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DROIT COMMERCIAL

LE BAIL COMMERCIAL

25 Octobre 2016

Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) – Article 101 AUDCG – Article 133 AUDCG Révisé

Présentation des faits1

Le 27 avril 1992, est conclu entre Monsieur K., bailleur, et la SOCADIC, locataire, un bail commercial de trois ans renouvelable par tacite reconduction.

Le 28 août 2007, Monsieur K. a sollicité du juge des réfères du Tribunal de première instance de Yaoundé Centre-administratif, l’expulsion de la SOCADIC, aux motifs de la rétention d’un précompte locatif, du défaut de souscription d’une police d’assurance, du paiement tardif des loyers et de l’arrivée à terme du contrat de bail liant les parties.

Par ordonnance n° 53/C du 22 janvier 2008, le juge des référés s’est déclaré incompétent.

Sur recours de Monsieur K., la Cour d’appel de Yaoundé a retenu sa compétence en référé et, par arrêt n° 241/CIV du 19 janvier 2009, a ordonné l’expulsion de la SOCADIC.

La SOCADIC a alors formé un pourvoi de cassation contre ledit arrêt. 

Décision de la Cour commune de Justice et d’Arbitrage

La Cour commune de Justice et d’Arbitrage rappelle tout d’abord qu’il est reproché à l’arrêt attaqué d’avoir violé l’article 101 de l’Acte uniforme relatif au droit commercial général.

Elle rappelle ensuite le contenu de l’article 101, lequel dispose qu’à défaut de paiement de loyer ou en cas d’inexécution d’une clause du bail, le bailleur pourra demander à la juridiction compétente la résiliation du bail et l’expulsion du preneur après avoir fait délivrer une mise en demeure – qui doit reproduire, sous peine de nullité, les termes du présent article et informer le preneur qu’à défaut de paiement ou de respect des clauses et conditions du bail dans un délai d’un mois, la résiliation sera poursuivie – et, en cas d’exploitation d’un fonds de commerce, après notification de la demande de résiliation aux créanciers inscrits.  

La violation alléguée résiderait, selon la SOCADIC, d’abord en ce que si les termes dudit article sont reproduits dans la mise en demeure du 04 décembre 2006, nulle part n’y figure l’information au preneur qu’à défaut de paiement ou de respect des clauses et conditions du bail dans un délai d’un mois, la résiliation sera poursuivie alors que cette mention est prescrite à peine de nullité. Ensuite, en ce qu’en dehors du non paiement des loyers, l’arrêt s’est fondé sur des prétendues violations de la loi qui n’ont jamais fait l’objet d’une mise en demeure notifiée au preneur. Enfin, en ce que la demande d’expulsion n’a pas été notifiée par Monsieur K. aux créanciers inscrits sur le fonds de commerce, comme l’exige l’alinéa 4 de l’article 101.

Mais, la Cour commune de Justice et d’Arbitrage observe en l’espèce que dans la mise en demeure, non seulement l’article 101 a été intégralement reproduit mais aussi y figure la mention que la SOCADIC dispose du délai d’un mois à compter de la signification des présentes, pour honorer les termes du contrat de bail et du présent acte, faute de quoi, il sera procédé judiciairement.

La Cour estime que cette mention supplée largement la formule exigée, formule qui d’ailleurs est incluse dans l’article 101 qui figure dans l’exploit.

Elle considère de même que le non paiement des loyers étant suffisant pour l’application de l’article 101, l’insertion d’une mention relative à la violation de toutes autres clauses et conditions du bail dans la mise en demeure est superfétatoire, la conjonction "ou" utilisée dans cette disposition étant alternative.

Enfin, elle constate que l’existence de créanciers inscrits n’est pas rapportée, de sorte la notification prévue reste sans objet.

Par conséquent, elle décide que le moyen n’est pas pertinent et le rejette. 

Il est également fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir violé l’article 102 de l’Acte uniforme relatif au droit commercial général en ce qu’il a méconnu le caractère d’ordre public de l’article 101.

Mais, il a été relevé dans l’analyse du premier moyen que le paiement complet n’ayant pas été fait un mois après la mise en demeure, le grief tiré de la violation de l’article 102 ne peut prospérer pour les mêmes raisons qui ont justifié le rejet de ce moyen. Il convient également de rejeter ce moyen.

Selon la Cour, il y a lieu en conséquence de rejeter le pourvoi.

Bon à savoir

Le contrat de bail à usage commercial étant un contrat synallagmatique, chacune des parties est soumise à un certain nombre d'obligations. Lorsqu'une d'entre elles ne respecte pas les clauses et conditions du bail, l'autre partie peut demander en justice la résiliation de celui-ci2. Par conséquent, en cas de défaut de paiement des loyers, le bailleur est en droit de demander la résiliation du bail et l'expulsion des lieux loués du locataire et de tout autre occupant3.

L'Acte uniforme relatif au droit commercial général exige que la demande de résiliation soit précédée d'une mise en demeure invitant l'autre partie à respecter la ou les clauses ou conditions violées4. Cette mise en demeure doit être faite par acte d'huissier ou notifiée par tout moyen permettant d'établir sa réception effective par le destinataire5. Par ailleurs, elle doit, à peine de nullité, indiquer la ou les clauses et conditions du bail non respectées et informer le destinataire qu'à défaut de s'exécuter dans un délai d'un mois à compter de sa réception, la résiliation sera poursuivie6.

A cet égard, précisions que le locataire qui ne s’acquitte pas des loyers ne saurait invoquer la nullité de la mise en demeure qui lui a été adressée, au motif que ladite mise en demeure n’aurait pas précisé qu’à défaut de paiement des loyers le bail serait résilié, dès lors que la reproduction intégrale dans la mise en demeure de l’article 101 de l’Acte uniforme sur le droit commercial général (devenu l’article 133) comporte déjà cet avertissement.

 

Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.

________________

1. Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA), arrêt n° 60/2012 du 7 juin 2012 Société Camerounaise de Divertissements et de Commerce (SOCADIC) contre KADJI DEFOSSO Joseph, Ohadata J-14-142, www.ohada.com

2. Article 133 de l'Acte uniforme révisé relatif au droit commercial général ; Cour d'appel du Centre, arrêt n° 363/civ/bis du 17 octobre 2008, MVOGO MVOGO Serges Jean Guy contre TSUDJO KAMGA Hilaire, www.ohada.com

3. A. OUATTARA, « L'expulsion du preneur en vertu d'un bail commercial : compétence du juge des référés-expulsion ou compétence du juge du fond ? », Ecodroit, n° 13-14, juillet-août 2002, p. 3.

4. Cour d'Appel du Littoral, Arrêt du 3 novembre 2008, Arrêt n° 132/CC, NZEPANG Pierre René contre Dame NGANJIP née CHIMI Elise, Ohadata J-10-256, www.ohada.com ; M. DOUGOUNE, « L'encadrement du bail commercial, les hésitations entre protectionnisme et libéralisme : Étude comparative France, USA, Canada, Ohada », Jurifis Infos, n° 13 - Nov/Déc. 2013, p. 27.

5. Tribunal de Grande Instance de Ouagadougou , Jugement n° 069/2007 du 23 mai 2007, ROUAMBA Arnaud c/ ZIDA Jean, www.ohada.com

6. Article 133, al. 3 de l'Acte uniforme révisé relatif au droit commercial général.