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DROIT DES SURETES

GAGE

25 Octobre 2016

Cour d'Appel d'Abidjan - Articles 47, 48 et 49 AUS

Présentation des faits1

Le directeur d’une société C. a remis des numéraires au président du conseil d’administration d’une autre société C.W.A. en contrepartie de la remise de produits agricoles. Dans ce cadre, un contrat de gage a été conclu entre ces parties et portait sur un véhicule automobile appartenant au président précité.

Le président du conseil d’administration a perçu les numéraires, mais n’a pas respecté son engagement d’apporter les produits au directeur.

Convaincu d’un abus de confiance de la part du président, le directeur a sollicité l’intervention de la Brigade de Recherches de la Gendarmerie en vue de l’arrestation du président. Comme il s’agissait d’une affaire de nature civile, le commandant de cette Brigade a finalement libéré le président.

En outre, le directeur a fait appel à un huissier de justice pour procéder à une saisie conservatoire sur les biens du président.

Sur avis de cet huissier de justice estimant que la saisie conservatoire ne pouvait subsister, un autre contrat de gage a été conclu. Celui-ci porte sur le véhicule automobile, ayant déjà fait l’objet du premier gage précité, auquel d’autres objets mobiliers ont été ajoutés.

Le directeur de la société et le président du conseil d’administration de la société C. sont en désaccord relativement aux circonstances dans lesquelles cette seconde convention de gage a été rédigée et signée (dans les locaux de la gendarmerie et sous l’exercice d’actes de violence, selon les dires du président ; en l’étude de l’huissier de justice, selon les propos de l’huissier et de la police).

Ce litige a ainsi été porté en justice auprès du Tribunal de première instance de Daloa saisi par le président. Le premier juge a fait droit à la demande du président, annulant ainsi le second contrat de gage.

Le directeur de la société a par la suite interjeté appel de ce jugement devant la Cour d’appel de Daloa qui a confirmé la décision rendue par le premier juge.

S’estimant lésée, le directeur de la société a de nouveau introduit un recours en justice, cette fois devant la Cour d’appel d’Abidjan.

Dans son arrêt avant-dire-droit, la Cour d’appel d’Abidjan a déclaré irrecevable l’appel dirigé contre les Greffiers en chef de la Cour d’appel de Daloa concernée. En revanche, la Cour d’appel a reçu le recours introduit à l’encontre de la société C. et a requis la mise en état du dossier de la procédure en vue de procéder à certaines auditions. L’objectif de ces auditions vise à clarifier les circonstances de l’arrestation du président du conseil d’administration de la société C. et celles portant sur la conclusion du contrat de gage litigieux.

Décision de la Cour d’Appel d’Abidjan

La Cour d’appel d’Abidjan observe qu’aucun élément issu de la mise en état du dossier de la procédure ne corrobore l’existence de violences exercées sur le débiteur. La Cour estime dès lors que le débiteur n’a pu subir de violences de nature à faire impression sur lui et à lui inspirer la crainte d’exposer sa vie ou sa fortune à un mal considérable et présent.

A cet égard, la Cour constate que la rédaction et la signature du contrat de gage critiqué se sont déroulées au sein de l’étude de l’huissier de justice et partant, en dehors de la Gendarmerie.

Dans la mesure où il est constitué conformément aux exigences prescrites par les articles 47 à 49 de l’Acte uniforme révisé portant organisation des sûretés2, le gage est valable.

Par conséquent, la Cour d’appel d’Abidjan infirme le jugement rendu par le Tribunal de première instance.

Bon à savoir

Pour qu’un contrat de gage soit valablement constitué, diverses exigences reprises dans l’(ancien) Acte uniforme portant organisation des sûretés, aux articles 47 à 49 (articles 95 à 97  AUS révisé), sont prévues.

Tout d’abord, le constituant du gage doit être propriétaire de la chose gagée (article 47 AUS et article 95AUS révisé)3. Dans le cas contraire, le créancier gagiste peut, s’il est de bonne foi, s’opposer à la revendication du propriétaire réel suivant les conditions retenues pour le possesseur de bonne foi.

Ensuite, l’article 48 de l’ancien Acte uniforme (art. 96, AUS révisé) exigeait la remise effective de l’objet mis en gage au créancier ou à un tiers convenu entre les parties. Aujourd’hui, le gage sans dépossession de biens corporels est admis4.

Enfin, en vue d’être opposable aux tiers, le contrat de gage, indépendamment de la nature de la dette garantie, doit être constaté par un écrit dûment enregistré contenant indication de la somme due ainsi que l'espèce, la nature et la quantité des biens meubles donnés en gage5.

L’arrêt rendu par la Cour d’appel d’Abidjan apporte des précisions sur la validité du contrat de gage. Le constituant du gage doit avoir valablement donné son consentement. Le gage ne pourra être ainsi considéré comme bon et valable s’il est prouvé que le consentement du débiteur a été obtenu à la suite de violences de nature à faire impression sur lui et à lui inspirer la crainte d’exposer sa vie ou sa fortune à un mal considérable et présent. 

Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.

_______________

1. Cour d'Appel d'Abidjan, arrêt civil contradictoire du 13 juin 2007, n° 128, Société Cargill West Africa c/ Coopérative CAZAC, www.ohada.com, Ohadata J-09-359.

2. Articles 95 à 97 de l’Acte uniforme révisé portant organisation des sûretés.

3. Article 95 de l’Acte uniforme révisé portant organisation des sûretés ajoute que les biens gagés doivent être présents.

4. Voy. notamment les dispositions suivantes relatives aux effets du gage : art. 101, 102, 107, 108, etc. de l’Acte uniforme révisé portant organisation des sûretés. 

5. Art. 49 de l’(ancien) Acte uniforme portant organisation des sûretés. Toutefois, l'écrit n'est pas nécessaire dans les cas où la loi nationale de chaque Etat partie admet la liberté de preuve en raison du montant de l'obligation. S’agissant de l’Acte uniforme révisé relatif à la même matière, il précise que l’écrit constatant le contrat de gage diffère quelque peu concernant en requérant la désignation de la dette garantie. En outre, il n’est plus fait mention de l’exigence d’enregistrement. A la place, pour être opposable aux tiers, le contrat de gage doit être inscrit au Registre du Commerce et du Crédit Mobilier. Une autre possibilité consiste en la remise du bien gagé entre les mains du créancier gagiste ou d'un tiers convenu entre les parties.