Toggle Menu
#agissons #agissons

DROIT DES SOCIETES

SARL

10 Juillet 2015

image article

La société à responsabilité limitée (SARL)

Fonctionnement de la societe a responsabilite limitee

Il existe deux organes essentiels au sein de la société à responsabilité limitée, à savoir, d’une part, les gérants qui assurent le fonctionnement quotidien de la société et, d’autre part, les associés de la société qui détiennent le pouvoir souverain.

Parlons, tout d’abord, des gérants de la société.

S’agissant des pouvoirs et des responsabilités du ou des gérants, il convient de les examiner, d’abord, dans les relations entre associés et, puis, dans les rapports vis-à-vis des tiers.

Dans les rapports entre les associés et en l'absence de la détermination de ses pouvoirs par les statuts, le gérant a le pouvoir d’accomplir tous les actes de gestion entrant dans l’objet social et doit veiller aux intérêts de la société 28. Il exerce donc un pouvoir de représentation illimitée de la société 29.

Lorsque plusieurs gérants sont désignés, chaque gérant détient les mêmes pouvoirs que s'il était seul gérant de la société. L’Acte uniforme réserve, toutefois, la possibilité pour chacun de s'opposer à toute décision prise par un autre gérant 30.

Dans les rapports avec les tiers, le ou les gérants disposent de tous les pouvoirs pour agir au nom de la société à responsabilité limitée, dans la limite de l’objet social. De plus, les actes du ou des gérants qui outrepassent l’objet social peuvent engager la société, sauf si elle démontre que le tiers savait ou aurait dû savoir, compte tenu des circonstances, que l’acte dépassait son objet 31.

Précisons, en outre, que l’opposition formée par un gérant aux décisions prises par un autre gérant est inopposable à l'égard des tiers, à moins qu'il fasse connaître aux tiers son opposition 32.

Enfin, les clauses statutaires qui limiteraient les pouvoirs des gérants sont rendues inopposables aux tiers, quand bien même ces derniers seraient de mauvaise foi et auraient connaissance de l’existence de telles clauses 33.

Par ailleurs, le ou les gérants sont responsables individuellement ou solidairement envers la société ou envers les tiers, des infractions aux dispositions législatives et réglementaires applicables en la matière, des violations des statuts, ainsi que des fautes commises dans leur gestion 34.

L’Acte uniforme prévoit, à cet égard, deux types d’actions : d’une part, l’action individuelle en responsabilité et, d’autre part, l’action sociale en responsabilité 35. Les associés ne peuvent pas renoncer à l’exercice de ces deux actions ni les soumettre à l’approbation de l’assemblée générale. Le délai de prescription de ces deux actions est en principe de trois ans ; toutefois, il est porté à dix ans, si les faits sont qualifiés de crimes.

Les fonctions du gérant peuvent être gratuites ou rémunérées 36. Dans ce cas, la rémunération des gérants est déterminée par les statuts ou par une décision collective des associés, sans tenir compte de la participation au vote du gérant-associé 37.

Le gérant a le statut d’un mandataire social et, partant, ne peut être considéré comme un salarié de la société. Toutefois, il peut être lié à la société par un contrat de travail 38, pour autant qu’il existe un lien de subordination entre l’associé et la société et que le contrat corresponde à un travail effectif. Aucune disposition n’interdit, en effet, au gérant d’exercer des fonctions en tant que salarié 39. Dans ce cas, il percevra un salaire, comme tout travailleur.

Enfin, concernant la cessation des fonctions du gérant, il y a lieu d’appliquer les dispositions générales aux sociétés commerciales. Si la durée du mandat du gérant est fixée dans les statuts ou dans un acte de désignation ultérieur, ses fonctions prennent fin à l’arrivée du terme. Elles peuvent également cesser en cas de démission, de décès ou de faillite personnelle du gérant ou de tout autre évènement qui l’empêcherait, de manière durable, d’exercer ses fonctions (maladie prolongée par exemple). Le gérant peut enfin librement démissionner de ses fonctions 40.  Toutefois, si la démission se fait sans juste motif, la société peut demander en justice la réparation du préjudice subi et, partant, l’octroi de dommages et intérêts 41

S’agissant de la révocation du gérant, il y a lieu de se référer à l’article 326 de l’Acte uniforme, lequel prévoit que le ou les gérants sont révocables, peu importe qu’ils soient statutaires ou non 42. La décision portant sur la révocation du gérant est prise par les associés représentant la moitié des parts sociales. Toute clause contraire à ces dispositions est réputée non écrite, de sorte que les statuts ne sauraient prévoir une autre majorité que la majorité simple.

Eu égard à ces considérations, dans la mesure où il n’est pas interdit de voter, le gérant qui possède plus de la moitié du capital social échappe à une mesure de révocation décidée par les associés et, partant, devient irrévocable 43.

