Toggle Menu
#agissons #agissons

DROIT COMMERCIAL

LE BAIL COMMERCIAL

25 Octobre 2016

Tribunal de première instance de Bafoussam - Articles 80 et 101 AUDCG – Articles 112 et 133 AUDCG révisé

Présentation des faits1

La Société T. est propriétaire d’un immeuble sis à Bafoussam. Elle a donné celui-ci en location à la Société A. contre le paiement mensuel de la somme de 80.000 francs CFA.

Selon la Société T., la Société A. n’aurait pas payé les loyers pendant plusieurs mois. La Société T. lui aurait envoyé plusieurs mises en demeure. Or, aux termes de l’article 80 de l’Acte uniforme relatif au droit commercial général (AUDCG)2, le preneur est tenu de payer les loyers au bailleur aux termes convenus.

La Société T. affirme, en outre, que les loyers constituent sa seule source de revenus.

Conformément à l’article 101, alinéa 2, de l’AUDCG, la Société T. estime qu’il convient de considérer que le contrat les liant est résilié de plein droit, et que par conséquent il convient d’ordonner l’expulsion de la Société A. des lieux.  

La Société T. a assigné la Société A. en justice.

Elle demande à ce que la Société A. soit condamnée à lui payer la somme de 640.000 francs à titre d’arriérés de loyers échus et impayés. La Société T. réclame aussi que le Tribunal constate la résiliation de plein droit du bail commercial au motif que les loyers n’ont pas été payés, et que la Société A. ne respecte pas ses obligations. Elle réclame également l’expulsion de la Société A. des lieux.

Décision du Tribunal de première instance de Bafoussam

Le Tribunal constate qu’il n’est pas contesté que la Société A. est redevable de huit mois de loyers impayés à la Société T.

La Société A. justifie son non-paiement par le fait qu’elle a réalisé des travaux sur l’immeuble. A titre de preuve, elle apporte plusieurs photocopies de reçus et de factures. Le Tribunal considère toutefois que, pour pouvoir accepter ces photocopies comme preuves, il doit s’agir de photocopies certifiées conformes aux originaux par une autorité compétente. En l’espèce, le défaut de certification amène le Tribunal à rejeter ces photocopies comme pièces à conviction.

Le Tribunal décide dès lors de condamner la Société A. à payer la somme de 640.000 francs en raison des loyers impayés.

Le Tribunal analyse ensuite le prescrit de l’article 101 de l’AUDCG3, selon lequel le non-paiement des loyers constitue une cause de résiliation du contrat. Le Tribunal constate qu’en l’espèce la Société A. n’a pas payé les loyers pendant huit mois et n’a dès lors pas exécuté ses obligations contractuelles. Par conséquent, le Tribunal ordonne l’expulsion de la Société A. des lieux, celle-ci occupant les locaux sans titre ni droit.

Le Tribunal assortit ensuite sa décision d’expulsion d’une astreinte de 5000 francs par jour de retard.

Bon à savoir

Chacune des parties au contrat de bail à usage commercial est tenue au respect d’un certain nombre d’obligations. Le bailleur, d’une part, doit respecter trois obligations principales, à savoir l’obligation de délivrance du bien, l’obligation d'entretien et l’obligation de garantie contre les troubles de jouissance. Le preneur, d’autre part, a trois obligations principales envers le bailleur, à savoir le paiement du loyer, le bon usage des lieux loués et la conservation des lieux loués.

En raison du caractère synallagmatique du bail, le législateur OHADA a prévu la possibilité, pour chacune des parties, de demander la résiliation judiciaire du bail lorsque l’autre partie n’exécute pas ses obligations4. C’est pourquoi lorsque le preneur ne paye pas les loyers, le bailleur est en droit de demander la résiliation du bail ainsi que l’expulsion du locataire5.

L’article 133 de l’Acte uniforme révisé portant sur le droit commercial général (AUDCG révisé) prévoit la procédure à respecter afin d’obtenir la résiliation du bail en raison de l’inexécution par l’une des parties des clauses et conditions du bail.

La résiliation doit être demandée en justice6 et doit être précédée d’une mise en demeure demandant à la partie concernée de se conformer aux clauses et conditions du contrat7.

La mise en demeure doit nécessairement mentionner les clauses et conditions du bail n’ayant pas été respectées et informer l’autre partie qu’à défaut d’exécution dans le mois suivant la réception de la mise en demeure, la résiliation sera poursuivie8. Il s’agit d’une formalité prévue à peine de nullité.

Il convient cependant de préciser qu’une clause de résiliation de plein droit peut avoir été insérée dans le contrat9. Dans ce cas, il appartiendra à la partie contestant la résiliation de saisir la juridiction compétente10.

 

Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque. 

______________

1. Tribunal de première instance de Bafoussam, arrêt n°72 du 31 août 2007, www.ohada.com, Ohada J-08-135.

2. Il s’agit désormais de l’article 112 de l’Acte uniforme révisé portant sur le droit commercial général.

3. Il s’agit désormais de l’article 133 de l’Acte uniforme révisé portant sur le droit commercial général.

4. Voy. notamment Cour d'appel du Centre, arrêt n° 363/civ/bis du 17 octobre 2008, Affaire : MVOGO MVOGO Serges Jean Guy contre TSUDJO KAMGA Hilaire, www.ohada.com.

5. A. Ouattara, « L'expulsion du preneur en vertu d'un bail commercial : compétence du juge des référés-expulsion ou compétence du juge du fond ? », Ecodroit, n° 13-14, juillet-août 2002, p. 3.

6. Tribunal de Grande Instance de Dschang, Jugement n° 32/CIV TPI du 03 décembre 2009, Affaire : LEKEMO Benoît contre Mme NGAKOU Née NGUIMFO Brigitte, www.ohada.com.

7. Cour d'Appel du Littoral , Arrêt du 3 novembre 2008, Arrêt n° 132/CC, Affaire : NZEPANG Pierre René contre Dame NGANJIP née CHIMI Elise, www.ohada.com, J-10-256 ; M. Dougoune, « L'encadrement du bail commercial, les hésitations entre protectionnisme et libéralisme : Étude comparative France, USA, Canada, Ohada », Jurifis Infos, N° 13 - Nov/Déc. 2013, p. 27.

8. Article 133, alinéa 3, de l’Acte uniforme révisé portant sur le droit commercial général.

9. B. Togora, Brèves observations au sujet du bail commercial à durée déterminée et des conditions de son renouvellement par reconduction suivant le droit OHADA », site d'information www.ohada.com, p. 5.

10. Tribunal de Première Instance de Yaoundé Ekounou, Jugement du 27 septembre 2012, Jugement n° 42, BELECK EMMANUEL c/ MENGOMO ROGER BRICE, www.ohada.com, J-14-117.