’invoquer, à un stade tardif et seulement au moment de la demande d’ouverture d’une procédure de règlement collectif, la mauvaise exécution du contrat par le créancier. Dans cette hypothèse, la Cour considère qu’une créance existe bien dans le chef du créancier.

Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.

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1. Tribunal Régional Hors classe de Dakar, jugement n° 127 du 28 janvier 2005, www.ohada.com, Ohada J-05-281.

2. Voyez : Bordeaux, 09 avril 1987, RJ Com. 1988, p. 145, note B. Nicod.

3. F. Thera, La réforme de l’OHADA et les procédures collectives d’apurement du passif, L’Harmattan, Paris, 2012, p.62.