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DROIT DES SOCIETES

SARL

25 Octobre 2016

Cour d'appel d'Abidjan - Article 159 AUSCGIE (Révisé)

Présentation des faits1

Monsieur T. est actionnaire de la SARL M au capital de 50.000.000 F CFA réparti en 5000 parts, à hauteur de 1.245 parts, soit 24,9 % du capital social avec comme autres actionnaires Monsieur L., gérant 2.450 parts, Monsieur M. 740 parts et Monsieur S. 565 parts.

Depuis le 31 décembre 1997, date du dernier bilan jusqu'au 31 décembre 2003, soit six exercices sociaux, aucun bilan de gestion de la SARL M n’a été présenté à Monsieur T. et aucune convocation ne lui a été adressée pour assister à une quelconque assemblée générale.

Monsieur T. reproche à Monsieur L., l'actuel gérant, de gérer la SARL M comme il l'entend, sans lui rendre compte.

Monsieur T. détient 24,9% du capital social, soit plus du cinquième. C'est pourquoi, usant de ses droits au regard des articles 137 et 159 de l’acte uniforme relatif aux Sociétés commerciales, il sollicite la désignation d'un expert comptable aux fins de réaliser un audit de la gestion de Monsieur L. durant les six derniers exercices (de 1998 à 2003) de la SARL M.

Monsieur T. a cité la société M. et Monsieur L. son gérant associé à comparaitre devant la juridiction présidentielle du Tribunal d'Abidjan pour voir désigner un expert comptable, aux fins de réaliser un audit de la gestion de Monsieur L. durant les six derniers exercices de la SARL M.

Pour faire droit à l'action de Monsieur T., le premier juge a estimé que dans l'intérêt même des associés, il n'est pas inopportun d'ordonner l'audit de la Société sur la période concernée, par décision de justice avec l'intervention d'un nouvel homme de l'art et de façon contradictoire.

La SARL a alors interjeté appel de la décision rendue par le premier juge.

A l’appui de son appel, la SARL M expose que spécialisée dans la mécanique de précision, elle a pour gérant Monsieur L. et Monsieur T., le Directeur technique. Courant janvier 2003 le gérant devant être rapatrié d'urgence sur la France pour des raisons de santé avant son départ, il avait confié la gestion à son Directeur technique. Après huit mois de gestion, le gérant a constaté à son retour une chute du chiffre d’affaires due au défaut de facturation des travaux tous exécutés et livrés par la Société. Cette faute lourde a entraîné le licenciement de Monsieur T., qui désormais, mu par un esprit de vengeance contestait toutes les assemblées tenues par le gérant et les bilans par lui dressés et sollicitait un audit de la Société.

La SARL M soutient que le gérant a toujours dressé les bilans de la Société et tenu des assemblées générales. Monsieur T. qui en a pris part a le droit de solliciter ces documents et de soumettre au gérant tout fait de nature à compromettre l'exploitation de la Société. Ne l'ayant pas fait, il est donc mal fondé à reprocher au gérant un défaut de présentation des bilans.

Par ailleurs, elle invoque que l'audit est inopportun, dans la mesure où les faits allégués sont non fondés. En effet, la présence d'une tierce personne au sein de la société pour une mission inopportune ne manquera pas de perturber le fonctionnement de la société.

Pour sa part, Monsieur T., soulève in limine litis la nullité de l'acte d'appel et conclut au mal fondé de l'action de la société M, soulignant que l'expertise sollicitée n'est pas fondée sur l'existence de griefs relevés, à l'encontre du gérant, mais découle du droit qu'a l'associé détenant au moins 20% du capital social.

Décision de la Cour d'Appel d'Abidjan

La Cour d’appel d’Abidjan rappelle tout d’abord que conformément à l'article 159 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d'intérêt économique, un ou plusieurs associés représentant au moins le cinquième du capital social peuvent, soit individuellement, soit en se groupant sous quelque forme que ce soit, demander au président de la juridiction compétente du siège social, la désignation d'un ou plusieurs experts chargés de présenter un rapport sur une ou plusieurs opérations de gestion.

La Cour d’appel constate qu’en l’espèce, Monsieur T. détient plus du cinquième du capital social avec ses parts. A ce titre, sa demande d'audit à ses propres frais sur la gestion du gérant pendant les six derniers exercices est fondée.

La Cour d’appel d’Abidjan considère donc que c’est à tort que l'ordonnance querellée est contestée par la SARL M et déclare le présent appel non fondé.

Bon à savoir

Avant la réforme de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et au groupement d’intérêt économique, il fallait détenir 20% du capital social de la société individuellement ou collectivement pour faire une demande d’expertise de gestion2.

Avec la réforme, 10% des actions sont désormais requises. En effet, conformément à l’article 159 de l’Acte uniforme révisé relatif au droit des sociétés commerciales et au groupement d’intérêt économique, un ou plusieurs associés représentant au moins le dixième du capital social peuvent, soit individuellement, soit en se groupant sous quelque forme que ce soit, demander à la juridiction compétente du siège social statuant à bref délai, la désignation d’un ou de plusieurs experts chargés de présenter un rapport sur une ou plusieurs opérations de gestion3.

Aucune autre condition que celle relative à la proportion de représentation dans le capital social n’est requise pour les associés désirant demander une expertise de gestion4

La demande d’expertise de gestion doit porter sur une ou plusieurs opérations de gestion déterminées. Chaque opération doit ainsi être précisée par l’associé. Ce dernier sera ainsi empêché de solliciter une expertise portant sur la gestion générale de la société par les organes de gestion.

 

Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque. 

________________

1. Cour d'Appel d'Abidjan, arrêt n°376 du 02 mars 2004, SOCIÉTÉ METALOCK PROCESS-CI SARL C/ TOURREGUITART JORGE CLUSSELA, Ohadata J-04-489, www.ohada.com

2. Voy. à ce sujet, B. DIALLO, M. KONATE, Y.B. MEUKE, « Gestion de crise en Ohada : anticipation conventionnelle et statuaire – gestion négociée et règlement des conflits internes », Jurisfis info, n°4, juillet-août 2009, p. 2 ; P. DJEDJE, L. HOMMAN-LUDIYE, « Le contrôle de la gestion des SA et des SARL », Cahiers juridiques et fiscaux, CFCE 1998, n°2, p. 317.

3. Article 159 de l’Acte uniforme révisé relatif au droit des sociétés commerciales et au groupement d’intérêt économique.

4. A. FENEON, Droit des sociétés en Afrique [OHADA], Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine), LGDJ, 2015, p. 448.