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DROIT COMMERCIAL

LE BAIL COMMERCIAL

25 Octobre 2016

Section de tribunal de Dimbokro - Article 93 AUDCG – Article 125 AUDCG révisé

Présentation des faits1

Madame A. et son époux ont loué à Monsieur D. une villa moyennant un loyer mensuel de 40.000 francs CFA par trimestre dont ce dernier s’est acquitté.

Toutefois, Madame A. n’a plus eu assez d’espace dans la maison qu’elle occupe actuellement, et ce en raison de ses enfants et de ses petits enfants qui vivent avec elle. C’est pourquoi elle a donné congé à Monsieur D., par exploit datant du 17 septembre 2004, de lui céder les lieux dans les trois mois.

L’exploit est venu à expiration le 20 décembre 2004, date à laquelle Monsieur D. occupait toujours le lieux.

Madame A. a introduit une requête devant le tribunal civil de Dimbokro. Elle a demandé au Tribunal de valider son congé et d’expulser purement et simplement Monsieur D. afin qu’elle puisse occuper la villa.

Monsieur D. considère que ses problèmes avec Madame A. ont commencé au décès de l’époux de cette dernière. Il invoque également une décision rendue par le Tribunal de Tourmodi datant de mai 2004 par laquelle Madame A. avait été déboutée de sa demande en expulsion de Monsieur D. aux fins de réaliser des travaux dans la villa.

Il estime également qu’elle utilise des arguments fallacieux dans l’unique but de l’évincer des locaux, et qu’une enquête de police permettrait de démontrer qu’elle vit pratiquement seule.

Monsieur D. ne refuse par ailleurs pas de quitter les lieux mais constate qu’il existe une pénurie de logements à Yamoussoukro en raison de l’afflux des déplacés de guerre.

Monsieur D. propose son maintien dans les lieux moyennant une majoration de son loyer de 25%.

Décision

Le Tribunal constate en premier lieu qu’il existe bien un contrat de bail verbal à durée indéterminée entre les deux parties. Le Tribunal observe également que Monsieur D. a toujours occupé le bien comme lieu d’habitation.

Le Tribunal rappelle ensuite le prescrit de l’article 93 de l’Acte uniforme relatif au droit commercial général2 (AUDCG). Conformément à cet article, le preneur peut s’opposer au congé donné par le bailleur en notifiant à ce dernier sa contestation par acte extrajudiciaire. Il doit toutefois contester dans un certain délai, soit au plus tard au moment le congé prend effet, à défaut de quoi le bail à durée indéterminée cessera à la date du congé.

Le Tribunal estime dès lors qu’en l’espèce Monsieur D. n’a pas contesté le congé donné par Madame A. et que le bail a cessé le 20 décembre 2004.

Pour le surplus, le Tribunal considère que l’article 93 précité est une disposition d’ordre public à laquelle les parties ne sauraient déroger.

Par conséquent, Monsieur D. occupant les lieux sans titre ni droit, le Tribunal ordonne son explusion.

Bon à savoir

L’acte uniforme révisé portant sur le droit commercial général (AUDCG) a prévu le droit pour le locataire d’un bail commercial d’obtenir le renouvellement de celui-ci, ou à défaut d’obtenir une indemnité compensant la perte d’occupation des lieux.

Même s’il est vrai que le renouvellement est un droit pour le preneur, ce dernier doit remplir certaines conditions pour pouvoir en bénéficier. Il doit, tout d’abord, avoir exploité l’activité pendant au moins deux années3. A cet égard, il est important de préciser qu’il doit s’agir de l’activité telle que décrite dans le contrat de bail, à savoir de nature industriel, commerciale, artisanale ou professionnelle4.

Le délai de deux ans se calcule de la manière suivante: à partir de la date de l’entrée en vigueur du bail jusqu’à la date d’expiration de celui-ci dans le cas d’un bail à durée déterminée5, et à partir de l’entrée en vigueur du bail jusqu’au moment de la signification du congé par le bailleur ou de la demande de renouvellement dans l’hypothèse où le bail est a durée indéterminée.

L’activité du preneur peut bien entendu n’être que saisonière, et c’est pourquoi il est admis que l’activité ait l’objet d’interruptions, pour autant que celles-ci n’aient pas été longues au point que la clientèle ait été perdue6.

Il est tout à fait possible que l’activité ait été exploitée par un intermédiaire. Dans ce cas, le droit au renouvellement continue d’appartenir au preneur, c’est-à-dire au propriétaire du fonds de commerce.

Lorsque le bail a été conclu pour une durée indéterminée, chacune des parties peut mettre fin au contrat pour autant qu’elle donne congé à l’autre partie au moins six mois à l’avance7. Dans ce cas, le preneur dispose de la possibilité de s’opposer au congé en notifiant sa contestation au bailleur, et ce au plus tard au moment où le congé prend effet8. Cependant, une fois ce délai passé, le preneur qui n’a pas contesté le congé perd son droit au renouvellement9.

 

Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.   

_______________

 

1. Section de tribunal de Dimbokro, arrêt n°54 du 14 avril 2005, www.ohada.com, Ohada J-09-181.

2. Il s’agit désormais de l’article 125 de l’Acte uniforme révisé portant sur le droit commercial général (AUDCG révisé).

3. Cour d'Appel de Ouagadougou , Arrêt du 21 novembre 2008, Arrêt n° 059, COMPAORE née GRÜNER Hans Yvette c/ SIMPORE née GNINGNIN Téné Rasmata, www.ohada.com; Article 123 de l'Acte uniforme relatif au droit commercial général.

4. Tribunal Régional de Niamey, Jugement du 03 mars 2004, Jugement civil n° 084, Affaire : Cabinet Pannell Kerr Forster (PKF) c/ M. Abdourahamane Boubacar, www.ohada.com, J-09-174.

5. Cour d'appel du Litoral, Arrêt n° 083/CC du 07 juillet 2008, Affaire : Eglise Evangelique du Cameroun Région du Wouri c/ Société Fokou & Fils, www.ohada.com.

6. A. Pedro Santos et J. Yado Toé, Ohada, Droit commercial général, Bruylant, Bruxelles, 2002, p. 187.

7. Tribunal de commerce de Brazzaville, Jugement du 24 avril 2009, Affaire : Société E.T c/ S.F, Revue congolaise de droit et des affaires, n° 3, p. 62 ; Cour d'Appel du Littoral, Arrêt du 17 novembre 2008, Arrêt n° 194/réf, Société UTRAS CAMEROUN SARL C/ Dame Charlotte Ndongo, www.ohada.com, J-10-255.

8. Article 125 AUDCG révisé.

9. M. Dougoune, « L'encadrement du bail commercial, les hésitations entre protectionnisme et libéralisme : Étude comparative France, USA, Canada, Ohada », Jurifis Infos, N° 13 - Nov/Déc. 2013, p. 25.