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DROIT DES SOCIETES

SARL

25 Octobre 2016

Cour d’appel d’Abidjan – Articles 328 et 329 AUSCGIE (Révisé)

Présentation des faits1

Suivant courrier du 13 septembre 2002 écrit sur papier en tête de la Société Auditeurs Associés en Afrique dite KPMG, Monsieur P., Directeur Délégué de ladite Société, a manifesté son intention de prendre en location la villa de Monsieur A. moyennant un loyer mensuel de 1.400.000 francs à compter du 1er novembre 2002.

Par le même courrier, Monsieur P. a demandé la réalisation d’aménagements complémentaires pour adapter le local à ses convenances.

En réponse, Monsieur A. a accepté cette offre de conclure le bail au prix proposé par Monsieur P. 

Mais après avoir réalisé les aménagements sollicités, Monsieur A. a reçu le 18 octobre 2002 la lettre de Monsieur P. renonçant à son projet de conclure le contrat pour cause de coup d’état intervenu en Côte d’Ivoire 18 septembre 2002.

Monsieur A. a alors saisi le Président du Tribunal de Première Instance d’Abidjan pour voir condamner solidairement Monsieur P. et la Société KPMG à lui payer la somme principale de 6.804.055 au titre des travaux d’aménagement effectués à la demande de Monsieur P.

Par ordonnance n°64 du 20 décembre 2002, la Juridiction Présidentielle a fait droit à la demande de Monsieur A.

Monsieur P. et la Société KPMG ont alors formé opposition.

Par jugement du 16 juillet 2003, le Tribunal de Première Instance d'Abidjan, les a déclarés bien fondés et a débouté Monsieur A. de sa demande en recouvrement aux motifs que le locataire identifié est Monsieur P., de sorte que la créance poursuivie à l'égard da la Société KPMG n'est pas certaine. Concernant Monsieur P., le Tribunal a indiqué que les parties qui étaient en pourparlers n'ont jamais été liées par un quelconque contrat.

Par exploit du 11 août 2003, Monsieur A. a interjeté appel de ce jugement pour en solliciter l'infirmation.

Au soutien de son recours, Monsieur A. expose que contrairement aux termes de l'exploit d'opposition, la nature contractuelle de la créance litigieuse ne fait l'objet d'aucun doute. Il explique qu'il y a contrat en l'espèce du fait de la rencontre des volontés.

Il indique également qu'au regard des courriers des 12 septembre, 18 et 24 octobre 2002, Monsieur P. a contracté au nom et pour le compte de la Société KPMG dont il est le mandataire, de sorte que l'on ne peut la soustraire du lien contractuel.

Il soutient enfin que sa créance remplit les conditions de liquidité et d'exigibilité et représente le prix de la rétractation de l'offre. 

Monsieur P. et la Société KPMG répliquent et soutiennent que Monsieur A. ne justifie pas d'une créance de nature contractuelle dans la mesure où il reconnaît lui-même cette absence de contrat, lorsqu'il affirme que sa créance n'est que le prix de la rétractation d'une offre. Ils relèvent aussi que la créance de l'espèce n'est ni certaine, ni liquide et exigible puisqu'il ne résulte pas des documents produits que Monsieur A. a fait exécuter et payer des travaux. Ils concluent à la confirmation de la décision attaquée. 

Décision de la Cour d’appel d’Abidjan

Sur la créance à l’égard de la société KPMG

La Cour d’appel d’Abidjan observe tout d’abord que Monsieur P., qui rédigeait ses courriers sur des papiers en-tête de la Société KPMG, prenait soin de préciser qu'il agissait en qualité de Directeur Délégué.

Dans ces conditions, Monsieur A. ne peut, à bon droit, prétendre que Monsieur P. a agi comme mandataire de la Société KPMG. En effet, la KPMG, étant une SARL, elle ne peut être légalement représentée que par son gérant. 

Il en découle que c'est à bon droit que le premier juge a mis hors de cause la Société KPMG.

Par conséquent, la Cour d’appel confirme le jugement attaqué en ce qui la concerne. 

Sur la créance à l’égard de Monsieur P.

La Cour d’appel d’Abidjan rappelle tout d’abord que par courrier du 12 septembre 2002, Monsieur P. a confirmé son offre de location relative à la villa de Monsieur A. Il s'agit d'une offre ferme et précise dont l'acceptation suffit à former le contrat.

En l'espèce, cette offre a été acceptée par Monsieur A. par courrier, de sorte que le bail est conclu entre les parties.

La Cour d’appel considère que depuis cet instant, Monsieur A. a perdu toute possibilité de rétracter son offre. La rétractation de l'offre intervenue le 18 octobre 2002 après son acceptation équivaut à une rupture du lien contractuel donnant droit à l'indemnité réparatrice.

Or, les dommages et intérêts ne remplissent pas les conditions de certitude, de liquidité et d'exigibilité de la créance telles que prévues par l'article 1 de l'Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution. Une telle créance est insusceptible de recouvrement selon la procédure de l'injonction de payer. Il s'ensuit que c'est à bon droit que le premier juge a débouté Monsieur A. de sa demande.

Par conséquent, la Cour d’appel confirme le jugement contesté par substitution de motifs. 

Bon à savoir

S’agissant des pouvoirs et des responsabilités du ou des gérants, il convient de les examiner, d’abord, dans les relations entre associés et, puis, dans les rapports vis-à-vis des tiers.

Dans les rapports entre les associés et en l'absence de la détermination de ses pouvoirs par les statuts, le gérant a le pouvoir d’accomplir tous les actes de gestion entrant dans l’objet social et doit veiller aux intérêts de la société2. Il exerce donc un pouvoir de représentation illimitée de la société3.

Lorsque plusieurs gérants sont désignés, chaque gérant détient les mêmes pouvoirs que s'il était seul gérant de la société. L’Acte uniforme réserve, toutefois, la possibilité pour chacun de s'opposer à toute décision prise par un autre gérant4.

Dans les rapports avec les tiers, le ou les gérants disposent de tous les pouvoirs pour agir au nom de la société à responsabilité limitée, dans la limite de l’objet social. De plus, les actes du ou des gérants qui outrepassent l’objet social peuvent engager la société, sauf si elle démontre que le tiers savait ou aurait dû savoir, compte tenu des circonstances, que l’acte dépassait son objet5.

Les clauses statutaires qui limiteraient les pouvoirs des gérants sont rendues inopposables aux tiers, quand bien même ces derniers seraient de mauvaise foi et auraient connaissance de l’existence de telles clauses6.

 

Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.

_________________

1. Cour d’appel d’Abidjan, Chambre Civile et Commerciale, arrêt n° 644 du 11 juin 2004, AMANI ASSIE Gervais C/ STE KPMG et un autre, Ohadata J-05-338, www.ohada.com

2. Ph. Merle, Droit commercial – Sociétés commerciales, 6e éd., Paris, Dalloz, 1998, n°197 ; E. Scholastique, Le devoir de diligence des administrateurs de sociétés (droits français et anglais), t. 302, Paris, LGDJ, 1998.

3. Req., 21 mars 1939, Gaz. Pal., 1939, I, p. 974.

4. Article 328, alinéa 2 de l’Acte uniforme révisé relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique.

5. Article 329, alinéas 1 et 2 de l’Acte uniforme révisé relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique.

6. Article 328, alinéa 3 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique.