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DROIT COMMERCIAL

LE BAIL COMMERCIAL

25 Octobre 2016

Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) – Article 95 AUDCG – Articles 126 et 127 AUDCG Révisé

Présentation des faits1

Par contrat du 30 octobre 1998 venant à expiration le 30 octobre 2001, Madame S. a loué un local à usage commercial à Madame Z. 

Par exploit du 22 mars 2001, Madame S. a donné à Madame Z. congé sans renouvellement du bail et sans offre d’indemnité d’éviction, au motif que Madame Z. a modifié la destination du local prévue dans le contrat, notamment en y exploitant une boîte de nuit avec des nuisances sonores pour les tiers.

Par requête du 10 septembre 2001, Madame Z. a assigné devant le Tribunal de première instance d’Abidjan Madame S., gérante de l’Entreprise SEYAUDLAU, pour s’entendre annuler l’exploit de congé du 22 mars 2001, au motif qu’elle a informé Madame S. de l’installation d’une boîte de nuit, et que cette dernière l’avait même encouragée dans ses travaux.

Par requête du 15 octobre 2001 adressée à la même juridiction, Madame S. a prétendu que le congé qu’elle avait donné à Madame Z. trouvait sa justification dans le changement de destination du local loué.

Par jugement du 03 décembre 2001, le Tribunal de première instance d’Abidjan a validé le congé sans offre d’indemnité d’éviction donné à Madame Z. par Madame S., au motif que le preneur n’avait pas souscrit de police d’assurance stipulé dans le contrat.

Madame Z. a alors interjeté appel dudit jugement.

Par arrêt du 17 mai 2002, la Cour d’Appel d’Abidjan a infirmé la décision rendue par le premier juge et a déclaré Madame S. mal fondée en sa demande d’expulsion de Madame Z.

Madame S. a alors formé un pourvoi contre ledit arrêt.

Décision de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage 

Il est reproché à l’arrêt attaqué d’avoir statué comme il a été indiqué ci-dessus, alors que l’article 95 de l’Acte uniforme relatif au droit commercial général n’interdit pas au bailleur qui refuse le renouvellement du bail au preneur, d’étayer en cours d’instance les violations contractuelles autres que celle mentionnée dans la mise en demeure de congé, telle que l’absence de la police d’assurance par le preneur, ce qui constitue une « entorse à la convention justifiant sa légitime rupture, qu’en décidant le contraire, la Cour d’Appel d’Abidjan a violé l’article 95 de l’Acte uniforme relatif au droit commercial général »

La Cour rappelle ensuite le contenu de l’article 95 de l’Acte uniforme relatif au droit commercial général, lequel dispose que le bailleur peut s’opposer au droit au renouvellement du bail à durée déterminée, ou indéterminée, sans avoir à régler d’indemnité d’éviction, s’il justifie d’un motif grave et légitime à l’encontre du preneur sortant.

Ce motif doit consister, soit dans l’inexécution par le locataire d’une obligation substantielle du bail, soit encore dans la cessation de l’exploitation du fonds de commerce.

Ce motif ne pourra être invoqué que si les faits se sont poursuivis ou renouvelés plus de deux mois après mise en demeure du bailleur, par acte extrajudiciaire, d’avoir à les faire cesser.

Selon cet article, le bailleur peut refuser le renouvellement sans être tenu au paiement d’aucune indemnité, s’il justifie d’un motif grave et légitime à l’encontre du preneur sortant.

Toutefois, s’il s’agit de l’inexécution d’une obligation, celle-ci ne pourra être invoquée que si elle s’est poursuivie ou renouvelée plus de deux mois après mise en demeure du bailleur d’avoir à la faire cesser.

Il s’ensuit que n’a pas violé l’article 95 suscité, la Cour d’Appel d’Abidjan qui, après avoir relevé que le défaut de souscription d’assurance reproché à Madame Z. ne figurait pas dans la mise en demeure signifiée à cette dernière le 22 mars 2001, a retenu que « le premier juge n’a pas donné de base légale à sa décision, car il lui appartenait, dans une instance de congé et en validation du même congé, d’apprécier le bien-fondé du motif du congé et sa conformité à la loi, de sorte que pour ce motif, le jugement entrepris mérite infirmation ».

L’arrêt attaqué étant par conséquent rendu conformément à l’article précité, le moyen doit être rejeté. Madame S. ayant succombé, elle doit être condamnée aux dépens. 

Bon à savoir

Le bailleur à qui une demande de renouvellement est formulée peut toujours s'opposer au renouvellement du bail, pour autant qu'il verse au locataire une indemnité d'éviction2. Dans ce cas, le bailleur ne doit pas motiver les raisons de son refus, n'y démontrer que le preneur a commis une faute justifiant le non-renouvellement du bail. 

Il existe toutefois certaines situations dans lesquelles le bailleur peut s'opposer au renouvellement du bail sans être pour autant tenu de payer une indemnité d'éviction. C'est le cas dans deux hypothèses :

1°) si le bailleur justifie d'un motif grave et légitime à l'encontre du preneur sortant ou de son ayant-cause3. Ce motif doit nécessairement consister soit dans l'inexécution par le locataire d'une obligation substantielle du bail4, soit encore dans la cessation de l'exploitation de l'activité. Par ailleurs, le motif ne peut être invoqué que si les faits se sont poursuivis ou renouvelés plus de deux mois après une mise en demeure du bailleur demandant au preneur de faire cesser ces faits5

2°) si le bailleur envisage de démolir l'immeuble comprenant les lieux loués, et de le reconstruire. Dans ce cas, le bailleur doit justifier de la nature et de la description des travaux projetés6.

Précisons enfin que l’article 95 de l’Acte uniforme relatif au droit commercial général n’interdit pas au bailleur qui refuse le renouvellement du bail au preneur, d’étayer en cours d’instance les  violations contractuelles autres que celle mentionnée dans la mise en demeure de congé.

 

Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.

________________

1. Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA), Arrêt n° 006/2009 du 26 février 2009 – SEYWA Antoinette c/ ZOUZOUA Nathalie, Actualités Juridiques, n° 64-65 / 2009, p. 265, Ohadata J-10-16, www.ohada.com

2. Article 126 de l'Acte uniforme révisé relatif au droit commercial général.

3. M. DOUGOUNE, « L'encadrement du bail commercial, les hésitations entre protectionnisme et libéralisme : Étude comparative France, USA, Canada, Ohada », Jurifis Infos, N° 13 - Nov/Déc. 2013, p. 30.

4. Arrêt n° 006/2009, Pourvoi n° 099/2003/ PC du 23 octobre 2003, Affaire : SEYWA Antoinette (Conseil : Maître BOUAKE Binaté, Avocat à la Cour) contre ZOUZOUA Nathalie ; Recueil de Jurisprudence n° 13, 2009, p. 45 ; Cour d'Appel d'Abidjan Arrêt du 6 mai 2005, Arrêt civil contradictoire, Affaire : Société d'assurances ATLAS c/ Neil Rubin, J-09-152.

5. B. TOGORA, Brèves observations au sujet du bail commercial à durée déterminée et des conditions de son renouvellement par reconduction suivant le droit OHADA », site d'information www.ohada.com, p. 4.

6. Article 127 de l'Acte uniforme révisé relatif au droit commercial général.