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DROIT DES SOCIETES

SARL

25 Octobre 2016

Tribunal de grande instance de Ouagadougou (Burkina Faso) – Articles 200-5 et 201 AUSCGIE (Révisé)

Présentation des faits1

Courant année 1987, Monsieur K. a, en association avec Monsieur T., créé une société à responsabilité limitée, dénommée la SARL « Jeux J.P. ». 

La société a fonctionné sans difficultés pendant une dizaine d'années. 

Cependant, depuis quelque temps, la confiance entre Monsieur K. et Monsieur T. s'est progressivement effritée. 

En effet, Monsieur T. a créé tant à l'intérieur du pays qu'à l'extérieur des activités similaires à ceux de « Jeux J.P. » manifestant ainsi la volonté de nuire à la société « Jeux J.P. ». Cela révèle une mésentente empêchant le fonctionnement normal de la société.

Monsieur T. ne trouve plus aucun intérêt dans le maintien de la société. Cependant, il refuse sa dissolution anticipée. 

C'est pourquoi, Monsieur K. a recouru à la justice conformément à l'article 200-5 de l'Acte uniforme relatif aux sociétés commerciales et au groupement d’intérêt économique pour voir prononcer la dissolution anticipée de la SARL « Jeux J.P. ». Par acte du 20 décembre 2000, Monsieur K. a ainsi assigné Monsieur T. à comparaitre devant le Tribunal de grande instance de Ouagadougou le 10 janvier 2001 pour :

-       s'entendre prononcer la dissolution de la SARL «Jeux J.P. » ;

-       s'entendre en conséquence, ordonner la liquidation de la SARL « Jeux J.P.» ;

-       s'entendre désigner un liquidateur pour y procéder.

En réplique, Monsieur T. soutien que les affirmations de Monsieur K. ne sont pas prouvées. En outre, à supposer qu'il exploite des maisons de jeux similaires à la SARL « Jeux J.P. », il convient de remarquer d'une part que rien dans les statuts de la SARL ne prévoit une interdiction dans ce sens et d'autre part que cela se passe dans un rayon supérieur à 300 km de Ouagadougou et ne saurait donc justifier sa demande.

Il explique que c'est plutôt Monsieur K. lui-même qui exploite un casino situé à moins de 15 km de « Jeux J.P. ».

Il conclut au rejet de la demande de Monsieur K., aux motifs que l'article 200-5 de l'Acte uniforme relatif aux sociétés commerciales et au groupement d’intérêt économique exige comme condition de la liquidation anticipée, de justes motifs.

Ainsi, Monsieur K. doit, pour obtenir la dissolution anticipée de la SARL « Jeux J.P. », prouver l'existence d'une mésentente entre actionnaires, qui empêcherait la société de fonctionner normalement. Faute d'avoir fait cette double preuve, sa demande n'est pas fondée et doit donc être rejetée.

Contre cette explication, Monsieur K. fait valoir qu'aujourd'hui l'affectio societatis n'existe plus entre eux en raison de l'exploitation par Monsieur T. d'activités similaires à celles de « Jeux J.P. » à son insu. 

Par deux actes datés du 13 juillet 2001, Monsieur T. a, par ailleurs, assigné Monsieur K. devant le Tribunal de grande instance de Ouagadougou le 17 octobre 2001 pour s'entendre :

-    d'une part ordonner à Monsieur K. de rendre compte de sa gestion pour les exercices 1998 à 2000 et ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir


-      d'autre part, condamner Monsieur K. à lui payer des dommages et intérêts pour faits de concurrence déloyale, ordonner la fermeture du casino du TOP 2000 et ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

Pour soutenir sa demande, il explique qu'à la création de la SARL « Jeux J.P. », Monsieur K. a été nommé gérant. Depuis 1986, il n'a jamais rendu compte de sa gestion. De plus, Monsieur K. a usé des biens et du crédit de la société dans son seul intérêt. La reddition des comptes est donc justifiée ;

Il explique en outre que Monsieur K. exploite à Ouagadougou un casino au TOP 2000 et que cette activité concurrence fortement celle que mène « Jeux J.P. » à l'Hôtel Indépendance. En effet en raison de la confusion qu'elle fait naître au niveau de la clientèle de la SARL « Jeux J.P. », Monsieur K. a opéré un détournement de clientèle. De plus, il a transféré certains matériels de la SARL « Jeux J.P. » au casino TOP 2000 et y envoie travailler le caissier de la SARL « Jeux J.P. ».

Décision du Tribunal de grande instance de Ouagadougou

Sur la jonction des instances

Les différences instances visent respectivement la dissolution de la SARL « Jeux J.P. », la reddition des comptes de gestion de cette même société pour les exercices 1998, 1999 et 2000 et enfin à déclarer Monsieur K. auteur de concurrence déloyale contre la SARL « Jeux J.P. ». 

Ces instances présentent un lien tel qu'une bonne administration de la justice commande qu'elles soient instruites et jugées ensembles.

