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DROIT DES SURETES

GAGE

25 Octobre 2016

Cour d'appel d'Abidjan –Articles 39 et 47 AUS – articles 97 AUS Révisé

Présentation des faits1

Monsieur CO est créancier de Monsieur CA de la somme de 14.647.523 FCFA en principal, résultant d’un arrêt social du 18 mai 2000 suivi d’une reconnaissance de dettes qu’il a dûment légalisée le 1er mars 2001. 

Une ordonnance d’injonction de payer a été délivrée le 22 mai 2001 par le Tribunal de première instance d’Abidjan.

Un commandement préalable à saisie vente a été signifiée en date du 9 juillet 2001. 

Depuis la signification du commandement préalable à saisie vente à Monsieur CA, Monsieur CO a fait la connaissance de Monsieur F. Ce dernier venait très souvent à son domicile en qualité d’ami et d’associé de son débiteur, Monsieur CA, plaider pour le compte de celui-ci en l’assurant de sa bonne volonté à œuvrer rapidement pour un règlement à l’amiable de sa créance, parce que lui et Monsieur CA attendaient une importante entrée de fonds du Canada. 

Grande fut la surprise de Monsieur CO en apprenant que Monsieur CA avait rapatrié toute sa famille en France, avait fait paraître dans les colonnes d’un quotidien l’annonce de la vente de ses deux villas et l’affichage public de ses biens divers sur les grandes surfaces d’Abidjan (supermarchés, hôtels et stations services). 

Monsieur CO a alors fait signifier un procès-verbal de vente le 12 mars 2002, pour une exécution prévue le 12 avril 2002. 

Contre toute attente, Monsieur F. a assigné Monsieur CO devant le juge des référés pour obtenir une suspension de l’exécution de la saisie vente des objets inventoriés au domicile de Monsieur CA, en produisant une convention de reconnaissance de dette, sur la base d’un inventaire des mobiliers et effets à son profit.

Monsieur F. souligne que la convention a été matérialisée et légalisée le 5 juin 2000, alors que l’examen du verso du document indique une autre date. 

La convention indique que les objets inventoriés ne sont mis à la disposition que pour usage seulement de Monsieur CA, lui déniant ainsi tout droit de propriété. Il serait fait paradoxalement fort de les gager à Monsieur F. 

Par ordonnance de référé du 15 avril 2002, la juridiction présidentielle du tribunal de première instance d’Abidjan a déclaré l’action introduite par Monsieur F. fondée et a ordonné l’arrêt immédiat des mesures d’exécution entreprises par Monsieur CO.

Monsieur CO a alors interjeté appel de ladite ordonnance de référé.

Décision de la Cour d’appel d’Abidjan

Il résulte des dispositions des articles 39 et 47 de l’Acte uniforme portant organisation des sûretés que le contrat de gage n’est opposable aux tiers que s’il est constaté par écrit et dûment enregistré. 

En l’espèce, la convention de gage du 5 juin 2000 n’ayant pas été enregistrée dans les conditions de l’article 39, ne peut produire des effets et par conséquent n’est pas opposable au créancier poursuivant, à savoir Monsieur CO. 

Ainsi, rien ne justifie l’arrêt des mesures d’exécution ordonnée par l’ordonnance attaquée, encore que le premier juge s’est contenté de dire que la demande de Monsieur F. était fondée sans motiver sa mesure. 

Par conséquent, la Cour d’appel d’Abidjan considère qu’il convient d’infirmer l’ordonnance entreprise, de débouter Monsieur F. de sa demande et d’ordonner la continuation des poursuites.

Bon à savoir

Sous l’ancienne version de l’Acte uniforme organisant le droit des sûretés, le contrat de gage, quelle que soit la nature de la dette garantie, n’était opposable aux tiers que s’il avait été constaté par un écrit dûment enregistré contenant indication de la somme due ainsi que l’espèce, la nature et la quantité des biens meubles donnés en gage2

Pour être opposable aux tiers, il suffit désormais que la chose gagée soit remise au créancier ou un tiers convenu, qui pourra être un agent des sûretés agissant au profit des autres créanciers. En l’absence de remise de la chose, le contrat de gage est opposable aux tiers à condition qu’il soit inscrit au Registre du commerce et du crédit mobilier. Il existe ainsi deux formalités d’opposabilité : la première étant la remise de la chose, pour le gage avec dépossession, et, la seconde l’inscription au RCCM, utilisée essentiellement pour le gage sans dépossession3

Toutefois, si la remise de la chose ne peut se concevoir qu’en cas de gage avec dépossession, celui-ci pourra aussi faire l’objet d’une inscription au RCCM. En effet, l’article 97 ne s’oppose nullement à l’inscription d’un gage avec dépossession. Ainsi, un cumul des formalités d’opposabilité est possible, soit en cas de gage sans dépossession, si la chose gagée est remise au créancier ou à un tiers convenu, soit, en cas de gage avec dépossession, lorsque la chose est restituée au constituant sans intention de mettre fin au contrat de gage. Cette remise ou restitution de la chose gagée en cours de vie du gage n’aura aucun effet sur l’existence de la sûreté,  qui demeurera opposable aux tiers4.

Quoi qu’il en soit, l’accomplissement de l’une ou l’autre de ces mesures de publicité permet de rendre le gage opposable à tous les tiers, c’est-à-dire non seulement aux autres créanciers du constituant et du débiteur, mais aussi à leurs ayants cause à titre particulier. 

Une convention de gage qui n’a pas été enregistrée est inopposable aux tiers, de sorte que les mesures d’exécution entreprises sur les biens gagés ne peuvent être suspendues.

 

Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.

______________

1. Cour d'appel d'Abidjan, arrêt n° 895 du 12 juillet 2002, CONDE ALPHA c/ PIERRE FAKIH, Ohadata J-03-15, www.ohada.com

2. Articles 39 et 47 de l’Acte uniforme révisé portant organisation des sûretés.

3. Article 97 de l’Acte uniforme révisé portant organisation des sûretés.

4. L.-J.  LAISNEY, « Les gages de meubles corporels », in Le nouvel acte uniforme portant organisation des sûretés. Le nouvel acte uniforme portant organisation des sûretés. La réforme du droit des sûretés de l’OHADA, Rueil-Malmaison (France), Lamy, 2012, pp. 204-205.