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DROIT DES SOCIETES

SARL

25 Octobre 2016

Cour d'appel de Bobo-Dioulasso - articles 200 et 337 AUSCGIE (Révisé)

Présentation des faits1

En 1993, Monsieur O. avec Messieurs K. B. ; K.N et T., ainsi qu’avec l’Association des exportateurs de bétail et l’Association des exportateurs de colas, une société à responsabilité limitée, dénommée la STCI SARL.

Le 1er décembre 1993, Monsieur O. a été nommé gérant par l’assemblée générale extraordinaire.

Par la suite, Monsieur O. a constaté que les serrures des bureaux du siège ont été changées à son insu. Il a appris par les journaux qu’à l’occasion d’une assemblée générale extraordinaire son mandat de gérant aurait été révoqué et que les associés auraient cédé leurs parts sociales à Monsieur K. B. Ce dernier réunissait entre ses mains plus de la majorité du capital social, sans que cela ne soit porté à la connaissance de Monsieur O.

Par exploit d’huissier du 2 novembre 2005, Monsieur O. a assigné ses coassociés devant le tribunal de grande instance de Bobo-Dioulasso afin de prononcer la dissolution de la STCI SARL.

Par jugement n°224 du 28 juin 2006, le tribunal de grande instance a fait droit à la demande de Monsieur O. Ainsi, il a prononcé la dissolution de la société et a nommé Maître S. liquidateur.

Par exploit d’huissier du 6 juillet 2006, Monsieur K.B. a interjeté appel dudit jugement. 

Décision de la Cour d’appel de Bobo-Dioulasso

Sur la dissolution de la société

La Cour d’appel de Bobo-Dioulasso rappelle tout d’abord que conformément à l’article 200-5 de l’AUSCGIE, la société prend fin par la dissolution anticipée prononcée par la juridiction compétente, à la demande d’un associé pour justes motifs, notamment en cas d’inexécution de ses obligations par un associé ou de mésentente entre associés empêchant le fonctionnement normal de la société.

Selon la doctrine, les justes motifs ont pour effet de paralyser l’activité sociale. Cette paralysie n’est pas seulement d’ordre juridique, il faut que l’activité économique soit réellement paralysée.

La Cour d’appel précise que si l’activité économique se poursuit malgré la mésentente, la dissolution ne sera pas prononcée.

En l’espèce, même s’il y a mésentente, la STCI SARL continue de fonctionner.

Par ailleurs, la dissolution ne sera pas non plus prononcée, si le demandeur porte la mésentente de la mésentente dont il se prévaut.

Selon la Cour, il est indéniable que Monsieur O. est l’initiateur de la mésentente pour les raisons sus évoqués.

Par conséquent, il y a lieu de ne pas faire droit à sa requête.

Sur la reddition des comptes

Il ressort de la lecture combinée des articles 137, 138 et 140 de l’AUSCGIE que le gérant, à la clôture de chaque exercice établit et arrête les états financiers de synthèse, établit un rapport de gestion dans lequel il expose la situation de la société durant l’exercice écoulé, son évolution prévisible, en particulier les perspectives de l’activité, l’évolution de la situation de la trésorerie et le plan de financement.

Le rapport de gestion et les états financiers de synthèse annuels sont présentés à l’assemblée générale qui en statue.

La Cour d’appel de Bobo-Dioulasso précise qu’à défaut de cela, Monsieur K. B. aurait pu sur base de l’article 337 de l’AUSCGIE saisir la juridiction compétente pour désigner un mandataire chargé de convoquer l’assemblée et de fixer son ordre du jour.

Dès lors, la Cour d’appel considère que Monsieur K.B. est mal fondé à demander la reddition de comptes et il convient de l’en débouter. 

Sur l’allocation de dommages et intérêts 

Monsieur K. B. sollicite la condamnation de Monsieur O. à lui payer la somme de 1.500.000 F CFA à titres de dommages et intérêts. Il prétend en effet avoir un préjudice du fait de la mauvaise gestion de Monsieur O.

En l’espèce, il n’est pas contesté que Monsieur O. a effectivement créé l’UGTM, une société concurrentielle, et a débauché le personnel de la STCI.

Mais, la Cour d’appel rappelle que conformément à l’article 164, alinéa 2 de l’AUSCGIE, l’action individuelle se prescrit par trois ans à compter du fait dommageable ou s’il a été dissimulé dès sa révélation, l’action individuelle se prescrit par 10 ans pour les crimes. 

Il ressort des pièces du dossier que c’est le 12 août 2002 que l’assemblée générale extraordinaire s’est réunie pour procéder à la révocation de Monsieur O. comme gérant. Du 12 août 2012 au 02 novembre 2005, date de l’assignation, il s’est écoulé plus de 3 ans.

Il convient donc de déclarer la demande de dommages et intérêts de Monsieur K. B. irrecevable pour cause de forclusion.

Au vu de tout ce qui précède, la Cour d’appel de Bobo-Dioulasso infirme le jugement n°224 du 28 juin 2006, déclare la demande de Monsieur O.  en dissolution de la STCI SARL comme non fondée et déboute Monsieur K. B. de sa demande reconventionnelle en reddition de comptes et celle en allocation de dommages et intérêts.

Bon à savoir

La société à responsabilité limitée est soumise aux causes de dissolution communes à toutes les sociétés commerciales2. Ainsi, elle prend fin par dissolution anticipée prononcée par la juridiction compétente, à la demande d’un associé pour justes motifs3, notamment de mésentente entre associés empêchant le fonctionnement de la société4.

Pour que la dissolution soit prononcée, il faut que l’activité économique de la société soit paralysée en raison de la mésentente des associés et que la mésentente ne soit pas imputable à celui qui s’en prévaut en justice5.  

 

Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.

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1. Cour d'appel de Bobo-Dioulasso, arrêt n°11 du 25 juin 2008, Korbeogo Barthélemy c/ Ouedraogo R. Fulbert, Ohadata J-12-110, www.ohada.com

2. D. NDIAW, « Les sociétés de personnes », in Sociétés commerciales et G.I.E., Bruxelles, Bruylant, 2002, p. 397.

3. Article 200, 5° de l’Acte uniforme révisé relatif au droit des sociétés commerciales et au groupement d’intérêt économique.

4. Tribunal régional hors classe de Dakar, Jugement n°089 du 14 mai 2004, JOËL GUY YVES LELIÈVRE c/ SARL S.S.B et S.S.B.M, Ohadata J-05-282, www.ohada.com ; Voy. aussi : Tribunal de Grande Instance de Ouagadougou, Jugement n°631 du 12 juin 2002, KINDA JEAN PASCAL c/ TRUCHET FIRMIN, Ohadata J-04-18, www.ohada.com.

5. Cour d'appel de Bobo-Dioulasso, arrêt n°11 du 25 juin 2008, Korbeogo Barthélemy c/ Ouedraogo R. Fulbert, Ohadata J-12-110, www.ohada.com