Toggle Menu
#agissons #agissons

RECOUVREMENT

INJONCTION DE PAYER

25 Octobre 2016

Cour Commune de Justice et d'Arbitrage (CCJA) - Article 12 et 14 AUPSRVE

Présentation des faits1

La société N a sollicité de la Banque, au profit de la société T, l’ouverture d’un crédit documentaire pour l’achat de gasoil au coût total de 665.450 dollars US.

Après la mise en place du crédit, la société T a livré à la société N la totalité du produit commandé et a présenté pour paiement à la Banque la facture accompagnée des documents afférents au crédit documentaire.

En dépit de la demande de la société N d’effectuer le paiement en faveur de la société, la Banque a estimé ne pas devoir payer étant donné que certains documents n’étaient pas conformes.

Ainsi, la société T a sollicité et obtenu le 15 novembre 2007 l’ordonnance d’injonction de payer les sommes dues.

La Banque a fait opposition à l’ordonnance d’injonction de payer et le Tribunal de commerce de Bamako a rendu le 30 juillet 2008 un jugement qui reçoit l’opposition mais dit que l’ordonnance d’injonction de payer de céans sortira ses pleins et entiers effets pour la somme de FCFA 306.327.700.

La Banque a fait appel de cette décision et a appelé en intervention forcée la société N. Le jugement rendu par la Cour d’appel annule l’Ordonnance d’injonction de payer étant donné qu’il existe une différence du montant de la créance retenu dans l'ordonnance d'injonction de payer et dans le jugement d'instance.

Par conséquent, la société T se pourvoi en cassation au motif que l’arrêt, dont pourvoi, a méconnu les dispositions des articles 12 et 14 de l’Acte uniforme sur les procédures simplifiées de recouvrement et les voies d’exécution, en se fondant sur la différence existant entre le montant mentionné dans l’ordonnance d’injonction de payer et celui retenu dans le jugement rendu sur opposition, en relevant qu’il est passé de 344.394.690 FCFA « avec intérêt au taux légal majoré » à 306.327.700 FCFA dans le jugement sur opposition, sans que ne soit précisé ni « le pourcentage appliqué, ni la période de référence ».

Décision de la CCJA  

La Cour rappelle qu’aux termes des dispositions combinées des articles 12 et 14 de l’Acte uniforme, « la juridiction saisie sur opposition procède à une tentative de conciliation ... [et] statue immédiatement sur la demande en recouvrement, même en l’absence du débiteur ayant formé opposition, par une décision qui aura les effets d’une décision contradictoire [et qui] ... se substitue à la décision portant injonction de payer ».

La Cour considère donc qu’il revient au juge saisi de l’opposition à injonction de payer de connaître l’entièreté du litige et de rendre, en cas d’échec de la tentative de conciliation des parties, une décision qui se substitue à l’ordonnance d’injonction de payer, et ce, en examinant tous les aspects du litige et sans méconnaître les caractères de certitude, de liquidité et d’exigibilité de la créance.

Par conséquent, en fondant sa décision de réformation sur une différence du montant de la créance retenu dans l’ordonnance d’injonction de payer et dans le jugement d’instance, l’arrêt incriminé a violé les dispositions de l’Acte uniforme susvisé.

En outre, la formulation retenue dans le jugement, consistant à vouloir faire sortir à l’ordonnance d’injonction de payer, « son plein et entier effet », est inadéquate au regard des dispositions combinées des articles 12 et 14 sus énoncées, qui prévoient que, « la juridiction saisie sur opposition … statue ... par une décision qui aura les effets d’une décision contradictoire [et qui] … se substitue à la décision portant injonction de payer ».

Par conséquent, la Cour réforme le jugement entrepris sur ce point et condamne la Banque à payer la somme de 306.327.700 FCFA à la société T.

Bon à savoir

Lorsque la décision d’injonction de payer a été signifiée au débiteur, ce dernier a la possibilité de faire opposition.2

La juridiction compétente saisie de l’opposition doit dans un premier temps, tenter une conciliation entre les parties.3

Si la conciliation aboutit, le président dresse un procès-verbal de conciliation qui sera signé par les parties et par le juge. Une expédition de ce procès-verbal sera revêtue de la formule exécutoire.4

A contrario, si la tentative de conciliation échoue, la juridiction statuera immédiatement sur la demande en recouvrement. Il est utile de préciser que la juridiction statuera même si le débiteur ayant formé opposition n’est pas présent. La décision prise alors par la juridiction aura les effets d’une décision contradictoire.

Aur regard de l’article 14 de l’Acte uniforme, il y a lieu de préciser que la décision de la juridiction saisie sur opposition se substitue à la décision portant injonction de payer.5

Ainsi, en fondant sa décision de réformation sur une différence du montant de la créance retenu dans l'ordonnance d'injonction de payer et dans le jugement d'instance, l'arrêt viole les articles 12 et 14 de l’Acte uniforme.

___________________________

 

1. CCJA, Arrêt n°031/2011 du 06 Décembre 2011, www.ohada.com, Ohadata J-13-167.

2. Tribunal de Première Instance de Douala Bonanjo, Jugement du 01/02/2012, www.ohada.com, Ohadata J-14-53.

3. CCJA, Arrêt n°096/2012 du 20 décembre 2012 : Aff. Monsieur K.P.E C/ Monsieur T.R., inédit. ; CCJA, arrêt n°013/2013 du 07 mars 2013, Aff. SAFCA C/ Sté DISRIVOIRE & Autres, inédit.

4. Article 33 alinéa 1er, 3° de l’AUPSRVE.

5. M. SAWADOGO, « La procédure d'injonction de payer de l'OHADA à l'épreuve de la pratique », in Bulletin du CREDAU n° 1, p. 5 et s.