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DROIT COMMERCIAL

LE BAIL COMMERCIAL

25 Octobre 2016

Cour d'appel du Centre - Article 93 AUDCG - Article 125 AUDCG révisé

 

Présentation des faits1

Le 1er janvier 1999, Monsieur N. a conclu avec Madame et Monsieur T. des contrats de bail en vue de l'exploitation par ceux-ci des espaces de son immeuble sis à Yaoundé.

Le 12 août 1999, Monsieur N. a signé avec Monsieur et Madame T. d'autres contrats de bail. Monsieur N. considère que ceux-ci constituent des avenants aux premiers contrats.

L'une des clauses de ces nouveaux contrats stipulait par ailleurs que le lieu était destiné à une construction et que les locataires devaient libérer les espaces dans les deux mois suivants une mise en demeure envoyée à ce propos. Le 2 novembre 1999, Monsieur N. a envoyé à Madame et Monsieur T. une sommation de libérer les lieux afin de commencer les travaux.

Monsieur N., après avoir obtenu le permis de bâtir le 12 septembre 2000, a de nouveau envoyer une sommation aux intimés afin de libérer les lieux, mais en vain.

Par une ordonnance du 03 avril 2001, le juge des référés de Yaoundé s'est déclaré compétent pour ordonner l'expulsion de Monsieur et Madame T. des lieux ainsi que l'enlèvement des conteneurs posés par ceux-ci, et ce sous astreinte de 1.000.000 de francs de jour de retard à compter du prononcé de l'ordonnance.

Le premier juge a en effet considéré qu'il ne pouvait pas prendre en considération les deux contrats de bail présentés devant lui à l'égard du même immeuble.

Monsieur N. a interjeté appel contre cette décision.

Monsieur N. considère que les contrats de bail datant du 12 août 1999 constituent des avenants aux contrats signés le 1er janvier 1999 et que par conséquent il n'est pas possible d'opposer les deux contrats, d'autant plus que ces contrats ont été signés par les mêmes parties.

Monsieur N. invoque également l'article 1134 du Code civil, au terme duquel « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ». A cet égard, Monsieur et Madame T. ne peuvent pas refuser de se soumettre au prescrit de la convention qu'il ont signée. Lorsqu'ils refusent de s'y soumettre, comme c'est le cas en l'espèce, ils se rendent copuable d'une voie de fait, rendant le juge des référés compétent. C'est pourquoi Monsieur N. sollicite l'annulation de l'ordonnance du juge des référés.

Monsieur et Madame T. rétorquent quant à eux que rien n'indique dans les contrats du 12 août 1999 qu'ils voulaient faire une quelconque référence au contrat du 1er janvier 1999. Ils estiment également qu'une jurisprudence constante considère que l'existence de deux contrats différents sur le même immeuble constitue une contestation sérieuse échappant à la compétence du juge des référés puisqu'ayant trait au principal.

A propos de la mise en demeure, ils estiment que conformément au contrat du 12 août 1999, elle sera donnée d'avoir à libérer les lieux dans les deux mois à compter de la réception. Cette clause du contrat constitue toutefois une violation flagrante des articles 93 et 101 de l'Acte uniforme relatif au droit commercial général2. Par conséquent, la mise en demeure du 2 novembre 1999 est nulle et est insuffisante à fonder une action en expulsion.

Décision de la Cour d'appel du Centre

Tout d'abord, sur la compétence ou non du juge des référés, la Cour d'appel rappelle qu'il est insuffisant qu'une contestation touche au fond du froid pour être considérée comme sérieuse, mais qu'il faut également qu'elle n'apparaisse pas comme infondée.

En l'espèce, la Cour constate que Monsieur et Madame T. ont signé le contrat de bail du 12 août 1999 et qu'ils ont en conséquence implicitement mais nécessairement entendu décider que leurs rapports d'obligation devaient désormais être régis par la nouvelle convention.

Ensuite, la Cour d'appel estime que la convention du 12 août 1999 convient en son article 8 une clause attribuant la compétence au juge des référés et que par conséquent le premier juge n'a pas fait une correcte application de la loi. La Cour infirme l'ordonnance en question et statue à nouveau par évocation.

La Cour d'appel analyse la question de l'explusion et considère que Monsieur N. avait bien envoyé aux locataires une sommation de libérer les lieux. Toutefois, plus de six mois s'étant de toute manière écoulés, l'argument tiré de la violation de l'article 93 de l'Acte uniforme précité est rejeté par la Cour.

La Cour ordonnance l'expulsion de Monsieur et Madame T. dès lors que leur maintien dans les lieux à l'expiration du congé qui leur a été donné en aplication de l'article 93 précité constitue une voie de fait.

Bon à savoir

Conformément à l'article 125 de l'Acte uniforme révisé portant sur le droit commercial général, « dans le cas d'un bail à durée indéterminée, toute partie qui entend le résilier doit donner congé par signification d'huissier de justice ou notification par tout moyen permettant d'établir la réception effective par le destinataire au moins six mois à l'avance ».

Par conséquent, lorsque le bail a été conclu pour une durée indéterminée, chacune des parties peut mettre fin au contrat pour autant qu’elle donne congé à l’autre partie au moins six mois à l’avance3.

Dans ce cas, le preneur dispose de la possibilité de s’opposer au congé en notifiant sa contestation au bailleur, et ce au plus tard au moment où le congé prend effet4.

Cependant, une fois ce délai passé, le preneur qui n’a pas contesté le congé perd son droit au renouvellement5.

 

Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.  


____________________

 

1. Cour d’appel du Centre, Arrêt du 16 août 2002, arrêt n° 346/CIV, Ohadata J-04-469, www.ohada.com.

2. Il s'agit désormais de l'article 125 de l'Acte uniforme révisé portant sur le droit commercial général.

3. Tribunal de commerce de Brazzaville, Jugement du 24 avril 2009, Affaire : Société E.T c/ S.F, Revue congolaise de droit et des affaires, n° 3, p. 62 ; Cour d'Appel du Littoral, Arrêt du 17 novembre 2008, Arrêt n° 194/réf, Société UTRAS CAMEROUN SARL C/ Dame Charlotte Ndongo, www.ohada.com, J-10-255.

4. Article 125 AUDCG révisé.

5. M. Dougoune, « L'encadrement du bail commercial, les hésitations entre protectionnisme et libéralisme : Étude comparative France, USA, Canada, Ohada », Jurifis Infos, N° 13 - Nov/Déc. 2013, p. 25.