En revanche, il peut faire l’objet d’une révocation judiciaire, conformément à l’article 326, alinéa 2 de l’Acte uniforme, lequel dispose que tout associé peut demander au tribunal chargé des affaires commerciales, dans le ressort duquel est situé le siège social, la révocation du gérant pour cause légitime 44. Cette disposition vient confirmer celle qui interdit de manière implicite la révocation du gérant sans justes motifs 45. Cause légitime et justes motifs sont ainsi considérés comme des synonymes. Le gérant pourrait ainsi être révoqué pour cause d’incapacité notoire du gérant, de fautes de gestion, d’une violation de la loi ou des statuts, ou encore de motifs d’économie justifiant la suppression d’un des gérants 46. De même, il y a juste motif de révocation, lorsque la mésentente est de nature à compromettre l’intérêt social ou le fonctionnement de la société 47.

En tout état de cause, le gérant révoqué sans justes motifs est en droit de réclamer des dommages et intérêts 48, la révocation du gérant ne s’opérant pas ad nutum.

Précisons, enfin, que les nominations, démissions et révocations des gérants sont publiées au RCCM 49.

Parlons maintenant des associés de la société.

Les associés en nom disposent de droits semblables à ceux des membres des autres sociétés commerciales : ils ont en effet, d’une part, des droits financiers et, d’autre part, des droits politiques.

Concernant les droits financiers, les associés ont le droit au dividende 50.

A cet égard, l’Acte uniforme prévoit que les bénéfices sont répartis conformément aux statuts, sous réserve des dispositions impératives communes à toutes les sociétés.

L’Acte uniforme ajoute qu’ « à peine de nullité de toute délibération contraire, il est pratiqué sur le bénéfice de l'exercice diminué, le cas échéant, des pertes antérieures, une dotation égale à un dixième au moins affectée à la formation d'un fonds de réserve, dit réserve légale. Cette dotation cesse d'être obligatoire, lorsque la réserve atteint le cinquième du montant du capital social ».

Enfin, dans la mesure où la répétition des dividendes ne correspond pas à des bénéfices réellement acquis, elle peut être exigée des associés qui les ont reçus. Ceux-ci devront alors introduire une action en répétition dans un délai de trois ans suivant la date de mise en distribution du dividende 51.

Concernant les droits politiques, les associés ont, tout d’abord, le droit de prendre part aux décisions collectives et disposent chacun d’un nombre de voix égal à celui des parts sociales détenues 52.

L’exercice du droit de vote s’effectue en principe dans les assemblées 53, présidées en principe par le gérant ou l’un des gérants, ou à défaut par l’associé présent et acceptant qui possède le plus grand nombre de parts sociales 54.

Les associés sont convoqués par le gérant ou, le cas échéant, par le commissaire aux comptes, quinze jours au moins avant la tenue de l’assemblée par lettre au porteur contre récépissé ou par lettre recommandée avec demande d’accusé de réception. La convocation doit mentionner la date, le lieu de réunion et l'ordre du jour de l’assemblée générale 55.

Toute assemblée irrégulièrement convoquée peut être annulée. Toutefois, l'action en nullité sera déclarée irrecevable si tous les associés étaient présents ou représentés 56.

Par ailleurs, les statuts peuvent prévoir que les décisions collectives peuvent être prises sur consultation écrite des associés. Dans ce cas, le texte des résolutions proposées ainsi que les documents nécessaires à l’information des associés leur sont communiqués dans les mêmes conditions que celles prévues par l’article 338, alinéa 1er de l’Acte uniforme. Les associés ont au moins quinze jours à dater de la réception des projets de résolutions pour voter 57.

A l’issue de l’assemblée, est établi un procès-verbal reprenant la signature de chacun des associés présents.

En cas de consultation écrite, il en est fait mention dans le procès-verbal, auquel est joint la réponse de chacun des associés, et signé par le ou les gérants 58.

En outre, les associés non gérants ont le droit d’être informés sur l’activité des gérants 59.

Ainsi, au moins quinze jours avant la tenue de l’assemblée générale annuelle, les gérants doivent leur communiquer le rapport de gestion, les états financiers de synthèse, le texte des résolutions proposées, et, le cas échéant, le rapport général du commissaire aux comptes, ainsi que sur le rapport spécial du commissaire aux comptes relatifs aux conventions intervenues entre la société et un gérant ou un associé. A partir de la date de communication de ces documents, les associés peuvent poser par écrit au gérant des questions auxquelles il devra répondre au cours de l'assemblée.

En ce qui concerne les assemblées autres que l'assemblée annuelle, le droit de communication porte sur le texte des résolutions proposées, le rapport du gérant et, le cas échéant, le rapport du commissaire aux comptes.

