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RECOUVREMENT

SAISIE CONSERVATOIRE

25 Octobre 2016

Cour d’appel de Cotonou - Article 54 AUPSRVE

Présentation des faits1

Monsieur L est avocat et a signé une convention d’assistance juridique avec le Port de Cotonou  ayant pour objet l'assistance et la représentation de ce dernier devant les instances disciplinaires, administratives ou de conciliation jugées nécessaires.

Monsieur L n’a pas été payé pour diverses prestations de sorte qu’il a adressé une note d’honoraires de 395 232 408, 563 F CFA au Port  de Cotonou le 15 octobre 2005.

Le Directeur du Port de Cotonou lui a versé deux acomptes d’un montant global de 50 000 000 FCFA.

Le solde restant dû est toutefois resté impayé, de sorte que, Monsieur L a donné sommation au Port de Cotonou de lui payer le solde de ses honoraires. Cette mise en demeure est restée dans suite.

N’ayant toujours pas de réaction, Monsieur L a saisi le bâtonnier de l’ordre des Avocats pour être autorisé à poursuivre le recouvrement de ses honoraires.

Après l’intervention du bâtonnier, le Port de Cotonou a versé un troisième acompte de neuf millions francs CFA.

Le bâtonnier a autorisé monsieur L à poursuivre le recouvrement de ses honoraires en justice.

Une requête aux fins de saisie conservatoire de créance a été adressée au Président du Tribunal de première instance de Cotonou. Monsieur L a obtenu une ordonnance le 14 novembre 2005 qui l’autorise à pratiquer saisie conservatoire sur les créances et avoirs du Port de Cotonou.

Monsieur L a, dès lors, pratiqué ladite saisie. Le Port de Cotonou a, de son côté, saisi le juge des référés du Tribunal de première instance et ce dernier a rétracté la décision de saisie et a ordonné la mainlevée en motivant, d'une part, que la créance en cause n'est pas liquide et, d'autre part, que le créancier ne justifie pas de circonstances de nature à menacer le recouvrement de sa créance.

Monsieur L a relevé appel de l'ordonnance de rétractation. En effet, ce dernier demande à la Cour qu’elle infime l’ordonnance de rétraction de la décision de saisie conservatoire. Monsieur L reproche à l'ordonnance de rétractation entreprise de se fonder sur l'article 54 de l’Acte Uniforme précité pour exiger à tort que la créance soit certaine, liquide, exigible et qu'il existe un péril dans son recouvrement.

Décision de la Cour d’Appel

La Cour rappelle que l’article 54 de l’Acte uniforme (AUPSRVE) dispose que « Toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut, par requête, solliciter de la juridiction compétente du domicile ou du lieu où demeure le débiteur, l'autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur tous les biens mobiliers corporels ou incorporels de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances de nature à en menacer le recouvrement».

La Cour estime que cette disposition n’exige pas pour justifier une saisie conservatoire que la créance soit certaine, liquide et exigible.

En effet, l’une des conditions est que la créance paraisse fondée en principe.

En l’espèce, la Cour constate qu’il existe une convention d’assistance juridique entre les parties et que la créance paraît fondée en son principe.

Partant, c’est-à-tort que le premier juge a exigé que la créance soit certaine, liquide et exigible.

Pour ce qui est de la seconde condition prévue par l’article 54 de l’Acte uniforme, à savoir, qu’il existe un péril dans le recouvrement de la créance.

La Cour constate que le silence gardé par le Port  de Cotonou face aux successives sommations de payer et la lettre de mise en demeure expriment une absence de contestation de la créance et est une résistance à payer le solde des honoraires dû à monsieur L.

Or, une telle résistance relativement à des honoraires qui sont des dettes alimentaires indispensables à la vie de la famille du créancier et à la bonne marche de son cabinet d'avocat lui crée un préjudice certain et constitue pour lui un péril en la demeure et une menace pour le recouvrement de sa créance.

Par conséquent, la Cour considère que le premier juge a fait une mauvaise application de l’article 54 de l’Acte uniforme et qu’il y a lieu d’infirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance de rétractation et de rétablir l'ordonnance du 14 novembre 2005 ayant autorisé monsieur L à pratiquer saisie conservatoire sur les créances et avoirs du Port  de Cotonou.

Bon à savoir

La saisie conservatoire peut-être définie comme étant une procédure de recouvrement de créances visant à soustraire les biens du débiteur à la libre disposition de ce dernier, et ce, afin de les conserver au profit du créancier.2 La saisie conservatoire peut porter sur tous les biens mobiliers, corporels ou incorporels appartenant au débiteur. Elle les rend indisponibles.3

L’article 54 de l’AUPSRVE prévoit que toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut, par requête, solliciter de la juridiction compétente du domicile ou du lieu où demeure le débiteur, l'autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur tous les biens mobiliers corporels ou incorporels de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances de nature à en menacer le recouvrement.

Le principe est dont qu’à défaut d'exécution volontaire, tout créancier peut, quelle que soit la nature de sa créance, contraindre son débiteur défaillant à exécuter ses obligations à son égard ou pratiquer une mesure conservatoire pour assurer la sauvegarde de ses droits.

Deux conditions doivent être réunies pour qu’un créancier puisse  procéder à une saisie conservatoire. Premièrement, il faut que la créance paraisse fondée en son principe, et deuxièmement, qu’il y ait des circonstances menaçant le recouvrement de la créance.

Il est intéressant de préciser qu’une créance paraît fondée lorsqu’elle est vraisemblable.4 Le juge ne doit donc pas vérifier que la créance est certaine, liquide et exigible. Pour ce qui est des circonstances menaçant le recouvrement de la créance5, il y a lieu d’entendre le fait que le créancier craigne l’insolvabilité imminente du débiteur.

______________

1. Cour d’appel de Cotonou, arrêt n°005/2006 du 30 novembre 1999, Jurisprudence béninoise, n° 3, 2007, p. 25 – www.ohada.com, Ohadata J-10-244.

2. A. MOUDJAHIDI, « La conversion de la saisie conservatoire en saisie exécutoire : fin de l'assignation en validité », www.ohada.com, Ohadata D-14-17.

3. Article 56 AUPSRVE.

4. A.M. Assi-Esso et Ndiaw Diouf, Recouvrement des créances, Bruylant, 2002, n° 132.

5. Tribunal de première instance de Yaoundé centre administratif, ordonnance du 14 décembre 2004, www.ohada.com, Ohadata J-05-200.