
Les obligations des parties au contrat de vente commerciale en droit OHADA
La rupture du contrat de vente commerciale
A l'instar de tout contrat, le contrat de vente commerciale est une convention ayant force obligatoire. Il en résulte que l'inexécution ou la mauvaise exécution par les parties de leurs obligations doit être légalement sanctionnée. A cet égard, la rupture du contrat constitue l'ultime sanction. Elle ne peut dès lors survenir qu'en cas de manquement grave au contrat de vente 42.
L'article 281 de l'Acte uniforme relatif au droit commercial général prévoit que toute partie à un contrat de vente commerciale est fondée à en demander au juge compétent la rupture pour inexécution totale ou partielle des obligations de l'autre partie 43. Cette disposition consacre donc le principe de la rupture judiciaire du contrat en cas de manquement grave d'une des parties à ses obligations 44.
En principe le manquement justifiant la rupture du contrat de vente doit être suffisamment grave 45. En effet, il doit avoir causé à l'autre partie un préjudice tel qu'il la prive substantiellement de ce qu'elle était en droit d'attendre du contrat, à moins que ce manquement n'ait été causé par le fait d'un tiers ou la survenance d'un événement de force majeure 46.
Depuis la réforme de l'Acte uniforme relatif au droit commercial général, le législateur OHADA prévoit également la possibilité de rompre unilatéralement le contrat de vente en cas de manquement grave de l'autre partie. La partie qui rompt unilatéralement le contrat le fait toutefois à ses risques et périls puisqu'elle court le risque de voir sa décision annulée par le juge, si ce dernier estime que le motif invoqué pour justifier la rupture n'est pas suffisamment grave 47.
En effet, quand bien la rupture du contrat sera décidée unilatéralement, l'autre partie est en droit de saisir le juge afin de lui demander d'apprécier la gravité du motif de rupture et par conséquent la validité de la rupture unilatérale.
Par ailleurs, quel que soit la gravité du comportement reproché à l'autre partie, la partie qui demande la rupture judiciaire ou extrajudiciaire du contrat de vente doit respecter un délai de préavis suffisant avant de notifier à l'autre partie sa décision unilatérale de rompre le contrat. A défaut de préavis suffisant, l'auteur de la rupture engagera sa responsabilité et ce, même si la juridiction admet le bien-fondé de la rupture 48.
La rupture du contrat entraîne trois conséquences : la disparition du contrat de vente, le maintien de certaines clauses et la restitution de ce qui a été livré ou payé 49.
En effet, la rupture du contrat libère les parties de leurs obligations 50. Les parties ne sont donc plus tenues d'exécuter les obligations tirées du contrat de vente commerciale une fois que celui-ci a été rompu. Le contrat cesse de produire ses effets 51.
Contrairement à la nullité du contrat, la rupture met fin à un contrat valablement conclu. Par conséquent, les clauses par lesquelles les parties ont entendu aménager le règlement des différends consécutifs à la fin de contrat demeurent valables et continueront à s'appliquer 52. Il en est de même des clauses relatives aux droits et obligations des parties en cas de rupture 53.
Par ailleurs, la rupture du contrat de vente entraîne sa disparition avec effet rétroactif : le contrat de vente commercial est censé n'avoir jamais existé. Il en découle que les parties sont tenus par une obligation de restitutions réciproques 54. Par conséquent, si une des parties a exécuté totalement ou partiellement ses obligations, elle pourra obtenir la restitution par l'autre partie de ce qu'elle a fourni ou payé en exécution du contrat de vente 55. Le montant de la restitution devra, en outre, tenir compte des fruits perçus, c'est-à-dire des intérêts ou du profit tiré par la partie débitrice de la restitution.
La partie qui demande la rupture du contrat est également en droit de demander des dommages et intérêts afin de réparer le préjudice résultant de l'inexécution du contrat 56. Elle devra néanmoins démontrer qu'elle a subi un dommage et que ce dommage est la conséquence du manquement commis par l'autre partie 57. Si elle parvient à prouver cela, elle pourra demander la réparation de la perte subie ou de son manque à gagner 58. A cet égard, le principe est celui de la réparation intégrale du dommage. Toutefois, seul le dommage matériel ou économique semble avoir été visé par le législateur OHADA. Il semble donc que le cocontractant ne pourrait pas demander la réparation du dommage moral résultant de la rupture du contrat 59.
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42. A. Dieng, « La vente commerciale OHADA à l'épreuve du commerce international », Texte intervention à la Commission de vente internationale de marchandises. 51ème Congrès annuel de l'UIA. Paris, 31 octobre - 4 novembre 2007 www.ohada.com, D-11-54
43. Article 281 alinéa 1er de l'Acte uniforme relatif au droit commercial général.
44. Tribunal de Grande Instance de Ouagadougou, Jugement du 23 mai 2007, Jugement n° 067/2007, Affaire : Banque agricole et commerciale du Burkina (BACB) c/ GOUO Seydou & autres, www.ohada.com, J-09-385.
45. A. Feneon, « L'influence de la CVIM sur le nouveau droit de la vente commerciale », Penant n° 853, p. 464.
46. S.E. Darakpum, « Le critère de privation substantielle » in Condition de la résolution dans la vente commerciale OHADA, Annales de la Faculté de droit de Dschang, 2002, p.177.
47. P. Fieni, « Droit commercial général dans l'espace OHADA : étude comparative de l'ancien et du nouvel Acte uniforme », Actualités Juridiques, Edition économique n° 3 / 2012, p. 22.
48. Article 281 alinéa 3 de l'Acte uniforme relatif au droit commercial général.
49. A. Feneon, « L'influence de la CVIM sur le nouveau droit de la vente commerciale », Penant n° 853, p. 464.
50. Article 296 de l'Acte uniforme relatif au droit commercial général.
51. F. Terré, P. Simler et Y. Lequette, Droit civil, Les obligations, Dalloz, p. 520.
52. J. Issa-Sayegh, « Présentation des dispositions sur la vente commerciale », www.ohada.com, D-06-16.
53. A. Pedro Santos et J. Yado Toé, Ohada, Droit commercial général, Bruylant, Bruxelles, 2002, p. 413.
54. M. Diallo, La vente commerciale en droit OHADA, Atelier national de reproduction des thèses, 2007, p. 215.
55. Article 297 de l'Acte uniforme relatif au droit commercial général.
56. Article 292 de l'Acte uniforme relatif au droit commercial général.
57. E. Nsie, « La sanction de l'inexécution des obligations des parties dans le contrat de vente », Penant n° 850, Janvier-Mars 2005, p. 96.
58. Article 281 alinéa 4 de l'Acte uniforme relatif au droit commercial général.
59. A. Pedro Santos et J. Yado Toé, Ohada, Droit commercial général, Bruylant, Bruxelles, 2002, p. 417.