Nonobstant ce droit de communication, les associés peuvent également obtenir copie de ces documents, relatifs aux trois derniers exercices. De même, tout associé non gérant est autorisé, deux fois par exercice, à poser par écrit des questions au gérant sur tout fait de nature à compromettre la continuité de la société. La réponse du gérant est communiquée au commissaire aux comptes 60.

En outre, les associés sont autorisés à faire effectuer une expertise de gestion, pour autant qu’ils détiennent, seul ou en se groupant, un cinquième (20%) du capital social 61. Ainsi, un associé ne détenant que 8% du capital social ne pourra pas introduire une telle demande 62.

Enfin, ceux-ci participent à la prise des décisions collectives généralement par le biais des assemblées générales de la société 63.

 ________________

28. Ph. Merle, Droit commercial – Sociétés commerciales, 6e éd., Paris, Dalloz, 1998, n°197 ; E. Scholastique, Le devoir de diligence des administrateurs de sociétés (droits français et anglais), t. 302, Paris, LGDJ, 1998.

29. Req., 21 mars 1939, Gaz. Pal., 1939, I, p. 974.

30. Article 328, alinéa 2 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique.

31. Article 329, alinéas 1 et 2 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique.

32. Article 328, alinéa 3 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique.

33. Article 329, alinéa 3 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique ; D. Ndiaw, « Les sociétés de personnes », in Sociétés commerciales et G.I.E., Bruxelles, Bruylant, 2002, p. 382.

34. Article 330 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique.

35. Article 331 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique.

36. D. Ndiaw, « Les sociétés de personnes », in Sociétés commerciales et G.I.E., Bruxelles, Bruylant, 2002, p. 379.

37. Article 325 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique.

38. Cour d'Appel de Lomé, arrêt du 26 mars 2009, arrêt n° 044/09, SIEUR HOUNKPEDJI KASSIA / SOCIÉTÉ RAINER AUTOMOBILE, SIEUR RAINER BAIL, Ohadata J-10-155, www.ohada.com.  

39. A. Fénéon, Droit des sociétés en Afrique (OHADA), Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine), LGDJ, 2015, p. 807.

40. Sur la question de la démission, voy. H. Souleau, La démission des gérants des sociétés commerciales, RTD com., 1972, p. 21 ; D. Martin, « La démission des organes de gestion des sociétés commerciales », Rev. sociétés, 1973, p. 273 ; Article 326 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique. 

41. Article 327 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique.

42. J.L. Aubert, « La révocation des organes d’administration des sociétés commerciales », RTD com., 1968, p. 977.

43. D. Ndiaw, « Les sociétés de personnes », in Sociétés commerciales et G.I.E., Bruxelles, Bruylant, 2002, p. 380.

44. Solution déjà admise en jurisprudence sous la loi de 1925 : Cass. req., 8 juillet 1947, S., 1947, I., p. 166.

45. R. Baillod, « Le ‘juste motif’ de révocation des dirigeants sociaux », RTD com., 1983, p. 395.

46. Comm., 16 mars 1954, JCP, 1954, I, p. 8172.

47. CCJA, arrêt du 24 avril 2003, arrêt n°008/2003, Aly Karaki c/ Hani Mezher, Ohadata J-03-194, www.ohada.com.

48. Article 281 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique ; A. Fénéon, Droit des sociétés en Afrique (OHADA), Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine), LGDJ, 2015, p. 778.

49. Article 124 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique.

50. D. Ndiaw, « Les sociétés de personnes », in Sociétés commerciales et G.I.E., Bruxelles, Bruylant, 2002, p. 384.

51. Article 346 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique.

52. D. Ndiaw, « Les sociétés de personnes », in Sociétés commerciales et G.I.E., Bruxelles, Bruylant, 2002, p. 386.

53. Article  333, alinéa 1er, de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique.

54. D. Ndiaw, « Les sociétés de personnes », in Sociétés commerciales et G.I.E., Bruxelles, Bruylant, 2002, p. 387 ; Article 341 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique.

55. Article 338 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique.

56. Article 339 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique.

57. Article 340 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique.

58. Article 342 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique.

59. Article 344 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique.

60. Article 345 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique.

61. Articles 159 et 160 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique.

62. Cour d'Appel d'Abidjan, arrêt du 10 janvier 2001, arrêt n° 10, POLYCLINIQUE AVICENNES C/ BASSIT ASSAD, Ohadata J-02-113, www.ohada.com

63. D. Ndiaw, « Les sociétés de personnes », in Sociétés commerciales et G.I.E., Bruxelles, Bruylant, 2002, p. 388.