Toggle Menu
#agissons #agissons

DROIT COMMERCIAL

LE BAIL COMMERCIAL

25 Octobre 2016

Tribunal de première instance de Bafoussam – Articles 71, 101 et 102 AUDCG – Article 133 AUDCG Révisé

Présentation des faits1

Par exploit en date du 23 janvier 2004, Monsieur F. a cité Monsieur M., à comparaître devant le président du Tribunal de Première Instance de Bafoussam, à l’effet de constater que Monsieur M. est son locataire,  que celui-ci accuse des arriérés de loyers (de août à décembre 2003) et, partant, ordonner la résiliation du bail et l’expulsion de Monsieur M. de l’immeuble sous astreinte de 30.000 F CFA par jour de retard. 

Au soutien de son action, Monsieur F. expose qu’il est propriétaire d’un immeuble sis à Bafoussam. Courant 2003, il a donné cet immeuble à bail à usage commercial à Monsieur M. moyennant un loyer mensuel de 60.000 F CFA. 

Monsieur M. cumule cinq mois de loyers échus et impayés couvrant la période allant d’août à décembre 2003, soit au total 300.000 F CFA.

Les multiples relances amiables entreprises par Monsieur F. en vue du recouvrement de cette créance se sont heurtées à la résistance abusive et injustifiée de son locataire de mauvaise foi.

L’occupation prolongée de immeuble litigieux par Monsieur M. cause des inquiétudes supplémentaires à Monsieur F. Il y a ainsi  urgence à ce qu’un terme soit mis à cette occupation.

En réplique, Monsieur M. soulève l’incompétence du juge des référés de céans.

Décision du président du Tribunal de première instance de Bafoussam 

Le président du Tribunal de première instance de Bafoussam rappelle tout d’abord le contenu de l’article 101, alinéa 2 de l’Acte uniforme portant droit commercial général, lequel dispose qu’à défaut de paiement du loyer ou en cas d’inexécution d’une clause du bail, le bailleur pourra demander à la juridiction compétente la résiliation du bail et l’expulsion du preneur et de tous occupants de son chef, après avoir fait délivrer, par acte extrajudiciaire, une mise en demeure d’avoir à respecter les clauses et conditions du bail.

L’alinéa 3 de l’article 101 énonce que cette mise en demeure doit reproduire, sous peine de nullité, les termes du présent article et informer le preneur qu’à défaut du paiement ou de respect des clauses et conditions du bail dans un délai d’un mois, la résiliation sera poursuivie.

Conformément à l’alinéa 5 de même texte, le jugement prononçant la résiliation ne peut intervenir qu’après l’expiration d’un délai d’un mois suivant la notification de la demande en résiliation et en expulsion aux créanciers inscrits.

Selon le président, il résulte de la lecture combinée desdites dispositions d’une part que le double délai d’un mois imposé au demandeur en résiliation et en expulsion atteste à suffisance qu’il n’y a pas urgence à ordonner les mesures sollicitées en l’espèce, ce qui justifie l’incompétence du juge des référés qui est juge de l’urgence et du provisoire. D’autre part, la nature de la décision à rendre par le juge saisi est, aux termes de l’alinéa 5 de l’article 101, un jugement rendant a priori le juge des référés incompétent, celui-ci ne statuant que par ordonnance et non par jugement.

Il s’en suit que le juge des référés est incompétent à statuer sur la demande en résiliation et en expulsion en matière de bail commercial, les dispositions de l’article 101 de l’Acte uniforme susvisé étant d’ordre public ainsi qu’il ressort de l’article 102 du même Acte.

Par conséquent, le président du Tribunal de première instance se déclare incompétent et renvoie Monsieur F. à mieux se pourvoir. 

Bon à savoir

Le contrat de bail à usage commercial étant un contrat synallagmatique, chacune des parties est soumise à un certain nombre d'obligations. Lorsqu'une d'entre elles ne respecte pas les clauses et conditions du bail, l'autre partie peut demander en justice la résiliation de celui-ci2. Par conséquent, en cas de défaut de paiement des loyers, le bailleur est en droit de demander la résiliation du bail et l'expulsion des lieux loués du locataire et de tout autre occupant3.

Le contrat de bail peut cependant prévoir une clause résolutoire de plein droit4. Dans ce cas, le contrat de bail sera résolu de plein droit en cas de manquement grave d'une des parties, sans qu'il ne soit nécessaire de passer par le juge. En cas de contestation, l’autre partie pourra saisir le juge qui décidera s'il y a lieu ou pas de confirmer la résolution5.

En l’absence d’une clause résolutoire de plein droit dans le bail, la juridiction compétente pour prononcer la résiliation du bail pour non paiement des loyers n’est pas le juge des référés, comme en atteste la lecture combinée des dispositions de l’article 133 de l’Acte uniforme révisé relatif au droit commercial général (ancien article 101). En effet, la résiliation fait appel à des éléments qui relèvent du domaine d’appréciation du juge du fond6.

 

Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.

_______________

1. Tribunal de première instance de Bafoussam, Ordonnance de référé n° 65 du 30 avril 2004, Affaire FONKO Jean c/ NOTOU Eric, Ohadata J-05-06, www.ohada.com 

2. Article 133 de l'Acte uniforme révisé relatif au droit commercial général ; Cour d'appel du Centre, arrêt n° 363/civ/bis du 17 octobre 2008, MVOGO MVOGO Serges Jean Guy contre TSUDJO KAMGA Hilaire, www.ohada.com

3. A. OUATTARA, « L'expulsion du preneur en vertu d'un bail commercial : compétence du juge des référés-expulsion ou compétence du juge du fond ? », Ecodroit, n° 13-14, juillet-août 2002, p. 3.

4. B. TOGORA, Brèves observations au sujet du bail commercial à durée déterminée et des conditions de son renouvellement par reconduction suivant le droit OHADA », www.ohada.com, p. 5.

5. Tribunal de Première Instance de Yaoundé Ekounou, Jugement du 27 septembre 2012, Jugement n° 42, BELECK EMMANUEL c/ MENGOMO ROGER BRICE, www.ohada.com, J-14-117.

6. Tribunal régional hors classe de Dakar (Sénégal), Ordonnance de référé n° 1326 du 30 novembre 1998, Indivision Pierre-Michel-Robert Lahoud c/ Ibrahima Doumbya, Ohadata J-05-67, www.ohada.com