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DROIT COMMERCIAL

LE BAIL COMMERCIAL

25 Octobre 2016

Cour Suprême de Côte d’Ivoire - Article 85 AUDCG - Article 117 AUDCG révisé

Présentation des faits1

Les frères K. ont donné à Madame A. un local en location le 16 octobre 1986.

Le 8 mai 1998, les frères K., en vue de la reconstruction de leur immeuble situé à Adidjan, ont donné à Madame A. congé afin que celle-ci libère le local.

Une fois les travaux terminés, Madame A. a souhaité faire usage de son droit de priorité et les frères K. lui ont dès lors proposé un nouveau loyer sur la base d’un loyer mensuel de 520.000 francs CFA.

Le 31 mai 2001, Madame A. a saisi le juge des loyers du Tribunal d’Abidjan d’une demande en révision du loyer. Les frères K. ont fait savoir qu’ils considéraient cette demande irrecevable puisque le loyer n’est susceptible de révision, en vertu de la loi, que trois années après la signature du bail, et que le bail commercial en question avait été signé le 17 février 2000.

Le Tribunal d’Abidjan a, par une décision avant dire droit datant du 17 juillet 2001, rejeté la fin de non-recevoir des frères K. et a déclaré la demande de Madame A. recevable. Ledit Tribunal a également ordonné une expertise locative.

Le Tribunal d’Abidjan, statuant sur le fond de la demande a ensuite fixé le loyer à 486.650 francs CFA et la date d’exigibilité de celui-ci au 31 mai 2000.

La Cour d’appel d’Abidjan, dans son arrêt du 25 juin 2002, a réduit le montant du loyer à 295.250 francs CFA avec comme point de départ le jour de la signification de l’arrêt. La Cour d’appel a par ailleurs déclaré l’appel incident des frères K. irrecevable.

Les frères ont introduit un pourvoi en cassation contre cet arrêt du 25 juin 2002.

Décision de la Cour Suprême de Côte d’Ivoire

 La Cour Suprême commence par rappeler le prescrit de l’article 85, alinéa 2 de l’Acte uniforme relatif au droit commercial général (AUDCG)2, selon lequel : « pour fixer le nouveau loyer, la juridiction compétente tient notamment compte des éléments suivants : la situation des locaux, leur superficie, l’état de vétusté, les prix des loyers commerciaux couramment pratiqués dans le voisinage pour les locaux similaires …».

La Cour estime par conséquent que lorsqu’ils fixent le loyer, les juges doivent prendre en considération les caractéristiques propres au local et non au locataire ainsi qu’à l’utilité que présente pour ses activités telle ou telle partie du local.

La Cour constate que s’il est vrai que le locataire peut invoquer le profit susceptible d’être tiré des lieux loués eu égard à l’usage auquel il entend le destiner pour conclure ou ne pas conclure le bail, le locataire ne peut toutefois pas s’en prévaloir comme cause déterminante d’une révision du loyer et ensuite l’imposer au bailleur. En effet, le locataire prend les lieux loués comme ils sont sans pouvoir exiger du bailleur des modifications conformes à ses besoins.

Par conséquent, la Cour considère que l’arrêt attaqué a violé l’article 85, alinéa 2, de l’Acte uniforme précité dans la mesure où, pour fixer le loyer, les juges ont retenu que la mezzanine était un accessoire non indispensable au commerce de la locataire, et devait dès lors être déduit de la surface locative.

Au vue de ces considérations, la Cour Suprême reçoit le moyen des frères K., casse et annule partiellement l’arrêt attaqué.

Bon à savoir

Le législateur OHADA a laissé la liberté aux parties de fixer le prix du loyer au moment de la conclusion du contrat de bail commercial. Une limite a toutefois été prévue, en ce que les parties sont tenues au respect des dispositions législatives ou réglementaires en la matière3.

Il est en outre possible que les parties révisent ensuite le prix du loyer. Cette révision peut intervenir soit lorsque les parties l’ont prévu dans le contrat, et aux conditions décidées par elles, soit lors de l’expiration de chaque triennat4.

Lorsque les parties ne trouvent pas un accord sur le montant du nouveau loyer, la partie la plus diligente peut saisir le juge en vue de déterminer le montant du loyer5. Dans ce cas, le juge prendra en considération tous les éléments susceptibles d’avoir une incidence sur le montant du loyer, et notamment :

- la situation des locaux loués,

- la superficie des locaux loués,

- l’état de vétusté des locaux loués,

- le prix des loyers commerciaux couramment pratiqués dans le voisinage pour des locaux similaires6.

 

Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque. 

_________________________

 

1. Cour Suprême de Côte d’Ivoire, arrêt n°122 du 4 mars 2004, www.ohada.com, Ohada J-05-351.

2. Il s’agit désormais de l’article 117 de l’Acte uniforme révisé portant sur le droit commercial général (AUDCG révisé).

3. Article 116 de l’Acte uniforme révisé portant sur le droit commercial général.

4. J. Issa-Sayegh, « Présentation des dispositions sur le droit commercial général », www.ohada.com, p. 7.

5. Cour Commune de Justice et d’arbitrage (CCJA),  Arrêt n°36 du 3 juillet 2008, Affaire : Société Burkina et Shell C/0,  Le Juris-Ohada, n° 4/2008, p. 30 ; Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA),  Arrêt n° 054/2008 du 11 décembre 2008, Pourvoi n° 024/2003/PC du 06/02/2003, Affaire : ROCHE Jean Germain contre Maître TIDOU SANOGO Ladji, Docteur DJOMAN EZAN Angèle, Recueil de Jurisprudence,  n° 12, Juillet-Décembre 2008, p. 129.

6. Article 117 de l’Acte uniforme révisé portant sur le droit commercial général.