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DROIT DES SOCIETES

SARL

25 Octobre 2016

Cour d'Appel de Lomé - Article 325 AUSCGIE (Révisé)

Présentation des faits1

Courant année 1995, Monsieur R. et Monsieur H ont constitué une SARL, dénommée la SARL R.

Monsieur H, coassocié de R., a été nommé gérant statutaire. En 2001, le contrat de société lui attribuait en 2001 5% des parts sociales et faisait de lui le gérant statutaire de la société avec un salaire mensuel de 150. 000 FCFA. Des émoluments spéciaux ont été ultérieurement convenus.

Depuis la création de la société, aucun de ses salaires ni dividendes ne lui a toutefois été versé.

Monsieur H. disposait ainsi d’une créance totale de 70.400.000 F CFA sur la SARL R et son directeur  Monsieur R.. Cette créance est constituée de 5.400.000 F CFA au titre des arriérés de salaires et de 65.000.000 F CFA au titre des dividendes de 1995 à 2000.

Monsieur H. a fait alors pratiquer une saisie conservatoire sur les biens meubles corporels de la SARL R et de Monsieur R.

Monsieur H. a ensuite assigné, par exploit d’huissier de justice du 07 novembre 2001, la SARL R et Monsieur R devant le tribunal le premier Instance de Lomé pour voir valider les saisies, les voir commuer en saisie-vente et voir ordonner l’enlèvement immédiat des biens saisis.

Le Tribunal, sur les arriérés de salaires, a estimé qu’il était incompétent, parce qu’il y avait une relation de subordination entre Monsieur H. et Monsieur R., relation qui, conjuguée avec l’acceptation par celui-ci du statut de salarié au sens du Code du travail nonobstant sa position de gérant statutaire et de coassocié avec lequel ce statut n’est pas incompatible. Sur les intérêts et dividendes, il a débouté Monsieur H. de sa demande au motif que les bénéfices engrangés n’ont pas été établis parce que Monsieur H. n’a pas produit les bilans annuels chiffrés de la société sur la base desquels ces bénéfices sont calculés.

Monsieur H. a alors interjeté appel de la décision.

Décision de la Cour d’appel de Lomé

La Cour d’appel de Lomé rappelle tout d’abord que le gérant d’une SARL est son mandataire, que comme tel il la représente et l’engage dans les conditions définies par l’Acte Uniforme sur les sociétés commerciales et GIE et est personnellement responsable envers cette société ou envers les tiers.

La Cour d’appel rappelle également que conformément à l’article 325 de l’Acte Uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique, les fonctions du gérant d’une SARL sont gratuites ou rémunérées.

Il en résulte que lorsqu’elles sont rémunérées la rémunération versée n’est pas un salaire et que le gérant, en cette qualité, n’est pas un salarié au sens du Code du travail.

Il est certes loisible aux parties de convenir avec le gérant d’un contrat de travail, mais il s’agit dans ce cas de la superposition de deux statuts, à savoir celui de gérant et celui de salarié. Le gérant ou mandataire de la société n’est pas, pour cette fonction qui peut être gratuite, lié par un contrat de travail, lequel contrat implique nécessairement un salaire.

En l’espèce,  Monsieur H., coassocié de Monsieur R., était en même temps gérant de la SARL R. Celui-ci percevait une rémunération mensuelle. Ses fonctions de gérant n’étaient donc pas gratuites.

La Cour d’appel de Lomé estime ensuite que pour le cas où que sa rémunération n’est pas payée, elle ne peut être réclamée devant le Tribunal du travail, mais doit plutôt l’être devant le juge du droit commun.

La Cour d’appel souligne que le principe de la rémunération des gérants de SARL est énoncé par l’article 325 de l’Acte Uniforme sur les sociétés commerciales et GIE. Toute réclamation portant sur cette rémunération relève de la compétence du tribunal compétent pour appliquer cet Acte uniforme, c’est-à-dire au Togo le Tribunal de Première Instance.

En l’espèce, c’est la rémunération due au titre de ses fonctions de gérant de la SARL R que Monsieur H. réclame, même si à tort il l’appelle quelquefois salaire. Comme cette rémunération ne peut être considérée comme un salaire, Monsieur H. ne pouvait porter sa réclamation que devant le Tribunal de Première Instance, comme il l’a fait.

Par conséquent, la Cour d’appel de Lomé considère que c’est à tord que le premier juge s’est déclaré incompétent.

Bon à savoir

Les fonctions du gérant peuvent être gratuites ou rémunérées2. Dans ce cas, la rémunération des gérants est déterminée par les statuts ou par une décision collective des associés, sans tenir compte de la participation au vote du gérant-associé3. Le gérant a le statut d’un mandataire social et, partant, ne peut être considéré comme un salarié de la société.

Toutefois, il peut être lié à la société par un contrat de travail, pour autant qu’il existe un lien de subordination entre l’associé et la société et que le contrat corresponde à un travail effectif. Aucune disposition n’interdit, en effet, au gérant d’exercer des fonctions en tant que salarié4. Dans ce cas, il percevra un salaire, comme tout travailleur. Mais, il s’agit dans ce cas de la superposition de deux statuts, à savoir celui de gérant et celui de salarié. Le gérant ou mandataire de la société n’est pas, pour cette fonction qui peut être gratuite ou non, lié par un contrat de travail5.

 

Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.

_________________

1. Cour d'Appel de Lomé, arrêt n°044/09 du 26 mars 2009, , SIEUR HOUNKPEDJI KASSIA / SOCIÉTÉ RAINER AUTOMOBILE, SIEUR RAINER BAIL, Ohadata J-10-155, www.ohada.com

2. D. NDIAW, « Les sociétés de personnes », in Sociétés commerciales et G.I.E., Bruxelles, Bruylant, 2002, p. 379.

3. Article 325 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique.

4. A. FENEON, Droit des sociétés en Afrique (OHADA), Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine), LGDJ, 2015, p. 807.

5. Cour d'Appel de Lomé, arrêt n°044/09 du26 mars 2009, SIEUR HOUNKPEDJI KASSIA / SOCIÉTÉ RAINER AUTOMOBILE, SIEUR RAINER BAIL, Ohadata J-10-155, www.ohada.com.