Il y a donc lieu ordonner leur jonction.

Sur la demande en dissolution de la SARL

Le Tribunal de grande instance de Ouagadougou rappelle tout d’abord que conformément à l'article 200-5 de l’Acte uniforme relatif aux sociétés commerciales et au groupement d’intérêt économique, la société prend fin par la dissolution anticipée prononcée par la juridiction compétente, à la demande d'un associé pour justes motifs, notamment en cas de mésentente entre associés empêchant le fonctionnement normal de la société.

Le tribunal de grande instance définit ensuite la société commerciale comme une personne morale créée par deux ou plusieurs personnes pour poursuivre un intérêt commun justifiant leur affectio societatis. Le tribunal précise à cet égard que la société ne peut atteindre l'objectif commun des parties, lorsque l'affectio societatis n'existe plus.

Il résulte des pièces de la présente procédure que Monsieur T. a perdu toute confiance en Monsieur K. qu'il a assigné en justice en concurrence déloyale contre leur société commune et en reddition des comptes. 

Pareillement, Monsieur K. reproche à son associé d'exercer des activités qui portent atteintes aux intérêts de la société « Jeux J.P ». Il ajoute qu'il ne veut plus rester en société avec Monsieur T. et demande en conséquence la dissolution de la SARL « Jeux J.P. ». 

Il ressort de ce qui précède que les associés Messieurs K. et T. sont en mésintelligence totale par rapport au fonctionnement de leur société, la SARL « Jeux J.P. ». Ainsi, depuis plusieurs exercices, ils ne sont pas parvenus à approuver de commun accord les comptes de la société, ni a tenir l'Assemblée générale en vue de statuer sur les décisions collectives conformément à l'article 347 de l'acte uniforme sur les sociétés commerciales et GIE. 

Le tribunal estime que la mésentente entre Messieurs K. et T. empêche indubitablement le fonctionnement normal de la société, d'où il suit que la dissolution anticipée est justifiée.

Il convient donc de l'ordonner et, par application des dispositions de l'article 226 de l'Acte uniforme relatif aux sociétés commerciales et au groupement d’intérêt économique, nommer Monsieur S. en qualité de liquidateur.

Le Tribunal de grande instance de Ouagadougou rappelle par ailleurs qu’aux termes de l'article 201 de l'Acte uniforme relatif aux sociétés commerciales et au groupement d’intérêt économique, « la dissolution de la société pluripersonnelle emporte de plein droit sa mise en liquidation ».

La liquidation emporte, quant à elle, reddition des comptes de la société en liquidation.

Par conséquent, le tribunal considère que la demande reddition des comptes de la SARL « Jeux J.P. » est sans objet en raison de sa dissolution et de sa mise en liquidation.

Bon à savoir

La société à responsabilité limitée (SARL) est soumise aux causes de dissolution communes à toutes les sociétés commerciales2. Ainsi, elle prend fin par dissolution anticipée prononcée par la juridiction compétente, à la demande d’un associé pour justes motifs3, notamment de mésentente entre associés empêchant le fonctionnement de la société4.

Pour que la dissolution soit prononcée, il faut que l’activité économique de la société soit paralysée en raison de la mésentente des associés et que la mésentente ne soit pas imputable à celui qui s’en prévaut en justice5.  

Une telle demande en dissolution anticipée est ainsi fondée, lorsque les associés de la SARL ne parviennent plus à approuver de commun accord les comptes de la société, ni a tenir l'Assemblée générale en vue de statuer sur les décisions collectives6.

 

Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.

_______________

1. Tribunal de grande instance de Ouagadougou (Burkina Faso), jugement n° 631 du 12 juin 2002, KINDA Jean Pascal c/ TRUCHET Firmin, Ohadata J-04-18, www.ohada.com

2. D. NDIAW, « Les sociétés de personnes », in Sociétés commerciales et G.I.E., Bruxelles, Bruylant, 2002, p. 397.

3. Article 200, 5° de l’Acte uniforme révisé relatif au droit des sociétés commerciales et au groupement d’intérêt économique.

4. Tribunal régional hors classe de Dakar, Jugement n°089 du 14 mai 2004, JOËL GUY YVES LELIÈVRE c/ SARL S.S.B et S.S.B.M, Ohadata J-05-282, www.ohada.com ; Voy. aussi : Tribunal de Grande Instance de Ouagadougou, Jugement n°631 du 12 juin 2002, KINDA JEAN PASCAL c/ TRUCHET FIRMIN, Ohadata J-04-18, www.ohada.com.

5. Cour d'appel de Bobo-Dioulasso, arrêt n°11 du 25 juin 2008, Korbeogo Barthélemy c/ Ouedraogo R. Fulbert, Ohadata J-12-110, www.ohada.com

6. Tribunal de grande instance de Ouagadougou (Burkina Faso), jugement n° 631 du 12 juin 2002, KINDA Jean Pascal c/ TRUCHET Firmin, Ohadata J-04-18, www.ohada.com