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DROIT DES SURETES

GAGE

25 Octobre 2016

Tribunal de Grande Instance de Bobo-Dioulasso - Articles 92, 93 et 99 AUS

Présentation des faits1

Monsieur B., commerçant de profession, a entretenu avec la société O. des relations d’affaires pour l’achat de sésame.

Monsieur B. fut chargé de collecter les produits de cette céréale auprès de paysans. En échange de quoi, il recevait de la société O. un préfinancement au début de chaque campagne. Monsieur B. devait ainsi déduire du prix de vente de sésame à la société O., le prix d’achat sur le terrain et les traites d’un prêt qui lui avait été octroyé.

En garantie du remboursement de sa dette, Monsieur B. a mis en gage le permis urbain d’habiter (P.U.H.) portant sur un bien immobilier dont il est le propriétaire.

A la fin des campagnes de 1998-1999 et 1999-2000, Monsieur B. n’a pas remboursé les sommes d’argent qui lui ont été prêtées.

En raison des arriérés d’impayés de Monsieur B., la société O. a mis un terme à leurs relations commerciales, a porté plainte en vue de recouvrer sa créance et a exigé la remise du permis urbain d’habiter.

En réponse à cette accusation, Monsieur B. n’a pas contesté être redevable des montants réclamés. Cependant, il n’a pas honoré ces paiements, car il estimait que la garantie avait été concédée par extorsion de son consentement. A cet égard, la société O. a affirmé qu’elle n’a reçu aucun élément de preuve attestant que la créance certaine, liquide et exigible a été réglée. En outre, elle a réfuté l’existence d’actes de violence ou de voies de fait exercés sur la personne de Monsieur B., débiteur gagiste.

Monsieur B. a alors assigné la société O. en justice à l’effet de lui réclamer la remise du permis urbain d’habiter (PUH), dont il estime qu’il est détenu par la société O. sans aucun droit ni titre. La société O. a demandé, quant à elle, le paiement des arriérés d’impayés ainsi que des dommages et intérêts.

Décision du Tribunal de Grande Instance de Bobo-Dioulasso

Le Tribunal de Grande Instance de Bobo-Dioulasso rappelle tout d’abord la définition du contrat de gage mentionnée à l’article 44 de l’Acte uniforme portant organisation des sûretés.2 Il reprend ensuite le contenu des articles 45 et 54 de l’Acte uniforme.

A la lumière de ces dispositions, le Tribunal de Grande Instance constate qu’en l’espèce, Monsieur B. a concédé, en garantie du préfinancement pour l’achat du sésame auprès des paysans, un permis urbain d’habiter sur un immeuble dont il est le propriétaire.

Ensuite, le tribunal observe qu’il n’y a pas d’éléments de preuve démontrant l’existence d’actes de violence ou de voie de fait exercés sur Monsieur B., qui aurait contraint ce dernier à remettre le permis urbain d’habiter. En outre, Monsieur B. ne fournit aucune preuve attestant qu’il s’est acquitté totalement de sa dette.

Par conséquent, le Tribunal de Grande Instance conclut que le contrat de gage est valide et que le bien gagé ne doit pas être restitué au débiteur. Au surplus, le Tribunal condamne au Monsieur B. au paiement des arriérés des sommes impayées (cette créance étant exigible) ainsi que de dommages et intérêts réclamés par la société créancière.

Bon à savoir

L’article 44 de l’Acte uniforme portant organisation des sûretés3 définit le contrat de gage comme le « contrat par lequel un bien meuble est remis au créancier ou à un tiers convenu entre les parties pour garantir le paiement d'une dette ». Or, force est de constater que cette définition diffère de celle prescrite à l’article 92 du nouvel Acte uniforme portant organisation des sûretés. Selon cette dernière disposition, « le gage constitue le contrat par lequel le constituant accorde à un créancier le droit de se faire payer par préférence sur un bien meuble corporel ou un ensemble de biens meubles corporels, présents ou futurs ».

Le caractère corporel du bien meuble est ainsi spécifié (contrairement à l’acte précédent dans lequel l’article 46autorisait que des biens mobiliers incorporels puissent faire l’objet d’un gage). En outre, le bien gagé peut être présent ou futur. La précision, dans la définition, relative à la prérogative du créancier d’être payé par préférence est également une nouveauté.

Quant à l’article 45 de l’ancien Acte uniforme précité, le gage peut être constitué pour des dettes antérieures, futures ou éventuelles. En revanche, l’actuel article 93 de l’Acte uniforme révisé ne vise pas les dettes antérieures.5

De surcroît, l’article 546 de l’ancien Acte uniforme prévoit que le constituant du gage ne peut réclamer la restitution du bien gagé tant qu’il n’a pas effectué le paiement intégral de la dette garantie au principal, intérêts et autres accessoires.

Le jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de Bobo-Dioulasso est intéressant, en ce qu’elle rappelle qu’à défaut pour le constituant du gage de démontrer l’existence de violences ou de voies de fait exercées à son encontre en vue d’obtenir la remise d’un permis urbain d’habiter (c’est-à-dire le bien gagé) et du paiement intégral des dettes antérieures, le gage est réputé constitué et valide.

Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.

_______________

1. Tribunal de Grande Instance de Bobo-Dioulasso, jugement n° 370du 20 décembre 2006, BAMOGO S. Souleymane c/ Société OLAM Burkina, Ohadata J-09-96, www.ohada.com.

2. Il est à noter que cet Acte uniforme a été abrogé et a été remplacé par l’Acte uniforme révisé portant organisation des sûretés.

3. Article 92 de l’Acte uniforme révisé portant organisation des sûretés.

4. Article 93 de l’Acte uniforme révisé portant organisation des sûretés.

5. Selon, l’article 93 de l’Acte uniforme révisé portant organisation des sûretés, le gage peut être constitué en garantie d'une ou de plusieurs créances présentes ou futures, à condition que celles-ci soient déterminées ou déterminables.

6. Article 99 de l’Acte uniforme révisé portant organisation des sûretés.